Deux jours pour comprendre si l'escroc international a voulu tuer. Robert Hendy-Freegard est accusé d'avoir blessé deux gendarmes creusois, il y a tout juste un an. Ceux-ci effectuaient un contrôle dans un élevage de chiens clandestin, au domicile de sa compagne. L'anglais est accusé de les avoir percutés en prenant la fuite.
La reconstitution a débuté à 9 h 00 ce jeudi et va se poursuivre ce vendredi 1ᵉʳ septembre. Toutes les routes alentours ont été coupées par arrêté préfectoral. Impossible donc de s'approcher, y compris pour une agricultrice interrogée par notre équipe de reportage sur place. Cette habitante du village de Vidaillat où le scandale a eu lieu il y a un an, a vu arriver ce jeudi matin la voiture avec laquelle Robert Freegard, également connu sous le nom de David Hendy, est accusé d'avoir percuté deux gendarmes creusois.
Comme prévu, gendarmes et avocats sont arrivés, ainsi que le Procureur de La République qui refuse de s'exprimer, se retranchant derrière le secret de l’instruction.
Une reconstitution est un acte judiciaire ordonné par un juge d’instruction qui vise à confronter les versions des différents protagonistes. Il s'agit notamment, dans cette affaire, de savoir si l'homme a délibérément foncé sur les forces de l'ordre avec l'intention de tuer.
Lors de ce contrôle, en prenant la fuite, l'un des gendarmes a été traîné pendant 32 mètres sur le capot de sa voiture. Les deux militaires ont été blessés. Pour ces faits, le Britannique a été mis en examen et placé en détention à Limoges. Il encourt trente ans de réclusion criminelle.
Rappel des faits
Le 25 aout 2022, les gendarmes creusois effectuent un contrôle dans un élevage clandestin de chiens.
Dans une maison de Vidaillat en Creuse sont entassés près de 30 chiens de race beagle, maintenus en cages, dans des conditions de détentions déplorables.
Dans cette maison vit également Sandra Clifton, compagne de Robert Hendy-Freegard. Elle ne sort jamais, n'a jamais le moindre contact avec l'extérieur, elle a été coupée de ses proches par Freegard.
Un escroc international
Robert Handy-Freegard, 52 ans, a déjà un lourd passé judiciaire.
En 2005, il a même été condamné à la réclusion à perpétuité dans son pays d'origine, pour enlèvement, vol et tromperie. Accusé d’avoir extorqué un million de livres sterling à ses victimes. Il est libéré en 2009 après avoir fait appel de la décision de justice concernant la condamnation pour enlèvement.
Freegard est dénoncé par plusieurs de ces victimes qui racontent son goût pour la manipulation. La plateforme Netflix lui a d'ailleurs consacré une série documentaire, sortie avant l'affaire de Vidaillat. Dans "the puppet master", le "marionnetiste", titre du documentaire, on apprend qu'en 1993 il a entraîné trois étudiants dans une cavale qui a duré dix ans. Il leur expliquait qu’ils devaient le suivre pour échapper aux terroristes de l’IRA. Il les obligera à vivre dans la clandestinité, les coupera de leurs familles. Réduisant les uniques relations qu’ils avaient avec leurs parents à du chantage pour obtenir de grosses sommes d’argent. De l’argent censé assurer leur protection. Freegard se faisait alors passer pour un agent secret britannique, alors qu'il n'était qu'un simple barman.
Sandra Clifton : la proie
Deux ans après sa libération en 2009, Freegard fait la connaissance de Sandra Clifton sur un site de rencontre. Le documentaire explique qu'il va lui mentir sur ses activités, lui faire peur, la couper peu à peu de sa famille, à coups de violence psychologique. La femme se détournera même de ses enfants. Ceux-ci ont perdu sa trace pendant plusieurs années.
Depuis 2014, Sandra vivait en France dans la petite commune de Vidaillat, une petite commune de la Creuse comptant moins de 200 habitants. Personne ne la connaissait, elle ne sortait jamais.
"On peut passer un an sans le voir, il lui envoie des colis, je pense que c'est pour s'alimenter parce qu'elle ne sort jamais de chez elle. L'unique sortie qu'elle fait, c'est pour déposer sa poubelle. Cette femme, ça fait huit ans qu'elle est enfermée chez elle," expliquait l'an dernier ce voisin du couple.
Enfermée avec elle, une trentaine de chiens, des beagles, pure race. Eux non plus ne sortent jamais, ils vivent en cage. Ordre du maître de maison, Robert Hendy-Freegard. Lui n'est pas souvent là d'ailleurs, il passe en coup de vent.
Le jour où tout bascule
Des chiens qui ne sortent pas et vivent dans des conditions de détention déplorables, Freegard vend les chiots en Grande-Bretagne. La préfecture soupçonne les mauvais traitements et met en demeure le couple de fermer l'élevage. Rien ne se passe.
Alors, ce 25 aout 2022, la direction des services vétérinaire demande la protection des gendarmes pour pouvoir entrer dans la maison et effectuer un contrôle sanitaire.
Selon les éléments de l'enquête, Freegard refuse. Il prend la fuite. Les deux gendarmes sont renversés. L'un d'eux sera même traîné sur une trentaine de mètres. Le Britannique ne s'arrête pas. Sa cavale va durer une semaine. Il est interpellé le 2 septembre 2022, en Belgique. Il est incarcéré depuis le 20 octobre 2022.
Les enfants de Sandra Clifton viennent la récupérer sur place. Les chiens, eux, sont confiés à la SPA de la Creuse.