Depuis les années quatre-vingt, c’est la descente aux enfers pour les liaisons SNCF du Limousin. Trains hors d’âge, poussifs, inconfortables, régulièrement en retard, voire supprimés : aujourd’hui les usagers n’en peuvent plus. À Limoges, certaines entreprises voient aussi fuir leurs clients et menacent de quitter la région si la situation ne s’améliore pas. Les travaux se succèdent, mais la situation ne devrait s'améliorer qu'à partir de 2026.

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Dans les années soixante et soixante-dix, la liaison Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) était la ligne ferroviaire la plus rapide et la plus confortable de France.

Avec le train Le Capitole, on ralliait alors Limoges à Paris en 2 h 50. Aujourd’hui, c’est 3 h 20, dans le meilleur des cas.

La descente aux enfers

Mais depuis l’arrivée du TGV en France dans les années quatre-vingt, c’est la descente aux enfers pour la ligne POLT. Ligne mal entretenue, matériel roulant hors d’âge, temps de trajet qui s’allonge, retards et annulations qui s’accumulent, faute d’entretien des voies et de renouvellement du matériel, depuis 40 ans la situation n'a pas cessé de se dégrader.

Même la sécurité a été remise en cause : en 2013, le déraillement du Paris-Limoges en gare de Brétigny-sur-Orge fera 7 morts et 70 blessés. Reconnue responsable de l’accident, SNCF sera condamnée pour homicide involontaire en 2022.

Les entreprises sonnent le tocsin

Aujourd’hui, c'est tout le tissu économique de la région de Limoges qui est menacé par cet enclavement.

Il y a quelques semaines, le PDG du groupe Legrand, le leader mondial du matériel électrique dont le siège est à Limoges, menaçait de quitter la ville si la desserte ferroviaire ne s’améliorait pas. Quelques jours plus tard, le patron des porcelaines Bernardaud lui emboîtait le pas.

Le 12 décembre dernier, pour la première fois, élus, usagers et chefs d’entreprises ont manifesté ensemble, dans le hall de la gare de Limoges, pour exprimer leur colère.

Il y a 3 ans, l’entreprise pharmaceutique américaine Catalent avait investi 35 millions d’€ dans une usine ultra-moderne à Limoges. Depuis, son directeur a déjà perdu 10 clients étrangers : ils ne supportaient plus les conditions de transport pour venir à Limoges. "C’est inacceptable pour nos clients. Ils sont obligés de prendre l’avion pour aller à Toulouse ou à Bordeaux, l’empreinte carbone est multipliée, on est obligés d’aller les chercher en taxi ou de venir en voiture ".

Ce qu’on veut, c’est un train qui mette moins de trois heures entre Paris et Limoges, un train confortable, avec du wifi tout le long et des horaires qui soient respectés entre le départ et l’arrivée.

Florent Mourieras, Directeur général Catalent Limoges

Comment en est-on arrivés là ?

Après le déclin du Capitole, pendant des décennies, les élus du Limousin ont réclamé, en vain, un TGV pour leur région.

En 2003, un premier projet de train pendulaire a été abandonné par le gouvernement Balladur. Et en 2016, en condamnant la LGV entre Limoges et Poitiers, le Conseil d’État a mis fin définitivement au rêve d’un train à grande vitesse entre Limoges et Paris.

Au fil des décennies, Jean-Claude Sandrier, le Président de l'association « Urgence POLT », ancien maire de Bourges et ancien député du Cher, a été le témoin de la descente aux enfers de la ligne.

Pour POLT ça a été la double peine, parce que quand il y a eu ce projet de LGV Poitiers -Limoges, on a encore plus abandonné cette ligne en disant, elle va disparaître, donc ce n’est pas la peine de faire d’investissement dessus. Aujourd’hui, c’est ce que nous payons.

Jean-Claude Sandrier, président de l'association Urgence POLT, ancien député du Cher

Des trains lents, en retard, irréguliers et inconfortables. Aujourd’hui, avec le Paris-Clermont-Ferrand, la liaison ferroviaire entre Brive, Limoges et Paris est devenue l’une des lignes, sinon la ligne la plus dégradée de France. Même au plus haut sommet de l’État, plus personne ne le nie. En tout cas, pas Clément Beaune, le ministre des transports. Il concède : "C’est une ligne dont je sais qu’elle est devenue synonyme de galère, de difficultés pour des centaines de milliers de passagers chaque année".

C’est une ligne qui vieillit mal. Elle a été délaissée et elle a créé un sentiment d’abandon.

Clément Beaune, Ministre des transports

Même constat à la direction de la SNCF à Paris. Pour Amandine Thomas-Commin, la directrice du réseau Intercités chez SNCF Voyageurs : "On est dans une dynamique de rattrapage. Mais on a une infrastructure qui, fondamentalement, était vieillissante".

De gros travaux déjà engagés

Alors sur une ligne POLT de 700 kilomètres, qui traverse 14 départements et qui transporte plus de 2 millions de passagers par an, l’État et SNCF annoncent désormais de gros investissements.

Depuis plusieurs années, des travaux massifs sont engagés pour rénover et moderniser la voie.

Entre 2018 et 2026, près de 2 milliards d’€ auront été programmés pour améliorer considérablement la qualité de la ligne. Mais en attendant, les travaux sont aussi une source de perturbation et de ralentissement quasi-quotidiens.

Mais pour les syndicats, ça n’est pas uniquement un problème technique.

Et selon Benoit Lematelot, le secrétaire du syndicat maîtrise et cadres de la CGT Cheminots de Limoges, le recours croissant à des entreprises sous-traitantes pour réaliser les travaux est la cause de nombreux retards.

