L'ancien délégué départemental du Rassemblement national de la Vienne, Arnaud Fage, était accusé d'avoir subtilisé les numéros de cartes bancaires de plusieurs adhérents du parti afin de régler les frais d'adhésion d'autres militants aux situations financières plus précaires. Il a reconnu les faits.
"Je tiens à présenter mes excuses à l'ensemble des victimes"... Face aux magistrates, Arnaud Fage admet tout - d'une voix timide mais résignée.
L'ancien délégué départemental du Rassemblement national de la Vienne avait mis en place un système de "parrainage", dit-il, en faveur des militants les plus précaires du parti... Et faisait régler leur adhésion par d'autres adhérents dupés et délestés, pour certains, de plusieurs milliers d'euros.
Désormais éloigné de la sphère politique, il a été condamné à 3 000 € d'amende dont 1 000 avec sursis, 3 ans d'inéligibilité et devra verser, en sus, 1 euro symbolique à l'association de financement du Rassemblement national en raison du préjudice moral subi - et 600 € en dédommagement des frais judiciaires engagés par le parti.
Adhésions frauduleuses
Entre avril et novembre 2020, le prévenu subtilise les numéros de cartes bancaires de plusieurs adhérents sous couvert de les aider à régler leur adhésion, d'un montant de 30 €. Mais rapidement, ces derniers se rendent compte de prélèvements réguliers et non-consentis, en faveur du Rassemblement national, d'abord, mais aussi de la SNCF, de l'entreprise d'imprimerie Vistaprint ou encore d'Amazon.
Après sa rencontre avec le trentenaire, l'une des victimes dit s'être fait voler près de 1 800 €. Représentée aujourd'hui à la cour, elle avait pourtant retiré sa plainte peu après les faits, remboursée par Arnaud Fage lui-même qui la dédommage à hauteur de 6 000 € - "avec mes économies", précise-t-il. Le tribunal accorde à cette plaignante un renvoi sur intérêt civil, un nouveau jugement sera rendu le 25 avril 2022.
Arnaud Fage règle de manière frauduleuse les adhésions de dizaines de soutiens du Rassemblement national, et explique avoir dépensé d'autres sommes d'argent - uniquement à la faveur du parti - pour financer des objets à l'effigie du RN, des billets de train ou encore des flyers.
"Pas 1 euro dans sa poche"
L'Association de financement du Rassemblement national rafle tout - et le trésorier national ne remet alors pas en cause les prélèvements massifs sur des cartes bancaires uniques.
"Et les victimes", s'interroge la juge, "ne se sont-elles pas demandées comment elles avaient été en mesure de recevoir leur carte du parti alors qu'elles n'avaient pas réglé leur adhésion ?" "Elles pensaient bénéficier d'un système de parrainage", explique le prévenu, qui admet aussitôt avoir dépassé les bornes.
"Il n'y a eu aucun enrichissement personnel", remarque l'avocat du prévenu, Me Sévag Torossian. "Pas un euro dans sa poche."
Délit d'orgueil ?
Placé en garde à vue le 5 janvier dernier, Arnaud Fage a pu être entendu à trois reprises. Il avait alors nié les faits, assurant que les plaignants étaient au courant qu'ils parrainaient d'autres militants. Il a tenté, aujourd'hui, d'expliquer ses actes. "Je suis tombé dans une spirale infernale", explique ce passionné de politique, encarté au RN depuis 2011. "Je voulais toujours plus, toujours plus de reconnaissance au sein du parti."
Les délégations départementales du RN se disputent alors le titre de section la plus dynamique de France. Celle de la Vienne souffre d'importantes difficultés financières. Par ces adhésions, il tente de se faire sa place : "Quand Marine Le Pen prend du temps pour parler avec vous, qu'elle vous valorise... Plus vous en avez, plus vous en voulez."
Infirmier à plein temps, le trentenaire travaille, au moment des faits, dans un EHPAD des Deux-Sèvres. Il subit de plein fouet la première vague de COVID, comme le rappelle Me Sévag Torossian. Une "période d'incertitudes" qui pourrait expliquer son comportement. "Je suis content que l'affaire ait été révélée", souligne Arnaud Fage. "Ma vie ne tournait qu'autour du parti. Je n'avais que ça, en-dehors du travail."
Calme de bout en bout
"J'ai pris du recul, j'ai su passer à autre chose", conclut Arnaud Fage, qui dit avoir refait sa vie à Paris - et s'est vu retirer son poste de délégué départemental le jour même de son audition. "Mais la culpabilité reste et maintenant, quand on tape mon nom sur Google, on trouve ça…"
Dans la salle d'audience n°1 du tribunal de Poitiers, tout le monde semble s'accorder. Des parties civiles - dont le RN fait partie - à la défense. La procureure générale réclame une amende de 3 000€ - dont 2 500 avec sursis et une inéligibilité d'une durée de trois ans.
Me Sévag Torossian ne bronche pas, pas plus que le prévenu. "Je n'ai rien à redire concernant les réquisitions du Parquet, d'une maturité entière", estime Me Sévag Torossian - qui demande cependant, en sus, de ne rien inscrire sur le casier judiciaire d'Arnaud Fage. La demande est accordée dans la décision de justice.
Rappelant qu'à l'aube d'une 5e vague de Covid, il était, plus que jamais, nécessaire de faciliter la poursuite d'activité des infirmiers.