Le Statsraad Lehmkuhl, le Galeón, le Cuauhtémoc… Ils font rêver les visiteurs. Et donnent, forcément, envie de prendre des clichés. On vous donne quelques conseils pour réussir vos photographies pendant l’Armada.
Jean-François "Jeff" Vautard, 27 ans, est avant tout marin. Ce photographe amateur, qui a pu naviguer sur certains des plus beaux voiliers du monde, s’est passionné pour les photos de mer. Vous connaissez probablement déjà Stéphane L’Hôte, journaliste dans notre rédaction, et dont les clichés à l’esthétique léchée se retrouvent bien souvent en tête de nos articles ou sur nos réseaux sociaux. Jonathan Pasqué, quant à lui, alimente quotidiennement nos comptes TikTok, Facebook et Instagram de ses photographies et vidéos de l’Armada. A la ville, aussi, il photographie.
Nous avons demandé à ces trois photographes de nous dévoiler leurs techniques personnelles et leurs trucs et astuces. A vous de piocher pour réussir vos clichés de bateau et repartir avec de beaux souvenirs plein la tête… Et la carte mémoire !
"Il n’y a pas besoin d’avoir du matériel hors de prix"
Cette nouvelle édition de l’Armada a été l’occasion pour Jeff Vautard de retrouver deux navires sur lesquels il a pu naviguer : le Belem et le Shtandar. Le jeune marin a commencé la photographie en 2014. Pour lui, inutile d’investir immédiatement dans du matériel coûteux : "j’ai amélioré mon kit au fur et à mesure. Maintenant, j’ai un Nikon D800 avec des optiques SIGMA. J’ai acheté ça d’occasion. Mais j’ai commencé avec un Coolpix d’entrée de gamme, et je me suis fait mon œil avec ça."
"Quand je vois les nouveaux téléphones qui sortent avec trois objectifs, équipés de modes différents… On peut s’en sortir."
Jeff Vautard
Lui conseille de ne pas forcément s’acharner à prendre en photo les navires dans leur globalité… Mais de s’intéresser aux détails, à ces petits objets "qui font l’histoire du bateau". "Je vais m’intéresser aux barres à roues, aux cloches, aux poulies, aux armoiries du navire, tout ce qui peut être un objet de tradition d’un bateau. Je ne vais pas chercher à faire du grand angle mais chercher les petits détails, ces objets qui racontent la vie du bateau."
Concernant la technique, chacun ira de sa patte. Pour lui, il faut cependant tenter des choses différentes, des cadres différents, quitte à échouer, et ne pas hésiter à jouer "sur la profondeur, sur les effets de flou". "Je vais avoir tendance à travailler avec un 50 mm qui recrée ce que l’œil humain voit. Je retravaille ensuite mes photos sur Lightroom [un logiciel de traitement photo, ndlr] mais j’y vais assez soft, sauf si j’ai commis des erreurs d’exposition."
"Ça peut être très intéressant de mettre l’accent sur les équipages. Les gens à bord, ce sont des gueules, des têtes intéressantes à prendre en photo. Quand on a visité la FREMM Normandie et la Belle Poule, il y avait un officier marinier avec une barbe monstre, des lunettes à la Top Gun et l’uniforme de sortie de la marine, casquette, chemise, galons !"
Jeff Vautard
Concernant l'heure... Il est parfois difficile de se frayer un chemin dans la foule pour prendre en photo les navires. Alors si vous en avez la possibilité, n'hésitez pas à arpenter les quais de Seine tôt le matin. Non seulement vous serez seuls, mais vous bénéficierez d'une jolie lumière ! "Le soir et le matin tôt, c'est la golden hour, quand la lumière est rasante sur l'horizon. Les couleurs que peut prendre le ciel avec les formations nuageuses, c'est intéressant aussi. Et puis, le soir ou le matin, ce sont les heures où les équipages se retrouvent, soit des beuveries de la veille, soit lorsqu'ils partent en beuverie... Et ça fait des moments sympas à immortaliser !"
Un dernier conseil ? "En photo, éclatez-vous, vous allez faire des erreurs, on a la chance d’avoir des cartes mémoire, vous allez faire 200 clichés pour vous entraîner… N’ayez pas peur de prendre des photos même si vous les ratez !"
"Il faut trouver des angles que les autres n'ont pas"
Lors de la première Armada, en 1989, Stéphane L’Hôte n’arborait pas (encore) de caméra… Mais un béret de marin, un pompon rouge et une accréditation de la Marine nationale. "Je travaillais pour le magazine Cols bleus. Je faisais des photos pour eux", raconte celui qui manie l’appareil photo depuis ses 14 ans.
Aujourd’hui, il photographie toujours avec enthousiasme. Et conseille aux amateurs de profiter des moments calmes de la journée pour s’y exercer, pendant l’Armada. "Je préfère très tôt le matin, mais quand on prend des photos avec un smartphone, il vaut mieux attendre d’avoir un peu de lumière. En plus, le matin, il y a des ambiances qu’on ne peut pas prendre la journée. Si l’on ne peut pas, le mieux, c’est d’y aller la journée mais de trouver des angles que les autres n’ont pas."
"Vous pouvez essayer de vous baisser au niveau des bateaux, de vous mettre le plus près possible du quai pour avoir moins de gens, de monter sur les hauteurs – un petit ponton, une bitte d’amarrage – et de trouver des atmosphères ou des choses insolites… pour prendre des photos qui sortent de l’ordinaire."