Aujourd’hui, les travaux, on ne veut plus le faire et on est à la limite de ne plus savoir les faire. Donc ce sont principalement des entreprises privées qui le font. Elles aussi sont débordées par la somme de travaux sur le réseau ferré en France, donc il y a des moments, les travaux, même si on a le budget, on n’arrive pas à les faire.

Benoit Lematelot, secrétaire du syndicat maîtrise et cadres de la CGT Cheminots de Limoges

Il y a donc des travaux, l’hiver, il y a le givre sur les rails, l’été la chaleur sur les caténaires, l’automne les feuilles mortes sur les voies et, au printemps, parfois, des animaux sauvages qui traversent imprudemment.

Mais la CGT estime aussi que l’on pourrait d’ores et déjà gagner du temps sur les trajets Limoges-Paris et même descendre en dessous de la durée symbolique des 3 heures.

Pour Benoît Lematelot, le temps de trajet est allongé artificiellement : "C’est la convention entre la SNCF et l’État qui dit qu’il y a des pénalités en cas de retard. Donc si on allonge le temps, il n’y a plus de retard, il n’y a pas de pénalités et tout le monde est content sauf le voyageur qui prend une demi-heure ou trois-quarts d’heure de plus sur son projet en pensant que c’est à cause des travaux et de la vétusté de la voie".

On pourrait très bien refaire des trains à 2h50, c’est vraiment un choix de l’entreprise et de l’Etat.

Benoit Lematelot, secrétaire du syndicat maîtrise et cadres de la CGT Cheminots de Limoges

2 h 50 entre Limoges et Paris ? "Pas possible pour l’instant" répond la directrice Intercités de la SNCF. Cela reste un objectif, mais pas avant plusieurs années.

Gagner en ponctualité

En revanche, dès 2025, sur une infrastructure enfin rénovée, l’arrivée de nouveaux matériels roulants devrait grandement améliorer les choses, et en particulier le confort des voyageurs. "C’est du matériel roulant longue distance, grand confort, des trains qui seront construits au Pays Basque puis en Alsace. Ces trains sont prévus d’arriver au second semestre 2025, on va dire à la fin de l’été".

À terme, la SNCF va également faire un gros effort sur la ponctualité. Pour l’instant, entre Paris et Limoges, elle plafonne à 83%.

Nous ce qu’on souhaiterait, c’est d’atteindre une ponctualité qui dépasse les 90%. C’est que neuf trains sur dix à l’heure et quand je dis à l’heure c’est moins de 5 minutes de retard. On pourrait se fixer 2026 pour atteindre cet objectif.

Amandine Thomas-Commin, Directrice Intercités SNCF Voyageurs

Horizon 2026

Mais en attendant 2026, le gouvernement promet de mettre la pression sur la SNCF pour améliorer la qualité du service au quotidien. Le ministre des Transports veut mettre en place une « charte de qualité de service » sous forme d’un contrat entre l’État et la SNCF.

On le finance pour prendre des engagements sur la propreté, sur l’information des voyageurs, sur la ponctualité. Ce sera suivi publiquement, dans un groupe de travail ouvert, avec des usagers et des élus. Je les rencontrerai tous les trimestres. S’il y a du retard, là on tapera vraiment du poing sur la table pour améliorer les choses. Ce sont des engagements que la SNCF doit prendre et doit mettre en œuvre.

Clément Beaune, ministre des transports

Reste à résoudre LA question essentielle : qui doit payer ?

En théorie, les lignes Intercités sont des lignes dites « d’aménagement du territoire ». Elles sont donc du seul ressort de l’État. Mais un État qui, comme pour les routes, tente de plus en plus de faire participer les collectivités locales pour abonder ses budgets prévisionnels dédiés aux investissements ferroviaires, notamment par l’intermédiaire des contrats de plan.

Bordeaux ne veut pas payer pour le POLT

Et en Nouvelle-Aquitaine, en ce qui concerne la liaison Limoges-Paris, la réponse du patron de la Région Alain Rousset est on ne peut plus claire.

Nous, on peut pas faire l’effort partout. Et puis ce n’est pas notre compétence, on n’a pas de ressources en face.

Alain Rousset, président du Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine

Alain Rousset explique que le POLT est une infrastructure nationale qui relève de la seule compétence de l’État. Mais dans le même temps, la région Nouvelle-Aquitaine a budgété plus d’1,5 milliard d’€ pour financer la LGV Bordeaux-Toulouse qui est, elle aussi, une infrastructure nationale.

Pour ne pas s’engager sur le POLT, le président de la Nouvelle-Aquitaine explique qu’il dépense déjà 900 millions d’€ dans les trains régionaux, les Trains Express Régionaux, dont la compétence lui revient.

Au départ de Limoges, un réseau TER qui se désagrège

Mais le Limousin ne bénéficie que d’une partie de cette somme. Et le moins que l’on puisse dire est que l’état des lignes régionales au départ de Limoges n’est pas non plus très reluisant.

Pour aller à Clermont-Ferrand, la ligne s’arrête à Ussel.

Pour aller à Lyon, la liaison n’existe plus.

Pour aller à Poitiers, le train met 2 h 00 pour parcourir 100 kilomètres.

Et vers Angoulême, quelques kilomètres après Limoges, le train est désormais obligé de s’arrêter. Faute d’entretien, la voie est recouverte par la végétation depuis plusieurs années.

Des travaux sont envisagés sur cette ligne historique qui partait de la gare des Charentes à Limoges vers l’Atlantique depuis le XIXe siècle. Mais pour l’instant, on en est encore au stade des études. Aucun montant ni aucun calendrier n’ont encore été fixés.

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