Après l'incendie de 2020 qui l'avait détruit en partie, l'abattoir de Bergerac ne parvient pas à se dépêtrer d'une situation économique mortifère. Il constitue pourtant un chaînon essentiel pour la filière viande de cette région de Dordogne.
Baisse de l'activité et hausse des coûts d'exploitation, l'abattoir de Bergerac se porte mal, très mal. La Semab, Société d’économie mixte des abattoirs de Bergerac, n'arrive plus à faire face et semble avoir épuisé toutes les solutions possibles pour redresser la situation. L'abattoir a déjà cumulé une dette de 500 000 euros et, faute de décisions radicales, rien ne permet d'envisager une amélioration prochaine.
Des années de difficulté
En janvier 2020, 800 m² de l'abattoir avaient été ravagés par les flammes. Un coup dur pour l'établissement qui peinait déjà à maintenir le cap, dans des locaux vieillissants et dans un contexte économique difficile. Outre le sort des 17 employés, l'outil est essentiel pour les débouchés des éleveurs et toute la filière des environs.
Approximativement 6 000 tonnes de viande, essentiellement des porcs, des agneaux, des vaches et, des veaux y étaient abattus chaque année. La situation étant urgente, la mobilisation des élus, de la municipalité comme du Département, ont permis la réouverture du site dès le mois de février suivant.
Modernisation programmée
L'effort ne permettra pourtant pas le retour à l'équilibre. En février 2021, l'abattoir doit à nouveau fermer ses portes pour défaut de rentabilité. Quelques mois plus tard, le Département vient à la rescousse et s'engage pour sauver le site aux côtés des éleveurs, dans une nouvelle mobilisation générale. Il est prévu une enveloppe de 3,5 Millions d'euros cofinancée à parts égales par l'État, la Région, le Département, l'agglomération et la ville de Bergerac pour moderniser et mettre aux normes le site entre 2024 et 2025.
L'invasion russe en Ukraine va encore aggraver la situation. "On voit qu'aujourd'hui sur l'abattoir de Bergerac les coûts de l'énergie ont tellement augmenté que ça pèse financièrement sur le budget", constate Jonathan Prioleaud, le maire de Bergerac.
Si l'édile reconnaît les difficultés financières de l'abattoir, il a cependant choisi de maintenir la redevance versée par la Semab à la ville de Bergerac, propriétaire des locaux. Une somme qui plombe les comptes de l'abattoir, au grand dam des autres partenaires que sont Le Grand Périgueux, actionnaire de la Semab, la Communauté d'Agglomération Bergeracoise, le Département et les agriculteurs.
L'agglomération en appelle à la ville
Face à cette redevance qui finira par avoir la peau de l'abattoir, la Communauté d'Agglomération Bergeracoise envisage la reprise du site. Mais elle connaît aussi les efforts nécessaires pour repartir sur de bonnes bases. "Les moyens inhérents à l'exercice de cette compétence, c'est d'avoir un outil qui est aux normes, qui est en état de marche", rappelle Frédéric Delmarès, président de la CAB. Or le temps presse.
La modernisation et la reprise par la CAB sont envisageables, mais pas à n'importe quel prix, et à condition que l'établissement ne meure pas d'asphyxie entretemps. "La seule manière d'éviter de générer du déficit en 2025, c'est que la ville de Bergerac renonce à cette redevance", plaide Frédéric Delmarès.
Qui doit payer ?
Jonathan Prioleaud ne semble pas prêt à tant de largesse. "Il y a des emprunts qui ont été faits, et donc forcément, il y a un coût pour la ville de Bergerac, rappelle-t-il. Il est naturel que l'abattoir puisse aller vers l'agglomération. On a aujourd'hui des budgets qui sont très contraints." Mais à quel prix ?
On ne peut pas faire de gratuité, ou en tout cas, on ne peut pas réduire encore plus que ce que l'on a fait précédemment.
Jonathan Prioleaud,Maire de Bergerac
La ville qui a déjà reconstruit la salle de découpe incendiée en 2020 pour un million d'euros et qui a encore 500 000 euros d'emprunts restant dus, envisage mal en plus de se priver de cette redevance. "Dans la délégation de service public, dès le départ, il y a toujours eu ce montant de redevance qui était mentionné. Ce montant de la redevance a été revu et la ville de Bergerac perçoit moins que ce qui était prévu, précise l'édile bergeracois. On a fait un avenant, ce qui permet à la Semab d'avoir davantage de capacité à pouvoir se gérer."
Agglomération et ville
La négociation sera donc serrée pour déterminer qui de la CAB ou de la ville mettra une nouvelle fois la main au porte-monnaie si le transfert doit se faire. Le maire rappelle d'ailleurs que les habitants de Bergerac faisant eux-mêmes partie de la communauté d'agglomération, ils seront de toute façon appelés à contribuer. Les discussions entre élus, agriculteurs et la ville de Bergerac auront lieu le jeudi 5 décembre prochain.
Le reportage France 3 Périgords - Colyne Rongère & Pascal Tinon