"Certains étaient vraiment mal, humiliés" : le témoignage d'une victime du bizutage à l'école d'infirmières de Toulouse

Après la révélation des scènes de bizutage vécues mercredi par les étudiants en première année, voici le témoignage d'une étudiante, qui reproche notamment aux enseignants de ne rien faire pour que ces pratiques illégales cessent. 

"C'est une pratique ancestrale, nulle et humiliante" et "les professeurs tolèrent, ne font rien pour que ça s'arrête et nous incitent même à nous taire". Au lendemain de la révélation des pratiques de bizutage à l'école d'infirmières du CHU de Toulouse, une des étudiantes de première année victime de ces pratiques a accepté de répondre à nos questions.

Une interview anonyme, la jeune femme craignant des mesures de rétorsion. Elle revient également sur l'ambiance qui règne depuis la révélation de l'affaire et sur le rôle des enseignants et de la direction. Le CHU de Toulouse a indiqué avoir ouvert une enquête interne et promets des sanctions contre les organisateurs, voire les enseignants.

- Que s'est-il passé mercredi ?
- Ils sont entrés dans l'amphithéâtre. Ils étaient une centaine, c'était vraiment le bazar. On savait que ça allait se produire, il y avait des rumeurs. Ils nous ont réunis par groupe et là ils nous ont attachés, avec du scotch, les uns aux autres, parfois par 2, par 3 ou plus. Ils nous ont fait sortir de là et nous ont fait chanter. Certains devaient se tenir par la main mais entre leurs jambes. Certains avaient des couches sur la tête. Ils nous ont écrit dessus.

- Quel a été votre sort ?
- Je ne peux pas le dire parce que c'était par groupe. Si je le dis, on reconnaîtra mon groupe et après on est un peu traqué.

- Qu'est-ce qui était le plus humiliant ?
- On était tous un peu étonnés. Ça avait l'air d'être un jeu, mais on été couvert de tout : eau, farine, oeufs, bien-sûr, mais aussi de l'huile, du vinaigre, de la soupe de poissons, de la pâtée pour chats, de la mousse à raser, de la bétadine... L'odeur était infecte. Tout cela tout en étant attachés. 

- On voit que vous tremblez en racontant ça...
- Depuis que c'est sorti dans la presse, c'est horrible : on nous a dit de ne pas parler aux journalistes, que c'était une atteinte à l'image de l'école. Hier (NDLR : après la publication des premiers articles) c'était la chasse aux sorcières. Je flippe trop !

- Pourtant vous avez choisi d'en parler...
- Oui parce que c'est humiliant. J'en ai vu plusieurs qui n'étaient pas bien, qui se sentaient vraiment humiliés.
 

Pas un prof n'a dit depuis : "si vous l'avez mal vécu, n'hésitez pas à en parler, on va essayer d'arrêter ça". Au contraire, ils nous disent qu'il faut nous taire


- Et vous ?
- Je suis un peu sous le choc. Je ne m'attendais pas à ça. On n'arrête pas de nous parler des valeurs de l'infirmière mais les profs sont au courant, ils savent ce qu'il se passe et on tolère que des gens plus âgés prennent des gens plus jeunes et leur en mette plein la tête pour un rite d'initiation ancestral, vieux jeu et nul, et on nous dit en gros "si vous le faîtes pas, vous n'êtes pas drôles, vous êtes nuls". Pas un prof n'a dit depuis : "si vous l'avez mal vécu, n'hésitez pas à en parler, on va essayer d'arrêter ça". Au contraire, ils nous disent qu'il faut nous taire parce que l'image de l'école c'est plus important, qu'on a un devoir de réserve.

- Tout le monde pouvait voir ce qu'il s'est passé, y compris la direction ?
- Ils sont venus nous chercher en plein cours. L'intégralité de l'école l'a entendu, ils nous ont mis sur le parvis devant l'école et nous ont ensuite amené dans le parce juste à côté. Tout le monde pouvait voir depuis les fenêtres.

-Est-ce que vous vous êtes sentie obligée de le faire ?
- Oui et non. Je pense que si j'avais insisté, j'aurais pu partir. Et en même temps, ça ne se fait pas. Une fois que tu es dedans, tu es dedans. Au début, de toute façon, ils nous ont retenu. Il y avait une très grosse pression pour le faire.

EN VIDEO / le reportage de Martin Vanlaton et Jean-Luc Pigneux : 
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