Nathan, un lycéen de 18 ans, a été victime d'une agression antisémite à Rouen (Seine-Maritime), mercredi 8 novembre 2023. Il a déposé plainte. Un homme a été placé en garde à vue mais jugé irresponsable de ses actes, en raison de troubles psychiatriques. Nathan a accepté de témoigner.
Mercredi 8 novembre 2023, Nathan se balade dans les rues de Rouen accompagné de plusieurs amis. À son cou, en pendentif, une étoile de David, laissant supposer sa confession juive. Un passant le croise et l'invective en le traitant de "Sale juif", selon une information de France Bleu.
Pour Nathan, malgré la peur et l'émotion, hors de question de se taire. Il a donc accepté de témoigner à visage découvert pour France 3 Normandie.
"L'antisémitisme ce n'est pas nouveau... Mais en ce moment avec le conflit, les gens qui ont ces idées-là se laissent beaucoup trop aller, c'est grave, on ne peut pas laisser faire..."
Agressé pour sa confession
Le jeune homme revient en détail sur les faits. Mercredi après-midi, Nathan et ses amis discutent près d'un bar du centre-ville de Rouen quand un homme de 46 ans s'approche d'eux et interpelle le lycéen à la vue de l'étoile de David qu'il porte à son cou. "Sale juif, la Shoah n'a pas été assez efficace, vous n'avez pas tous été exterminés."
Malgré le choc, Nathan parvient à immobiliser l'individu et prévient la police. En attendant leur arrivée, il demande des excuses pour les propos insultants. Ce à quoi l'homme se refuse... avant d'indiquer qu'il n'aurait "qu'à verser un euro symbolique, comme Dieudonné".
Après avoir été interpellé et placé en garde à vue, le suspect est reçu par un psychiatre. Selon le procureur de la République, à la suite de cet entretien, les équipes médicales ont conclu à une absence de responsabilité pénale du mis en cause, en raison de troubles psychiatriques. Il ne sera pas jugé pour les faits qui lui sont reprochés.
"Je ne sais pas si je retournerai au lycée"
Depuis l'agression, Nathan peine à retrouver son calme : "je me sens stressé, j'ai du mal à sortir, à dormir, je ne sais pas si je retournerai au lycée..."
L'incompréhension domine... La colère aussi.
J'ai le sentiment que trop souvent ces agressions n'ont pas de suite. Le fait que mon agresseur ne soit pas jugé, qu'il ne soit pas reconnu comme responsable pénalement, ça me touche vraiment... La personne que j'ai eu en face de moi, qui m'a crié ces mots, elle me semblait bien présente et elle savait ce qu'elle disait...
Nathan, victime d'une agression antisémite
"Montrer aux gens ce qu'on vit tous les jours"
Commentaires et messages haineux sur les réseaux sociaux, remarques en classe... Nathan se dit "habitué" mais prend la parole pour que cette nouvelle agression ne reste pas sans conséquence. Et aussi pour "montrer aux gens ce qu'[ils vivent] tous les jours."
Pour Nathan, les propos de son agresseur sont le reflet du climat délétère à l'égard des personnes de confession juive. Un climat encore dégradé par les attaques du Hamas du 7 octobre 2023.
"Quand je suis entré lundi en classe, quelqu'un a crié "Free Palestine". C'est fatigant d'être associé à tout ça. On n'y est pour rien, ça pèse beaucoup trop."
La communauté juive de Rouen, sous le choc
La mère de Nathan, Natacha Ben Haïm, est présidente de l'ACIR, Association culturelle israélite de Rouen. Elle raconte la peur de toute la communauté juive depuis le 7 octobre.
Il y a de moins en moins de monde à la synagogue. Les gens ont peur de s'y rendre... On risque notre vie au quotidien.
Natacha Ben Haïm, présidente de l'ACIR
Depuis les attaques du Hamas, elle déplore une confusion totale entre le conflit et la communauté juive en France. "Chaque soir, on fait attention, on se couche en vérifiant que l'on a bien fermé les fenêtres, les portes... À Paris, des marches peuvent être organisées. Ici, on ne prend pas le risque car on pourrait se prendre des projectiles, se faire agresser..."
Pour l'ACIR, le nombre d'agressions antisémites s'est intensifié dans la région depuis le 7 octobre.
Contactée, la préfecture de la Seine-Maritime n'a pas souhaité communiquer sur le nombre d'agressions antisémites recensées dans le département. Selon nos informations, un certain nombre de faits relevant d’actes antisémites ont été observés ces dernières semaines comme partout au niveau national.
Un rassemblement dimanche à Rouen
À Rouen, un rassemblement contre l'antisémitisme se tiendra ce dimanche 12 novembre, à 11 heures, devant l'hôtel de Ville, à l'initiative de l'équipe du conseil municipal. Natacha Ben Haïm sera présente. Pour son fils. Et pour toutes les victimes d'agression antisémites.