A cinq mois de la récolte, les producteurs d'oignons doux des Cévennes sont inquiets. La saison des semis s'achève et le manque d'eau est déjà criant en raison de la sécheresse chronique qui frappe la France. Les bassins de rétention n'y suffiront pas. Les agriculteurs redoutent que les pouvoirs publics ne leur imposent des restrictions drastiques d'irrigation.
A Sumène dans le Gard, la parcelle d'oignons doux plantée il y a un mois, au cœur de l'hiver, par Richard Fesquet, n'est pas épargnée par la sécheresse. Elle a déjà dû être arrosée, contrairement aux pratiques ancestrales des agriculteurs des Cévennes. L'exploitant explique : "du temps de mon père et de mon grand-père, on arrosait jamais les semis, d'ailleurs il n'y avait pas de système d'arrosage. Aujourd'hui c'est impensable".
Installé depuis 26 ans, Richard Fesquet a pu observer cette évolution au fil du temps. Mais cette année, cet hiver sec arrive après des mois de sécheresse chronique. Dans cette zone des Cévennes gardoises, il a plu moitié moins en 2022 qu'habituellement. Résultat : le bassin qui sert normalement à irriguer sa production en été n'a pas suffi à combler le manque. Richard Fesquet a donc fait construire un autre stockage, deux fois plus grand. Mais faute de pluie cet hiver, ce bassin-là non plus ne s'est pas rempli.
On n'arrive pas à stocker toute l'eau dont on va avoir besoin pour la saison estivale. Il faudrait quand même arriver à remplir un tant soit peu ces réservoirs tampons.
Richard Fesquet, producteur d'Oignons doux des Cévennes
Des réservoirs mais pas de pluie pour les remplir
Ces solutions ne peuvent donc pas compenser l'absence de pluie. Dans un contexte de sécheresse nationale, les producteurs d'oignons doux des Cévennes s'inquiètent d'autant plus que ce changement climatique intervient après une année 2020 marquée par des inondations qui avaient sinistré la moitié des exploitations.
En 2023, ils s'alarment au contraire d'un durcissement annoncé des conditions d'accès à l'eau, alors qu'ils s'estiment déjà très contrôlés, comme l'explique Philippe Boisson, le président de la coopérative "Oignons doux des Cévennes" :
Nos droits à prélèvements nous imposent de prendre de l'eau à certaines périodes, avec des dates bien précises. Des compteurs permettent de vérifier qu'on respecte bien ces obligations. Et il y a des contrôles.
Philippe Boisson, président coopérative "Oignons doux des Cévennes"
Stress hydrique et production en chute
Les agriculteurs cévenols sont donc à la fois vigilants et inquiets. Car le stress hydrique induit par la sécheresse a des conséquences : l'an dernier la production d'oignons doux a chuté de 40 % du fait du développement concomitant d'un insecte ravageur, favorisé par la chaleur. A l'été 2022, privés d'eau du fait des restrictions imposées par la préfecture du Gard, les producteurs avaient manifesté au Vigan.
Ecrit avec Alexandre Grellier et Audrey Delabre.