Témoignage. Fin de vie : "Pourquoi ne pas faire les choses d'une manière apaisante pour les patients ?"

Publié le Écrit par A.Pointel, J.Howlett, Y.Thompson

Le débat sur la fin de vie relancé. Dans un avis publié mardi 13 septembre, le comité consultatif national d’éthique ouvre la voie à une évolution de la législation sur l'assistance au suicide. Une décision attendue par bon nombre de personnes en fin de vie. Atteinte d'un cancer incurable, Marie-Hélène milite pour le suicide assisté et envisage de le faire à l'étranger.

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Il y a 6 ans, Marie Hélène Lalande déclarait un cancer du sein. Un an plus tard, une première métastase apparaissait. S'ensuivront de la radiothérapie et des chimiothérapies. Mais aujourd'hui, les chimiothérapies ne fonctionnent plus et des métastases ont atteint le cerveau et la moelle osseuse. Il a donc été décidé d'arrêter les traitements.

"Il me reste quelques mois à vivre. Cela va se terminer par des métastases osseuses qui vont croître et embellir. Donc elles vont grandir et casser les os, ce qui va faire mal... la fin ne va pas être très sympathique !"

Aujourd'hui, la loi Claeys-Leonetti permet un droit à la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès pour des malades en phase terminale et en très grande souffrance. "Ca veut dire qu'on donne un médicament pour faire dormir et pour pouvoir mourir, on va cesser de donner à manger à boire. Ce passage vers la mort peut durer plusieurs jours voire plusieurs semaines. C'est une torture !" Mais pour Marie-Hélène Lalande, ce n'est pas suffisant. 

"Pourquoi n'y a-t-il pas d'alternative à la sédation profonde et continue ? Pourquoi ce n'est pas simplement une anesthésie au moment venu ? Pourquoi ne pas faire les choses d'une manière apaisante, rassurante, pour les patients ?"

Marie-Hélène Lalande

Mardi 13 septembre, Emmanuel Macron a annoncé le lancement d'une consultation citoyenne sur la fin de vie qui rendra en mars ses conclusions en vue d'un éventuel changement de loi. "On va perdre encore 4-5 ans... combien de gens vont mourir pendant ce temps-là et qui vont vivre comme les personnes qui souhaitent faire une IVG il y a 5 ans ? Vont devoir aller à l'étranger pour mourir ? C'est quoi cette rupture d'égalité entre tout le monde ?"

Marie-Hélène envisage d'aller en Belgique ou en Suisse pour mourir dans la dignité.

"Il faut avoir la capacité financière et physique d'aller mourir dans la dignité à l'étranger. Moi j'ai passablement mal au dos actuellement. Je vais mettre le dossier en route mais il est possible que je décide d'écourter le temps qu'il me reste parce que je veux être en capacité de pouvoir aller là-bas. "

Marie-Hélène Lalande

"Qui se permet de dicter notre fonctionnement, notre manière de mourir et notre manière d'être ? Qui s'arrache se droit ? Ecoutez-nous !", s'indigne cette ancienne pharmacienne. 

Fin de vie : ce que recommande le Comité consultatif national d'éthique

Le débat sur la fin de vie est relancé. Juste avant que l'Elysée annonce le lancement d'une convention citoyenne sur le sujet, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a publié, mardi 13 septembre, un avis très attendu sur une éventuelle légalisation de l'"aide active à mourir" en France. Jugeant une telle évolution envisageable "à certaines conditions strictes", les membres du CCNE ont appelé à accélérer les efforts en faveur des soins palliatifs. Voici ce qu'il faut retenir des recommandations formulées dans ce texte de 63 pages (PDF), destiné à guider la discussion des prochains mois.

Renforcer les liens palliatifs

Déplorant "une mise en œuvre très insuffisante de la législation en vigueur", le Comité consultatif national d'éthique recommande un développement des soins palliatifs en France. Cet effort doit se faire à tous les échelons, dès la formation universitaire des médecins. Chaque établissement de santé et médico-social est invité à inscrire les soins palliatifs, noir sur blanc, dans son projet médical. L'accompagnement à domicile des malades en fin de vie doit également être soutenu, notamment en "valorisant la place des bénévoles et des aidants familiaux et professionnels".

Face à la "situation alarmante du système de santé et en particulier de l'hôpital public", les auteurs de l'avis appellent à "une réforme de la tarification en milieu hospitalier, médico-social ou libéral". Les soins palliatifs nécessitent du temps, du dialogue, de l'accompagnement humain, à rebours de la logique dominante qui consiste à facturer des actes médicaux précis. Leur développement passe donc, selon le CCNE, par un renversement de la tarification à l'acte.

Faciliter l'accès à la sédation profonde

Avant de songer à l'euthanasie, n'oublions pas les possibilités actuelles, rappelle le comité. "La très grande majorité des situations de fin de vie pénibles, voire inacceptables, résultent d'une mise en œuvre insuffisante, voire défaillante, des dispositions législatives et réglementaires en vigueur", soutient le CCNE. Cet organe consultatif appelle ainsi à "rendre plus effectif l'accès à la sédation profonde et continue jusqu'au décès", notamment à domicile.

Cette sédation profonde et continue, réservée à des malades en très grande souffrance dont le pronostic vital est engagé à court terme, a été rendue possible par la loi Claeys-Leonetti de 2016. Divers freins, notamment psychologiques, limitent toutefois son déploiement. Un accès accru à la sédation pourrait ainsi passer par une meilleure "sensibilisation des professionnels de santé" aux questions de fin de vie, pour "apaiser leur rapport à la mort" et "les aider à cesser de la confondre avec l'échec".

"L'horizon de la médecine n'est pas de sauver la vie 'à tout prix' si sa préservation se fait au prix de souffrances physiques et morales intolérables."

Le Conseil consultatif national d'éthique

Plus globalement, les Français doivent être mieux éclairés sur les réflexions et les démarches sur la fin de vie, selon le CCNE. Les auteurs encouragent les citoyens à rédiger leurs directives anticipées et à désigner des personnes de confiance, dans l'éventualité où ils se retrouveraient dans une situation d'incapacité à exprimer leur volonté.

Ouvrir un débat sur une "aide active à mourir" strictement encadrée

Pour aller au-delà de la sédation profonde, conçue pour les situations de court terme, le CCNE ouvre la voie à une "assistance au suicide". Cette possibilité serait ouverte aux adultes atteints de "maladies graves et incurables", en grande souffrance, et "dont le pronostic vital est engagé à moyen terme". Le CCNE évoque aussi, plus prudemment, et sans prendre position, "un accès légal à l'euthanasie". Un tel geste visant à donner la mort serait seulement destiné aux personnes qui ne sont "physiquement plus aptes" à commettre un acte de suicide assisté, "sous la même condition d'un pronostic vital engagé à un horizon de moyen terme".

Avant toute initiative législative, le CCNE juge "nécessaire" l'organisation d'un débat national sur la fin de vie. Il se montre favorable au lancement d'une convention citoyenne et propose d'animer, en parallèle, des "débats publics en régions", tout en associant les acteurs du secteur à une "conférence" organisée par le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie. En tout état de cause, le CCNE fait part de son opposition à un éventuel référendum sur la fin de vie, "en raison de l'extrême complexité du sujet".

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