Touchés de plein fouet par un troisième épisode de grippe aviaire en cinq ans, les acteurs de la filière avicole se réunissent depuis plusieurs semaines pour tenter d'établir une nouvelle feuille de route. Certains syndicats agricoles redoutent un coup porté aux élevages en plein air.
Les élevages avicoles en plein air sont-ils aujourd'hui menacés ? C'est ce que redoutent certains syndicats agricoles comme la Confédération paysanne et le Modef.
Réunies à l'occasion d'un point presse, ce lundi 10 mai 2021, les deux organisations s'inquiètent des nouvelles mesures que pourrait annoncer ce mardi le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, à l'occasion d'un bilan à mi-parcours de cette crise.
Une feuille de route pour éviter les crises sanitaires
Confrontés à un nouvel épisode de grippe aviaire (le troisième en cinq ans), qui a vu 475 foyers identifiés et 3,5 millions de volailles (essentiellement des canards) abattues, les acteurs des filières avicoles se sont réunis pendant plusieurs semaines pour tenter d'établir une feuille de route qui permette d'éviter à l'avenir des crises de cette ampleur.
Mais les solutions envisagées sont loin de faire l'unanimité. Selon la Confédération paysanne et le Modef, "la claustration est sans cesse mise en avant par les acteurs de la production industrielle". Toujours selon ces deux organisations, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie pourrait annoncer aujourd'hui, de nouvelles mesures allant dans ce sens : une claustration obligatoire dans les secteurs les plus à risques. Parmi lesquels, bien sûr, le Sud-Ouest.
Les périodes à risques vont du 15 novembre au 15 mars mais sont susceptibles d'être étendues si des cas sont avérés, affirme le Modef. Ce qui fait qu'un canard, par exemple, pourrait, entre sa naissance et l'abattage, ne pas voir la lumière du jour.
L'élevage de plein air traditionnel fragilisé
Or, cette décision, si elle est confirmée, est lourde de conséquences. Qu'en sera-t-il des producteurs incapables financièrement de s'équiper ?
On estime à un tiers des producteurs traditionnels qui ne sont pas en mesure de claustrer leurs animaux. Les nouvelles contraintes ne s’arrêteraient pas là : de nombreuses mesures inadaptées à ces modèles seraient désormais des conditions pour pouvoir produire à nouveau. Les éleveurs devront soit arrêter leur production (avec les conséquences socio-économiques que l’on connaît), soit plonger dans l’illégalité. Que faut-il leur souhaiter ?
Et quel avenir pour la production sous label (Label rouge, bio, etc.) qui garantit un élevage en plein air, de qualité supérieure ? Perdureront-ils alors que les volailles seront claustrées ? Quelle information envers le consommateur ?
Cela constituerait une tromperie des consommateurs avec des produits « élevés en plein-air mais claustrés » et qui demain n’auront plus le choix qu’entre des volailles industrielles et des volailles en bâtiments !
Quel avis scientifique ?
La Confédération paysanne et le Modef sont en outre sceptiques sur l'efficacité d'une telle mesure, d'autant que selon eux, l'ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation) n'a encore rendu aucun avis scientifique sur les modes de circulation et de contamination par l’influenza aviaire cette année. Pour les deux organisations syndicales, seuls quelques foyers de grippe aviaire sont liés à la faune sauvage.
La plupart des foyers sont des élevages claustrés. Résultat : on axe tout sur la claustration qui est sur un piédestal, alors que la contribution du plein air au développement de l’épizootie est en réalité marginale.
La Confédération paysanne et le Modef, quant à eux, insistent sur les dangers que représente la sur-industrialisation de la filière, dans le Sud-Ouest notamment. Trop d'animaux et trop de transports sont pour eux à l'origine du problème.
Et de rappeler que si le ministère de l'Agriculture fait le choix de la claustration, un bon nombre d'exploitations traditionnelles ne seront pas en mesure de l'appliquer.
Depuis le 24 avril dernier, le niveau de risque de propagation de grippe aviaire est passé à "modéré". Il était considéré comme "élevé" depuis le 17 novembre 2020.