Alors que l'inscription dans la constitution du droit fondamental à l'IVG est à l'étude au sénat, Valérie, une Rouennaise âgée de 29 ans, nous raconte toutes les difficultés auxquelles elle a dû faire face pour accéder à la prise d'une simple pilule abortive. Un parcours de combattante, qui s'ajoute à une décision toujours difficile à assumer.
"C'est mon premier avortement, et le dernier je l'espère." Valérie M. est encore bouleversée à l'évocation de ce douloureux moment de sa vie. À 29 ans, la jeune femme a dû faire face pour la première fois, à une décision qui allait bouleverser son existence.
Celle qui a toujours souhaité devenir mère, s'est retrouvée enceinte il y a quelques mois sans l'avoir désiré. "Je n'avais pas d'autre choix que d'avorter", nous confie-t-elle.
L'annonce et la décision
Tout a commencé par quelques jours de retard de règles, et des douleurs aux seins.
J'étais à mille lieues de penser que je pouvais être enceinte. J'avais retiré mon stérilet quelques semaines auparavant, et les médecins m'avaient toujours dit que je n'étais pas fertile à la suite d'une opération des ovaires lorsque j'avais 24 ans. On m'a tellement rabâché que j'aurais du mal à voir des enfants, j'étais loin de penser que mon corps serait opérationnel.
Valérie, 29 ans
Elle précise : "J'avais eu un rapport sexuel protégé avec un garçon que j'ai rencontré dans une soirée, et que je commençais tout juste à fréquenter. Mais j'ai tout de même réalisé un premier test de grossesse, puis un deuxième".
Deux tests et un verdict, Valérie est enceinte. "Là, je panique, je me fige sur place, et m'effondre dans les bras d'une amie. Je cours, paniquée, chez le père d'une autre amie qui est médecin. Et la galère commence".
Un parcours semé d'embûches
Valérie se rend chez ce docteur en urgence, car son médecin traitant est en congés. "Il me reçoit gentiment mais c'est un homme de la vieille école, il est très compétent mais n'a ni tact ni patience. Il me prescrit alors une échographie et une prise de sang et me souhaite bon courage !" Bon courage ?
La jeune femme comprend qu'il ne souhaite pas procéder à son avortement, ce qui à ce stade de la grossesse consiste à lui prescrire deux pilules abortives. "Ah non, non, je ne fais pas ça, trop de femmes se retournent contre les médecins, j'ai déjà eu des problèmes avec ça, explique le praticien, qui donne à Valérie le nom d'un autre docteur, "je connais des spécialistes qui font ça."
La jeune femme a beau argumenter qu'elle fera bien son recueil de consentement, elle sortira du cabinet sans ordonnance.
"J'essaie de prendre rendez-vous avec ce nouveau médecin, pas possible avant plusieurs semaines. Le planning familial aussi est fermé pendant les fêtes", continue Valérie.
Nous sommes alors au mois de décembre, et les vacances compliquent effectivement la prise de rendez-vous. La jeune femme parvient cependant à obtenir un créneau pour son échographie. "Je précise à la praticienne que je ne veux rien voir, ni entendre. Je viens pour un avortement pas pour entendre les battements du cœur", rapporte, toujours émue, la jeune femme.
"Tu as prévenu le père ?"
Car les jours passent, et le corps commence à changer. "On s'arrondit très vite, on est fatiguée, plus le temps passe plus je pose la main sur mon ventre, je l'appelle le bébé. À partir du moment où on a vu l'échographie, on réalise la possibilité d'avoir un bébé", explique Valérie, la voix troublée par les pleurs.
Car s'il faut se démener pour obtenir les deux pilules, il faut avant tout gérer son trouble, ses émotions, sa tristesse, le plus souvent dans la solitude.
Le premier médecin consulté avait insisté pour que Valérie prévienne son partenaire. "Tu as prévenu le père ?". Le couple n'avait partagé qu'une nuit et quelques messages, et la jeune femme préférait prendre seule sa décision.
Elle se décide pourtant à le prévenir. "MDR, ce n’est pas possible, on s'est protégés", rétorque le jeune homme. Valérie lui répond que ça ne la fait pas rire et qu'elle n'est pas la Vierge Marie. "Il m'a dit qu'il avait d'autres problèmes à gérer. Je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles." La jeune femme s'est donc retrouvée seule à gérer cette grossesse non désirée.
En finir, sans jugement
Finalement, Valérie obtiendra de l'aide grâce à la sage-femme qui fait office pour elle de gynécologue. Elle lui trouve un rendez-vous en urgence. "Elle a été formidable avec moi." Cette fois les choses vont vite. Sur la table sont disposés le recueil du consentement et les deux pilules, à prendre à 48 heures d'intervalle. La femme qui la reçoit est accueillante et bienveillante, sans jugement.
Valérie avorte le 31 décembre, dans la douleur et la tristesse, après 15 jours d'errance. Aujourd'hui encore, elle ressent cet épisode de sa vie comme un traumatisme."Mais je ne regrette pas mon choix, je n'avais rien à offrir à cet enfant, je n'étais pas prête, ni pour lui, ni pour moi."
L'interruption volontaire de grossesse, comment ça marche
Pour rappel, la pratique de l'avortement est réglementée, et plusieurs étapes doivent être respectées avant et après l'intervention. Lors de la première consultation, la femme enceinte est informée des méthodes abortives, et choisit celle qui lui convient, en fonction du terme de sa grossesse.
Deux méthodes existent, l'une médicamenteuse, (pratiquée jusqu'à la septième semaine de grossesse), l'autre est instrumentale et chirurgicale (pratiquée jusqu'à la quatorzième semaine de grossesse).
Il n'y a pas de condition d'âge pour la pratiquer. Les mineurs peuvent être accompagnés par la personne majeure de leur choix s'ils veulent garder le secret.
La démarche se fait en deux temps : une première consultation d'information pour effectuer sa demande d'avortement. Une deuxième pour le recueil du consentement.
Le délit d'entrave à l'IVG est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Plus d'informations sur le site ivg.gouv.fr