À l'appel de toutes les organisations syndicales de la profession, de nombreux médecins généralistes sont en grève ce vendredi 13 octobre 2023. En Normandie, les professionnels réclament une meilleure rémunération et craignent un rejet du métier par les jeunes médecins.
Pour la première fois, l'ensemble des syndicats de médecins généralistes lancent un appel à la grève commun ce vendredi 13 octobre. Le mouvement est parti pour être très suivi partout en France, comme en Normandie où on s'inquiète de l'avenir du métier.
L'accès aux soins de plus en plus compliqué
"Je ne fais pas grève par gaieté de cœur parce que cela signifie qu'on aura beaucoup de travail à rattraper par la suite. Mais c'est important de se faire entendre", clame Philippe Cholet, médecin généraliste à Cherbourg (Manche). Vice-président de l'Union régionale des médecins libéraux (URML) de Normandie, il fera partie de celles et ceux qui n'ouvriront pas leur cabinet ce vendredi 13 octobre.
Le praticien dénonce la difficulté d'accéder aux soins en Normandie. "C'est de plus en plus dur de trouver des spécialistes. Il y a de moins en moins de services spécialisés dans les hôpitaux. Par exemple, à Saint-Lô, il n'y a plus de pédiatre. Pourtant en face, il y a une population qui vieillit et qui arrive avec plusieurs pathologies."
Je ne prends quasiment plus de nouveaux patients. C'est devenu impossible à suivre.
Nina QuedruPrésidente du syndicat des médecins libéraux (SML) dans le Calvados
Médecin à Hérouville-Saint-Clair (Calvados) depuis 1998, Nina Quedru ne peut que confirmer les propos de son confrère. "Je ne prends quasiment plus de nouveaux patients. Je le faisais avant, parce que c'est mon devoir. Mais là, c'est devenu impossible à suivre", témoigne celle qui suit 1.500 patients. Un chiffre qui monte à 2.300 si on comptabilise les patients qu'elle a vus au moins une fois.
"On est extrêmement sollicités. Les charges administratives sont de plus en plus importantes, on doit tout faire ! Ça rend les conditions de travail dures", continue Nina Quedru qui fait état d'une pression énorme. "Cela engendre de la fatigue et le risque de délivrer un mauvais diagnostic augmente. C'est la hantise de tout médecin parce qu'on peut avoir un procès derrière", s'inquiète celle qui préside le syndicat des médecins libéraux (SML) dans le Calvados.
Les professionnels de santé pointent aussi le problème de la rémunération. En avril 2023, le tarif des consultations chez un médecin généraliste a été porté à 26,50 euros, soit une hausse de 1,50 euro qui rentrera en vigueur au 1ᵉʳ novembre. Bien trop peu pour Philippe Cholet. "La situation économique des cabinets est entachée. On nous demande des beaux locaux, d'avoir une secrétaire... Mais tout cela a un coût."
Les médecins demandent l'ouverture de nouvelles négociations avec la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Le 9 octobre, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a assuré que ce nouveau tarif n'était "qu'un passage et pas un point d'arrivée" et que les négociations seront rapidement relancées.
Les syndicats en colère contre le ministre et la Cnam
"On espère surtout qu'ils prendront en compte la difficulté de notre travail et qu'on aura une bouffée d'air au niveau des tarifs", souhaite Nina Quedru. Philippe Cholet va plus loin. "La Cnam et le ministre ne prennent pas la mesure de la difficulté d'accès au soin. On attend des moyens conséquents et tout ça, ce sont des choix politiques. De voir un haut fonctionnaire à la tête de ce ministère et non pas un médecin, ça m'inquiète. C'est peut-être pour ça que son prédécesseur n'est pas resté très longtemps..."
Les jeunes ne veulent pas s'installer dans ce marasme.
Philippe CholetVice-président de l'Union régionale des médecins libéraux (URML) de Normandie
Ces conditions de travail et cette rémunération font craindre aux médecins un problème de renouvellement des générations. "Avec le numerus clausus, la moyenne d'âge des médecins généralistes est très haute. Et les jeunes ne veulent pas s'installer dans ce marasme. De toute façon, l'image du jeune médecin qui s'installe dans un endroit et qui y reste, c'est fini", déplore Philippe Cholet.
"Avec tout ça, on a peur de dégoûter les jeunes. On aimerait bien que quelqu'un nous succède mais quand je serai vieille, je n'aurai plus de médecin ! Si on nous rémunérait mieux, ils nous regarderaient sûrement d'un autre œil", espère Nina Quedru.
Un mouvement de grève reconductible
"Au gré des réactions que cela va susciter, on n'est pas à l'abri que cette grève se poursuive", annonce Philippe Cholet qui prédit un mouvement fortement suivi par les généralistes. "J'espère que cela va impulser quelque chose", conclut celui qui a prévu de rencontrer députés, sénateurs ou encore sous-préfet pour faire remonter ses problématiques.