Depuis une semaine, les visages des agriculteurs se dévoilent. Mais derrière les hommes, majoritaires sur les blocages, les femmes continuent de faire tourner les exploitations. Salariée, agricultrice, mère, ces femmes sont les piliers, de moins en moins dans l’ombre, de leurs conjoints.
Fourche en main, Mélanie Pointet fait la litière des vaches. Son conjoint, Cédric, est sur les barrages depuis trois jours. “Il faut pailler, nettoyer les logettes, il faut que quelqu’un reste pour ne pas abandonner les animaux”, indique Mélanie, agricultrice sur une exploitation de vaches laitières. Des gestes du quotidien pour celle qui reprend progressivement l’exploitation, aux côtés de Fabienne Pointet, sa belle-mère.
"Autrefois, elles étaient des aidantes"
Femme, fille et petite-fille d’agriculteurs, Fabienne Pointet a connu tous les statuts d’une femme d’agriculteurs. “Autrefois, les femmes étaient des aidantes, mais elles n’étaient pas déclarées. Moi, j'ai la chance d’être gérante depuis 1994”, indique-t-elle. Sans ce statut, elle ne toucherait pas, d'ici à quelques années, la retraite agricole.
Un métier physique qui efface trop souvent l’importance des femmes dans ces entreprises familiales. “Sur une exploitation, une femme, c’est primordial. Quand l’époux est dans les champs, on suit les animaux, on remonte la nourriture pour les vaches”, liste Fabienne Pointet.
On surveille les chaleurs, on fait la paperasse, on paye les factures, on fait les déclarations.
Fabienne PointetExploitante agricole et conjointe d'agriculteur
Être femme d’agriculteur, c’est aussi “des journées à rallonge” entre le quotidien familial et le travail sur l’exploitation. “C’est aussi une vie de maman, les tâches du quotidien de la maison. Nos journées sont très chargées, oui”, sourit Fabienne Pointet.
"Mon salaire fait vivre la famille"
Au cœur de la crise, la rémunération des agriculteurs est surtout au cœur de leur quotidien. “Il faut les soutenir moralement, on se doit d’être solidaires entre nous, sinon on ne s’en sort pas”, indique Fabienne Pointet.
Les soutenir, d’autres le font à distance, en apportant un salaire dans le foyer. C’est le cas de Guillemette Berthoud de Roquefeuil. Compagne d’un viticulteur, son salaire d’ingénieure permet de faire vivre la famille. “Je suis obligée de bien gagner ma vie parce que sinon, on n'y arrive pas avec un mari qui ne se dégage que 600 € de salaire par mois”, indique cette femme de viticulteur.
C’est mon salaire qui fait vivre la famille.
Guillemette Berthoud de Roquefeuilingénieure, femme de viticulteur
Une vie de souci, malgré la passion débordante de ces familles engagées, que ces parents refusent d’ailleurs souvent à leurs enfants. “C’est triste cette situation, on ne leur souhaite pas cette vie de travail et d’investissement”.
Coups de main à la ferme, vie amoureuse et familiale conditionnée au rythme des cultures et des animaux, ces femmes multi-casquettes sont les témoins du mal-être de la profession. “On partage leur passion et si on pouvait, on serait à leurs côtés sur les barrages”, assure toutes celles que nous avons rencontrées.