Cofondateur, avec Sylvie Martigny, des éditions Tristram installées à Auch (Gers), Jean-Hubert Gailliot est également un auteur reconnu. Il nous conduit, pour son huitième roman, sur les traces d’un pickpocket parisien à la fois attachant et mystérieux. Mais au-delà de l’histoire c’est aussi son style d’écriture qui nous emporte.
Jean-Hubert Gailliot excelle dans la description du Paris d’une époque que l’on raconte peu, la fin des années 60. Nous ne sommes plus sur les vestiges de la Seconde Guerre mondiale et pas encore tout à fait dans la modernité. Pour vous donner une idée, c’est l’époque d’"Un flic" de Jean-Pierre Melville avec Delon.
Skip, petite frappe, est pickpocket de son état, même s’il a vendu de la poudre, il fut un temps. Pas de maîtresse, mais un amour perdu qui pèse lourd dans la mémoire. Pas de planque attitrée, pas d’économies cachées sous un matelas ou dans un coffre. Mais une bonne "papatte" comme disent les connaisseurs. Bref rien à voir avec les vulgaires détrousseurs de métro actuels.
D’autant que le garçon a du cœur, et pas seulement à l’ouvrage. Sans tomber dans le pathos, Gailliot fait aimer son héros dont il nous retrace, en pointillés, les origines. Celle d’un gamin qui décide un jour de s’enfuir de chez lui.
Personne ne peut avoir l’idée de ce la difficulté que ça représente. Partir, ce n’est pas seulement franchir une porte. Il faut trancher les fils un à un, tout ce qui relier la chose qu’on veut fuir, mais à quoi on reste attaché de mille façons.
On s’attache à ce Skip comme le pickpocket s’attache à cette mystérieuse Katerine Molyneux qu’il se met à filer sans savoir vraiment pourquoi. Katerine une belle bourgeoise, glaciale avec sa fille comme avec son mari, et qui passe ses journées à flâner dans Paris. Elle se montre, un temps, tentée de séduire un acteur, qui monte, du nom de Philippe Noiret. Puis il n’en est plus question, les beautés de marbre se lassent vite.
Mais Katerine est avant tout l’épouse d’un magnat des affaires et de la finance, comme on les pratique encore en 1969, du négoce aux vieux relents de délits d’initiés qui finiront par le perdre. S’il sait dépeindre les situations et les lieux avec précision, Jean-Hubert Gailliot n’est pas en reste sur la description de ses personnages.
Avec Victor, Hélène paraît plus libre, plus enjouée, mais il y a chez elle un fond de passivité qui subsiste. Bien sûr, Pegala est un homme à femmes. Il ne s’encombre pas de sentimentalité. A le voir évoluer, après l’amour, dans ce petit appartement à l’allure de garçonnière, tandis que sa maîtresse profite encore un peu du lit, Skip ne peut s’empêcher de lui trouver un air de bellâtre, légèrement veule. Il était mieux en photo.
Des plus éphémères comme Jacquemont, le flic traqueur de pickpocket à Duclos le vieux recéleur, jusqu’aux acteurs principaux de l’intrigue, chaque personnage est ciselé, dépeint sous ses traits les plus intimes. Du travail d’orfèvre.
Que cherche Skip ? L’amour ? Le gros coup qui le fera se retirer du circuit ? Le sait-il lui-même ? Comme le pickpocket ne révèle jamais sa technique, le secret de la littérature est parfois de laisser planer le doute. Jean-Hubert Gaillot l’a bien compris.
« Le pickpocket des Champs-Elysées » de Jean-Hubert Gailliot, Editions de l’Olivier.