Après celui de 2003, l'été 2022 aura été le plus chaud depuis le début des mesures de Météo France en 1900. En Occitanie, Nîmes détient le record inédit des 40 degrés atteints à la fois en juin, en juillet et en août.
A bien des égards, l'été 2022 est historique. Mais ce modèle marqué par une succession de vagues de chaleur et de sécheresse devrait malheureusement devenir classique d'ici quelques années. Le bilan climatologique dressé ce 30 août par Météo France laisse peu de place au doute :
On ne s'attend pas à ce que tous les étés du XXIème siècle soient une répétition de 2022 : ils seront plus ou moins chauds et humides ou secs. Mais ils seront de plus en plus nombreux à égaler ou à dépasser ce qu'on vient de vivre.
Matthieu Sorel, climatologue à Météo France
40°C le 16 juin à Saint-Jean-de-Minervois
De quoi parle-t-on exactement ? Les scientifiques évoquent une "anomalie" de température de +2,3°C, soit l'été le plus chaud en France métropolitaine après celui de 2003 (+2,7°C) depuis le début des mesures en 1900. Nous avons connu 3 vagues de chaleur en juin, juillet et août, soit 33 jours, un record jamais enregistré.
En Occitanie, la petite commune de Saint-Jean-de-Minervois dans l'Hérault détient désormais le record de précocité avec 40°C relevés le 16 juin. Une température atteinte à Nîmes (Gard) consécutivement en juin, juillet et août, du jamais vu. On a aussi relevé 39,2°C à Tarbes (Hautes-Pyrénées) le 18 juin. Ailleurs, dans le sud-ouest et le sud-est de la France, on n'avait jamais vécu un nombre aussi important de jours à 35°C, voire plus.
Canicule marine sur 70% de la Méditerranée
Ce qui laisse pantois les climatologues de Météo France, ce sont les écarts de températures entre anciens et nouveaux records de chaleur : "des valeurs absolument époustouflantes". Un phénomène qui n'épargne pas les milieux aquatiques : 70% de la mer Méditerranée a été classée en "Marine Heat Wave" selon la terminologie internationale, c'est-à-dire qu'elle a subi un phénomène de canicule marine sur les deux tiers de sa superficie. De quoi redouter une intensification des épisodes méditerranéens à l'avenir :
Par endroits, la Méditerranée est beaucoup plus chaude qu'attendu, de 5 à 6°C. Cette mer chaude est un facteur aggravant des épisodes méditerranéens qui seront potentiellement plus intenses.
Matthieu Sorel, climatologue à Météo France
"En revanche, ce n'est pas un facteur déclenchant, donc ils ne seront pas forcément plus nombreux : il faut pour ça que les conditions météo soient réunies".
Sans compter que cette canicule marine influence aussi les températures nocturnes et le nombre de nuits tropicales.
85% de pluie en moins en juillet
En 2022, la sécheresse n'a épargné aucun de nos territoires. De manière là aussi inédite, elle était déjà installée et généralisée avant l'été, contrairement aux années de référence 1976 et 2003. Cette fois, le déficit de précipitations sur la période estivale est de 25% et même -85% pour le seul mois de juillet, soit un manque de 50 millimètres d'eau, un niveau jamais atteint depuis 1958. Et les récents orages sont trop localisés et trop ponctuels pour inverser la tendance : il faudrait une pluie longue, fine et généralisée pour réhumidifier les sols et permettre à l'eau de pénétrer en profondeur.
En revanche, l'activité électrique est à la hausse. Le mois de juin a été le plus foudroyé en France depuis le début des mesures avec 206229 impacts. Des conditions propices à l'éclosion et à la propagation des incendies qui ont ravagé notre pays cet été, comme le rappelle Météo France sur son fil Twitter : "La météo n'est pas ce qui allume les feux. En revanche, elle va influer sur leur vitesse de propagation, leur étendue, leur durée, etc..." :
Le climat plus chaud que jamais
Alors cet été 2022 préfigure-t-il ce qui nous attend d'ici la fin du siècle, et pas seulement en France ? Une chose est sûre : au niveau mondial, les températures ont augmenté de 1,1°C, soit le climat le plus chaud depuis les premiers relevés météo entre 1850 et 1900. Au niveau de l'Hexagone c'est pire : nous sommes à +1,7°C depuis le début du XXème siècle.
Dans notre pays, entre les périodes 1947/1989 et 1989/2022, le nombre de vagues de chaleur a triplé et leur nombre de jours a été multiplié par 9. Samuel Morin, chercheur et directeur du Centre National de Recherches Météorologiques (CNRM), prévient : "à l'avenir, ces vagues seront d'autant plus fréquentes que le réchauffement augmentera". Et il précise que l'inversion de cette tendance n'est pas pour demain :
Avec la poursuite des émissions de gaz à effet de serre prévue pour les prochaines années, on envisage un doublement des vagues de chaleur et de leur intensité dans la seconde moitié du XXIème siècle.
Samuel Morin, chercheur et directeur du Centre National de Recherches Météorologiques (CNRM)
"Si on arrêtait tout aujourd'hui, on obtiendrait au mieux un statu quo de quelques décennies, avant une éventuelle décrue au-delà de 2050. Il n'y aurait pas d'amélioration à attendre sur le climat avant cette date. Donc il faut se préparer à vivre des étés comparables à 2022".
4 niveaux de risques identifiés
En clair, le niveau du réchauffement futur dépend des émissions futures de gaz à effet de serre. Plus tôt elles baisseront, mieux on préparera l'avenir. En attendant, pour aider les Etats à faire face, le GIEC (Groupe International d'Experts pour le Climat) a identifié 4 risques clés à gérer pour l'Europe :
- RC1 - Extrêmes chauds, impacts humains et écosystèmes
- RC2 - Pertes de production agricole
- RC3 - Manque d'eau
- RC4 - Crues et inondations
Des risques dont l'ampleur dépendra "fortement" du niveau de réchauffement planétaire.