Fournisseurs méfiants, banquiers frileux, services vétérinaires sourcilleux, La Lauragaise, ex-société Spanghero, continue de payer le prix du scandale de la viande de cheval. La nouvelle entreprise mise sur les grillades au printemps, pour sortir de la zone difficile.
Dans son bureau, au premier étage du bâtiment administratif de La Lauragaise, dans la zone d'activité de Castelnaudary, Laurent Spanghero, l'ancien rugbyman et toujours homme d'affaires à 74 ans, se démène au téléphone: un camion en panne à gérer ici, un contrat de 400 tonnes de confits de canard là.
Mais, explique Laurent Spanghero à l'AFP, "j'ai rencontré encore plus de difficultés que ce que j'imaginais, ça c'est clair. Notamment au niveau des services (vétérinaires) de l'État qui ont été extrêmement pointilleux".
Lui qui avait fondé la société avec son frère Claude dans les années 70 et l'avait cédée en 2009 à la coopérative basque Lur Berri a été désigné repreneur début juillet 2013 avec deux investisseurs. Leur dossier de reprise les engageait à reprendre 90 des 240 salariés pendant au moins deux ans.
"Faire bouillir la marmite"
La société était exsangue: Lidl, le dernier donneur d'ordre qui fournissait du travail pour 40 personnes, s'était désengagé juste avant la reprise fin juin 2013.
La liste des 90 salariés repris, confectionnée par l'administrateur judiciaire, ne couvrait pas vraiment toutes les compétences requises pour faire fonctionner l'entreprise.
Et surtout, le nom Spanghero que Lur Berri avait conservé est lié à jamais à la tromperie sur la viande de cheval vendue pour du boeuf et à celle de la viande de mouton britannique prohibée retrouvée dans les entrepôts.
Les repreneurs ont décidé de relancer prioritairement l'activité des plats cuisinés (cassoulet, confits de canard) et ont embauché les compétences manquantes (maintenance, directeur de production, commerciaux).
"Sur 107 employés, on bosse aujourd'hui à 75% (de capacité de production). Ce qui est déjà un résultat pas négligeable mais pas suffisant pour faire bouillir la marmite", concède M. Spanghero.
Ce dernier se plaint d'avoir dû débourser 150.000 euros, "imposés" par les services vétérinaires pour obtenir son agrément sanitaire définitif pour sa branche plats cuisinés (elle l'avait déjà pour la partie saucisserie). Rien d'inquiétant pour le consommateur, souligne un connaisseur du dossier: ce genre de démarche prend toujours du temps et si les services de l'État avaient eu le moindre doute, ils auraient tout simplement retiré l'agrément.
"On paye tout comptant"
Laurent Spanghero a aussi "du mal à avaler" les 258.000 euros de congés payés des salariés repris, douloureux héritage de Lur Berri dont les dirigeants, selon M. Spanghero, "s'en sortent beaucoup trop bien dans cette affaire".
Deux anciens dirigeants de Spanghero ont été mis en examen par les juges sous plusieurs chefs, parmi lesquels escroquerie en bande organisée. La direction de La Lauragaise n'a plus rien à voir avec celle de Spanghero. Mais l'entreprise traîne le scandale comme un boulet.
"On est confronté à la frilosité des banquiers et les fournisseurs ne nous font qu'une confiance limitée au point qu'on nous demande de tout payer au comptant", déplore M. Spanghero.
Impossible d'emprunter pour relancer une activité comme la production de steaks hachés, potentiellement lucrative dans un marché français peu concurrentiel.
La société a récemment bouclé six mois de travail pour élaborer et faire référencer par les grandes surfaces une gamme resserrée de produits qu'elle vendra sous sa propre marque. Elle mise notamment sur le marché de la grillade, au printemps et à l'été, pour desserrer l'étau financier.
M. Spanghero continue de croire en l'avenir de la société après un "très bon mois de décembre" et un "bon mois" de janvier.
"Je trouve que c'est exceptionnel qu'on soit encore là aujourd'hui", résume-t-il, "il y a des gens qui disaient: "Laurent, il ne passera pas Noël". Pour le moment, on a passé la Chandeleur".