Neuf équipes de maîtres-chiens d'avalanche se sont retrouvées sur le domaine skiable d'Ax-Bonascre en Ariège pour une opération dite de recyclage opérationnel. Objectif : maintenir et développer les capacités du chien à retrouver des victimes ensevelies. On vous explique de quoi il en retourne.
"Allez ! Allez, tu le sors le bonhomme !" Depuis plusieurs minutes, le chien est à l'affût sur la coulée de neige. Il sillonne le secteur jusqu'à marquer, gratter et aboyer pour prévenir son maître. "Pas besoin de sonder. Dès qu'il ouvre le trou, je m'aperçois qu'il y a deux victimes." Il faut maintenant pelleter. Le chien s'engouffre dans le trou creusé, et ramène une personne ensevelie à l'air libre. Bienvenue au cœur d'une opération de recyclage opérationnel des équipes maitres-chiens d'avalanche en poste dans les Pyrénées.
Maintenir et développer les compétences du chien
Sur les Pyrénées, 22 maîtres-chiens d'avalanche de la sécurité civile sont actuellement en fonction. Des équipes qui ont été formées et brevetées par l'association nationale pour l'étude de la neige et des avalanches, basée à Grenoble.
Une fois diplômés, le maître et son chien doivent suivre chaque hiver cinq "recyclages". Mais ne vous méprenez pas, il ne s'agit pas de préparer un départ à la retraite, mais de continuer à valider des acquis devant un formateur et partager des retours d'expérience.
L'objectif, c'est aussi de garder et de développer la compétence. Celle du chien dans la recherche et sa détection olfactive. Et pour le conducteur, c'est aussi de développer ses compétences dans la conduite de son chien sur une recherche opérationnelle en avalanche.
Xavier Stinglhamber, coordonnateur de formationet conseiller cynotechnique de la sécurité civile
L'apprentissage des chiens commence dès l'âge de quatre mois chez son maître. Il s'agit de l'initier à la recherche de victime : la détection d'odeurs humaines sous le manteau neigeux. Cela passe par des séances de jeu. "Un petit boudin en tissu de travail qui va devenir le jouet du chien, explique Xavier Stinglhamber. On lance l'objet à la victime qui est dans le trou. L'objectif, c'est que le chien aille au contact." L'exercice va se répéter, et la neige venir reboucher le trou. À partir de là, et pour retrouver son jouet, le chien va comprendre qu'il doit détecter une odeur humaine.
Chaque corps humain a sa propre odeur. En termes de flair, et en l'absence de détecteur de victimes d'avalanche activé, il n'y a rien qui peut remplacer le chien pour détecter une personne ensevelie sous plusieurs mètres de neige.
Xavier Stinglhamber,coordonnateur de formation
Ce travail va être recoupé avec d'autres équipes cynophiles venues en renfort, puis par les recherches de détection électronique, les témoignages sur les skieurs et randonneurs aperçus dans le secteur et l'enquête de gendarmerie.
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Et si les odeurs ne remontent pas à la surface ?
Il arrive que le chien ne détecte pas la présence d'une victime sous la neige. Parce que les odeurs ne remontent pas à la surface. "Ce qui se passe, c'est qu'une personne, quand elle est ensevelie, le corps est chaud. À une température à 37°C. Il réchauffe alors toute la neige au-dessus du corps, qui se transforme en eau", explique Xavier Stinglhamber. "Si la personne vient à décéder, et qu'elle est décédée depuis plusieurs heures, ces particules d'eau qui sont autour d'elle, vont se transformer en glace. Et là, les odeurs ne remonteront plus."
C'est aussi pour ça que le travail de sondage, il est important. Parce qu'en sondant, on aère le menton neigeux et dans le même temps, on brise aussi ces calottes de glace qui peuvent être formées sous le menton neigeux autour de la victime. Et ça permet aussi de faire remonter les odeurs de la victime.
Xavier Stinglhamber,conseiller cynotechnique de la sécurité civile
Maître-chien depuis l'âge de 23 ans, le spécialiste précise qu'une personne ensevelie sans être blessée a toutes les chances de s'en sortir vivante dans le premier quart d'heure. "Ensuite, elle est dans une phase de survie et au-delà de 40 minutes, les chances
de survie de la victime vont dégringoler de façon très rapide. Donc, ce qui est important, c'est d'intervenir le plus rapidement possible. C'est d'avoir des chiens qui sont les plus efficaces, des conducteurs qui sont les plus efficaces possible."
Une spécialisation menacée par le réchauffement climatique ?
Chaque hiver, les pisteurs maîtres-chiens effectuent des levées de doutes après une coulée naturelle proche des domaines skiables. "Après, tout dépend de l'enneigement qu'on peut avoir." Cette année, l'enneigement est relativement faible sur les Pyrénées et les risques d'avalanche plutôt réduits. Mais en montagne, rien n'est écrit à l'avance. Et le réchauffement climatique dans tout ça ?
Il y a des gens qui disent que les chiens d'avalanche, ça ne sert plus à rien. Qu'il n'y a plus de neige en montagne, etc. Bon, ça, c'est complètement faux.
Xavier Stinglhamber,coordonnateur de formation
Pour le spécialiste, avec le réchauffement climatique, "on a peut-être moins d'épisodes neigeux, mais quand on a un épisode neigeux, il est d'une intensité plus importante. Ensuite, avec le réchauffement climatique, qu'est-ce qui se passe ? Lors de la chute de neige, on peut avoir des températures négatives, jusqu'à moins 10 degrés sur la chaîne des Pyrénées et quelques jours après, des températures positives avec un enseignement fort.
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D'où, le risque de transformation du manteau neigeux, et de coulées importantes sur les massifs."
Certes, par endroits, il y a moins d'avalanches que par le passé. Mais l'inverse est aussi vrai. "Et des épisodes neigeux, il y en aura toujours." C'est pour cette raison que Xavier Stinglhamber milite pour des États généraux des maîtres chiens d'avalanche afin de redynamiser le déploiement de ces équipes spécialisées dans les domaines skiables.