Climat. Été 2022 : "Les 10 000 morts silencieux qui n'ont pas été dans les hôpitaux"

Méga incendies, canicules, sécheresse, inondations : cet été, les phénomènes météorologiques ont été désastreux. Ils résultent tous du réchauffement climatique. Pour Christophe Cassou, expert du GIEC, "l'activité humaine est sans équivoque sur le réchauffement climatique."

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Cet été, le mercure s'est affolé en Occitanie. Avec 18 jours consécutifs à plus de 30°C relevés au centre-ville de Toulouse, les températures enregistrées alertent. C'est même du jamais-vu depuis la création de Météo France. La Ville Rose est en surchauffe et la Garonne est au plus bas. Plusieurs départements alentour sont aussi touchés par des restrictions d'eau. 

Durant ce même été aux températures record, au moins 1.300 hectares de forêt ont été décimés en Aveyron. L'incendie de Mostuéjouls, qui s'est déclaré le 8 août en Lozère, a duré pendant une dizaine de jours.

Plus de 3.000 personnes ont dû être évacuées. Quatre sapeurs-pompiers ont été blessés. L'ampleur inégalée de ces mégafeux marque elle aussi un tournant. 

Entre les épisodes caniculaires et les fortes sécheresses, l'été 2022 n'est pas sans rappeler celui de 2003. Cette année-là, au cours des mois de juillet et août, des milliers de personnes étaient décédées des suites de déshydratation sévère. Comme il y a vingt ans, la conséquence directe de ces vagues de chaleur intense est l'augmentation sensible du nombre de décès. Toutes causes confondues, la mortalité en juillet 2022 a augmenté de 19% par rapport à juillet 2019, selon les chiffres de l'INSEE.

Christophe Cassou est expert du GIEC. Le climatologue toulousain alerte depuis plusieurs années sur les risques du réchauffement climatique. Co-auteur du dernier rapport du groupe intergouvernemental aux côtés de Valérie Masson-Delmotte, il revient sur cet été qui a battu tous les records, partout dans l'Hexagone. 

"On a coché tous les risques auxquels l'Europe est soumise" 

France 3 Occitanie : Mégafeux, sécheresse, inondations... Que s'est-il passé cet été dans la région ? 

Christophe Cassou : Nous venons de passer un été exceptionnel. Des événements extrêmes se sont succédés. Cette année, c’est la sécheresse la plus importante sur la France depuis qu’on a des relevés fiables, c'est-à-dire les années 1950. Cet été, on a coché les quatre risques auxquels l'Europe est soumise en lien avec le changement climatique. Ces quatre risques ont été évalués dans le dernier rapport du GIEC.

France 3 Occitanie : Comment peut-on l'expliquer ? 

Christophe Cassou : On a eu plusieurs événements extrêmes qui arrivent en même temps, de manière simultanée. Là, en l'occurrence, on a eu une forte sécheresse, en plus des conditions atmosphériques favorables à la propagation de ces incendies et à leur expansion. Cette année, c'est la première fois que la France est confrontée à des méga incendies. On a aussi eu des pluies diluviennes avec des inondations urbaines dans certaines régions. 

Une première estimation de santé publique France relève un excédent de 10.000 morts en  France, dus aux canicules. Ce sont des morts silencieux qui n’ont pas été dans les hôpitaux.

Christophe Cassou, climatologue et membre du GIEC

France 3 Occitanie : Au-delà des méga incendies, quelles sont les conséquences de ces fortes chaleurs ?

Christophe Cassou :  Les extrêmes chaleurs vont créer une morbidité importante. Une première estimation de santé publique France relève un excédent de 10.000 morts en  France, dus aux canicules. Ce sont des morts silencieux qui n’ont pas été dans les hôpitaux. C'est absolument considérable. La canicule de 2003, c’est 15.000 morts. C’était la plus forte qu'ait connue la France. À l'époque, elle avait surtout touché le Nord et la région parisienne. Cette année, ce sera plutôt le sud-ouest. 

"L'activité humaine est sans équivoque sur le réchauffement climatique"

France 3 Occitanie : Quelle est l'incidence de l'activité humaine sur ces phénomènes ? 

Christophe Cassou : L'activité humaine est sans équivoque sur le réchauffement climatique. C’est un fait établi. On est passé "d’extrêmement probable" à "sans équivoque". Certains phénomènes comme la canicule arrivent et sont déjà arrivés par le passé. Mais si la canicule était arrivée sans influence humaine, elle aurait été plus fraîche, avec quelques degrés en moins. Pour obtenir des températures similaires, il faut remonter à 100 000 ans. L’Homo sapiens a connu ce qu'on a vécu. Mais on est en train de vivre une rupture inédite pour l'espèce humaine. 

L’Homo sapiens a connu ce qu'on a vécu. Mais on est en train de vivre une rupture inédite pour l'espèce humaine. 

Christophe Cassou, climatologue et expert du GIEC

France 3 Occitanie : Des solutions sont-elles encore possibles ? 

Christophe Cassou : Bien sûr. Les solutions existent. Elles sont là et elles sont implémentables. Ce qui veut dire qu'on ne doit pas les inventer. On sait qu'il faut atteindre la neutralité carbone. Il ne faut plus qu'aucune molécule de CO2 ne s'accumule dans l'atmosphère. On a des innovations et des technologies qui nous permettent de diminuer les effets du gaz à effets de serre. Il faut activer toutes ces solutions dans toutes les situations : l'énergie, l'agriculture, les transports, la mobilité, l'urbanisme, les modes de consommation... 

France 3 Occitanie : À quoi pourraient ressembler ces solutions ? Sont-elles suffisantes ? 

Christophe Cassou : Rien n'est accessoire. Il faut faire l'inventaire de ce qu'on garde, de ce qu'on abandonne. Il faut qu'on se demande ce qu'on peut changer dans nos pratiques fondamentales. Par exemple, on sait que l'abaissement des vitesses permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. On peut ralentir au volant sans qu'il n'y ait aucune privation de liberté puisqu'on peut toujours se déplacer. 

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