En septembre 2014, le village de Saint-Laurent-le-Minier, près de Ganges, est dévasté par des inondations. Six ans plus tard, les souvenirs restent vivaces, mais la reconstruction est achevée. L'heure est à la solidarité envers les villages sinistrés ce samedi 19 septembre.
Six ans plus tard, les souvenirs sont intacts. Le 17 septembre 2014, Saint-Laurent-le-Minier est ravagé par des inondations d’une violence inédite. En quatre heures, ce mercredi après-midi, 300mm de pluie s’abattent sur le village de 350 habitants. La Crenze et le Naduel, une rivière et un petit ruisseau d’ordinaire calmes, se gonflent à une rapidité déconcertante.
“Je m’étais rendu chez la boulangère pour l’aider à placer les objets en hauteur”, se souvient André Rouanet, à l’époque maire du village. Très vite, il comprend que ces précautions ne suffiront pas. Pas cette fois-ci. “J’ai vu passer ma propre voiture, emportée par l’eau, et j’ai compris que ce n’était pas une inondation habituelle”.
À la nuit tombée, le village est totalement isolé. L’électricité est coupée, le téléphone et les connexions Internet également. Au milieu de la nuit, le temple et l’église du village sont ouverts pour servir de point de rassemblement. “On ne pouvait qu’attendre le jour, en essayant de veiller sur les personnes isolées”, poursuit André Rouanet.J’ai vu passer ma propre voiture, emportée par l’eau, et j’ai compris que ce n’était pas une inondation habituelle
Les ravages d’une nuit de crue
Lorsque le soleil se lève, les habitants constatent l’ampleur du désastre. “Je n’oublierai jamais les premières images que j’ai vues de mon village”, se remémore Martine Trial avec émotion. Aux aurores, cette habitante historique de Saint-Laurent-le-Minier découvre avec effarement la place du Salet “arrachée”.En amont du village, les pluies provoquent un glissement de terrain. La plupart des ponts privés qui traversent le Naduel, ruisseau devenu torrent, s’effondre sous la pression des embâcles. Plusieurs véhicules sont emportés.Les routes éventrées, les arbres en travers des ponts…Je n’en revenais pas. C’est très difficile à voir.
Et surtout, une personne manque à l’appel. Ferdinand Nicolas, un retraité des mines âgé de 74 ans, a été emporté par les eaux. Selon plusieurs témoignages, il aurait été emporté par l’une des vagues alors qu’il traversait le pont de la mairie pour regagner son véhicule. Son corps n’est retrouvé que le 28 septembre par un promeneur, à trois kilomètres au sud du village, au bord de la Vis.
Une "entraide extraordinaire" face au désastre
Plusieurs familles perdent leur logement. Également emportées par les flots, les cuves dans lesquelles les habitants stockaient leur carburant se déversent dans l'eau. "Une forte odeur de mazout a persisté pendant des mois", se souvient avec gravité Martine Trial. Le stade communal est transformé en déchetterie pour stocker tous les meubles détruits. Le 26 septembre, l'état de catastrophe naturelle est décrété.Pour prêter main forte lors du nettoyage, plusieurs villages voisins avaient envoyé leurs employés communaux. De très nombreux bénévoles s’étaient également engagés auprès des Saint-Laurentais. “C’était des moments humains très forts”, souligne André Rouanet.Ce qui reste très vivant dans ma mémoire, c’est l’élan de solidarité venu de toute part.
“Les volontaires passaient la journée à récurer la boue dans une odeur terrible, mais quand ils se retrouvaient et que les nerfs lâchaient, c’était des fous rires incroyables”, confirme Martine Trial.
Enfin reconstruit, Saint-Laurent-le-Minier veut “rendre la pareille” aux villages sinistrés
“La reconstruction va être longue”, a averti ce lundi Martin Delor, vice-président du Conseil Départemental du Gard au sujet des villages frappés par l’épisode du 19 septembre. “La commune de Saint-Laurent-le-Minier, touchée en 2014 et aidée à 90 %, finit à peine sa rénovation."Les travaux du village ont en effet pris du temps. Le temps des expertises, des assurances, des processus administratifs. La municipalité a profité de la réfection de la voirie détruite pour rénover les circuits d’eau vétustes. “À partir d’un désastre comme celui-ci, les complications s’enchaînent… La reconstruction aura occupé tout mon mandat !” s’exclame André Rouanet.
Aujourd’hui, le village est enfin rénové. La nouvelle architecture des ponts a été conçue pour retenir le moins d’embâcles possible.
Fondée après les inondations, l'association "Resurgencia" s'est mobilisée pour reconstruire Saint-Laurent-le-Minier. "Ça nous remue de voir d'autres villages dans la même situation", déplore Roger Arbousset, membre de l'association.Il faut traiter les problèmes en amont, bien dégager les berges, mieux surveiller les ponts, écouter les personnes sur le terrain, sinon ça va se reproduire !
Martine Trial et André Rouanet se disent très touchés par les inondations qui ont frappé ce week-end plusieurs villages des environs. Valleraugue et Saint-André de Majencoules vivent à leur tour ce qu’a subi Saint-Laurent-le-Minier six ans plus tôt. “On ne pensait pas que ça se reproduirait si vite, et si près de nous”, soupire André Ruanet.
À son tour, la commune a envoyé ses deux employés communaux pour aider les villages sinistrés. Les habitants veulent eux aussi s'organiser pour apporter leur aide. “On reste marqué à vie par un événement comme celui-ci. Quand j’entends qu’il y a une alerte orage, je ne dors pas de la nuit”, confie Martine Trial.
“Bien sûr, une tranche de leur vie va changer, il y aura un avant et un après”, souffle-t-elle. “Mais je voudrais leur souhaiter bon courage, et leur dire que même si c'est très long, la vie normale finit par revenir”.