Stéphane L'Hôte
Si vous souhaitez prendre en photo les navires facilement, vous pouvez opter pour une croisière sur la Seine. Sinon, il est parfois plus simple de capter les petits détails. "Les règles prioritaires, c’est d’avoir une ligne d’horizon droite", souligne Stéphane. "Vous pouvez faire quelques plans larges, monter sur les ponts pour avoir les enfilades de tous les bateaux, la foule sur les quais, cette espèce de marée humaine qui restera dans les mémoires… Et, avec votre smartphone, essayez de prendre vos photos avant la tombée de la nuit, lorsque le soleil se couche."
"J’aime bien essayer de capturer des instants. Par exemple, avant-hier, j’ai fait une photo que tout le monde peut faire, un petit garçon sur les épaules de son père avec un ballon, qui se fond dans les mâtures."
Stéphane L'Hôte
"Essayez de trouver des détails en vous approchant", conseille-t-il aussi. "Ça peut être l’ancre sur la coque, la figure de proue, ou en contre-plongée, les voiles ou les mâts dans le ciel bleu… Pour changer un peu, j’ai pris la photo de ce petit garçon, une photo des voiles qui se reflètent dans une flaque d’eau, une photo des mâts du Cuauhtémoc à travers les boutes d’un autre bateau, des photos que je trouve plus insolites."
Et pour la grande parade ? Vous avez un nombre infini de possibilités. "Ce qui est sympa c'est d'être là pour le départ des bateaux. La patrouille de France, c'est une photo facile à faire puisqu'il suffit de lever son appareil", conseille Stéphane. Ajoutant qu'il faut penser à une amorce, pour situer l'emplacement de sa photo : un mât ou un morceau de pont, par exemple.
"Et puis, ils vont m'en vouloir parce que je vais divulguer le nom d'un bon spot... Mais le panorama du gîte, à Barneville-sur-Seine, c'est un très beau spot où l'on voit deux ou trois méandres de la Seine." Un secret bien gardé pour le jour le plus attendu de l'Armada.
"Réfléchissez à votre point de vue en amont"
Jonathan Pasqué raconte avoir commencé très tôt à s'intéresser à la photo. "Avec mes premiers salaires, quand j'étais alternant, j'ai commencé à voyager et j'ai acheté mon premier appareil photo. C'était mes deux passions. Par chance, elles peuvent se conjuguer", raconte celui qui est désormais chargé d'édition numérique pour France 3 Normandie mais qui ne compte pas arrêter de tout photographier.
"Peu importe l’appareil, photographie veut dire, en grec, écrire avec la lumière. Le plus important pour faire une belle photo, c’est la lumière. Après, si en plus on peut avoir un sujet intéressant, un point de vue original et une composition qui respecte les règles de l’art de la photographie, c’est encore mieux."
Jonathan Pasqué
Premier conseil : si vous souhaitez réussir vos photos pendant l'Armada, il vous faut choisir une jolie lumière. "Pas de secret. On se lève très tôt, avant le lever du soleil, pour avoir une lumière douce – ça évite notamment d'avoir des ombres très dures et qui peuvent être disgracieuses, par exemple sur les bateaux quand le soleil pointe au zénith, et ça surexpose les blancs. Et puis, c'est calme, et on peut se placer bien", assure Jonathan. "Pour les moins motivés, la deuxième option, c'est au coucher du soleil, pour les mêmes raisons."
Cet amateur de portraits conseille de bien se renseigner sur les règles de base de la photographie, notamment sur la règle des tiers. "Il y a des erreurs à éviter. Il faut éviter de cadrer un visage en laissant du vide au-dessus de la tête des gens. Et puis, il n’y a rien de pire qu’un beau soleil, parce qu’on va avoir trop d'ombres sur les reliefs des visages. Il faut profiter d’un nuage qui va jouer le rôle d’un diffuseur de lumière, comme un diffuseur de studio, ou demander à la personne de se décaler dans l’ombre, sous un arbre ou vers un mur."
Si vous traitez vos photos, sachez rester sobre. On aura beau retoucher tout ce qu’on veut, une photo ratée restera ratée. Le plus important se fait à la prise de vue.
Jonathan Pasqué
Dans les faits, même si vous vous laissez porter par l'inspiration du moment, au gré des bateaux que vous apercevez, Jonathan conseille de ne pas hésiter à réfléchir en amont au point de vue pour lequel vous aimeriez opter, et de "vous inspirer des autres", en naviguant sur Instagram notamment. Quant à la retouche, elle doit rester soft : "je ne retouche pas mes photos, mais je les traite [sur Lightroom, ndlr]. On peut jouer avec le temps d'exposition, surexposer une zone en particulier pour mettre en avant une partie choisie d'une photo."
Quant à la vidéo, de plus en plus pratiquée à l'ère des réseaux sociaux... "Elle n'est rien de plus que de la photographie dynamique", assure Jonathan. "Il faut appliquer les mêmes règles. L'erreur à ne pas faire, c'est de trop bouger dans tous les sens. C'est inregardable ! Pensez à faire un cadre", conseille-t-il. Concluant : "si vous n'êtes pas à l'aise avec le travelling, vous pouvez faire une série de plans fixes de 5 à 10 secondes, et les assembler ensuite." Il ne reste plus qu'à vous exercer !