Des connexions existent entre l'un des organisateurs du jeu, qui consiste à cacher 10 cartes de 1000 euros dans les rues de Toulouse, et un mouvement ésotérique. Il existe même des liens financiers entre ses deux activités. De simples "maladresses" selon l'organisateur, "aucun lien avec une secte".
Mais qui se cache derrière Speed CashCache et cette chasse au trésor organisée, aux moult soubresauts, dans les rues de Toulouse depuis la mi-novembre ?
Selon nos informations, le principal organisateur, Pierre Billard (le seul contact sur le jeu, son associé, "Benjamin", n'ayant pas révélé son identité), est aussi proche d'un mouvement de pensée, qualifié de mouvement sectaire par les instances officielles luttant contre les dérives sectaires.
La liberté de croyance et de pensée de l'initiateur de ce jeu n'est pas ici remise en cause mais il apparaît d'une part, que les 50 000 personnes inscrites sur le site du jeu n'ont pas eu accès à ces informations, et d'autre part que le lien peut être établi entre ses activités privées et la chasse au trésor, notamment sur le plan financier.
En effet, le jeu, lancé à grand renforts médiatiques, a suscité un engouement énorme dans Toulouse : le principe est de retrouver 10 cartes de 1000 euros chacune cachées dans la ville, en résolvant des énigmes. Mais l'engouement était tellement fort que le jeu a été victime de son succès : les organisateurs l'ont suspendu pendant plusieurs jours, officiellement parce que des "tricheurs" s'y étaient mêlés, ainsi qu'en raison de critiques et de "dénigrement" sur les réseaux sociaux. Ils l'ont relancé le week-end dernier, notamment après avoir publié un règlement en ligne très intéressant (lire plus bas).
Les "enfants indigos"
Alors qui est Pierre Billard ? C'est le créateur du réseau social "Positive Network", qui traite des "enfants indigos" et des "travailleurs de lumière". Ne cherchez pas : le site internet et son blog associé, encore accessibles dimanche 26 novembre, ont été désactivés depuis. Mais son compte twitter est lui toujours en ligne :Les "enfants indigos", c'est une croyance ésotérique née avec le new age, qui, si l'on doit résumer, explique que des enfants dont "l'aura" est de couleur indigo (en opposition aux autres d'une couleur banale) sont venus arrivés d'une autre planète sur la Terre pour sauver le monde ! Des adultes sont sur Terre pour aider les parents à les reconnaître et à le aider. Les "enfants indigos", des demi-Dieux, si l'on rejette leur personnalité, seraient tentés par le suicide, une sorte de chantage classique dans les mouvement sectaires.
Une "menace psychologique" selon la Miviludes
La mission interministèrielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), écrit à ce sujet : "Le champ des dérives sectaires relevant de la prise en charge thérapeutique de l’enfance ne se limite pas au traitement des troubles et des pathologies. Le mythe de l’enfant parfait pousse de nombreux parents à consulter des praticiens qui leur promettent d’oeuvrer pour le plein développement des potentialités de leur enfant. Cette tendance est notamment à l’oeuvre au sein du mouvement Kryeon et des enfants dits « indigo », censés préfigurer l’idéal des générations futures (...) Selon la mouvance Kryeon, il est indispensable d’accueillir de façon différente ces enfants dont l’intelligence, la maturité, la sagesse sont incompréhensibles si on ne prend pas en compte leur nature divine. L’état indigo est décelé de manière purement subjective, repéré par un parent adepte appartenant à la mouvance, par un thérapeute ou un personnel éducatif. N’importe qui peut être pressenti comme parent d’enfant indigo pour peu qu’il ait un enfant un peu difficile... (...)La doctrine des enfants indigo peut présenter une menace d’un point de vue psychologique mais également social pour l’avenir de ces enfants élevés dans un contexte de « toute puissance »."
Une maladresse selon l'initiateur du jeu
Contacté par France 3, Pierre Billard explique qu'il a été "maladroit" : "J'ai créé le réseau social en tant que webmaster à la demande de l'une des adeptes des enfants indigos mais je ne suis pas impliqué dans ce mouvement. Elle a parlé de moi à sa communauté et j'ai été maladroit. Je me suis dit que j'allais assumer ce que j'avais fait. D'où mon compte twitter avec des mots-clés sur les enfants indigos et les travailleurs de lumière alors que je n'en fais pas partie. Mais dans cette communauté on voulait faire de moi un gourou, car je me suis mis en avant. Je suis athée, je ne suis dans aucune sorte de religion ou de croyances. J'ai juste mal fait les choses".Il explique qu'il a monté des sites pour de la pâtisserie ou de la voyance et que son nom apparaît partout. Il aurait donc, parce que son nom est plus cité sur internet que celui de Positive Network, mis des mots-clés sur son profil Twitter pour "référencer" le blog des enfants indigos.
Quant à la dépublication du site, Pierre Billard explique l'avoir réalisée lui-même, car il "avait une proposition de rachat du réseau social, par un Canadien qui a refusé de payer l'hébergement internet".
Le joueur doit être... un Terrien !
Dans la chasse au trésor caché dans Toulouse, il n'est certes pas question des "enfants indigos". Mais certains points posent question au regard de ces informations. Notamment quand, dans le nouveau règlement, les organisateurs indiquent (certes avec humour) que le joueur doit être "un terrien" !Et puis, il y a la question de l'argent. Dans une interview qu'il nous avait accordée au lancement du jeu, Pierre Billard expliquait qu'avec son associé, il mettait en jeu son argent personnel. Dans quel but ? Permettre à des gens qui en ont besoin d'améliorer leur ordinaire.
Mais très vite, le succès grandissant du jeu et la présence de publicités sur son site internet, garantit des rentrées financières importantes à Speed CashCache. Si bien que des questions se sont posées sur l'utilisation de cet argent, notamment par des joueurs eux-mêmes.
Le même compte PayPal
Surtout, nous avons découvert, qu'il existait des liens sur un site de paiment en ligne entre les deux activités de Pierre Billard. Sur le chat (forum de discussion) du jeu on peut devenir VIP. Il suffit pour cela de payer, via le site PayPal. On a alors droit à un lien direct avec les organisateurs et, sans doute, à plus de chances de trouver les cartes.Or, avant que le site Positive Network ne soit désactivé, nous avons pu tester le lien vers son propre compte PayPal, qui permettait de lui faire un don : du site d'information sur les "enfants indigos" on atterri alors sur le compte PayPal... du jeu Speed-CashCache, comme le montre la capture d'écran ci-dessous.
"C'est un quiproquo, explique-t-il. J'avais installé un bouton de don sur le réseau social Positive Network parce que son initiatrice souhaitait que je sois remercier pour mon travail. J'ai mis le même lien sur le site du jeu en demandant à PayPal de dissocier les deux comptes, ce qui n'a pas été fait".
Une explication un peu légère pour un professionnel de l'internet quand on sait qu'il suffit de deux clics et d'une carte bancaire pour créer un nouveau compte PayPal. Pierre Billard reconnaît d'ailleurs lui-même que ces explications sur ce sujet sont peu convaincantes mais dit qu'il a été "maladroit".
Un nouveau règlement du jeu
Et puisqu'il est question d'argent, le nouveau règlement du jeu comporte lui aussi des éléments troublants : notamment le fait que les cartes de 1000 euros chacune ne seront pas forcément "rétribuée" en cash ou en chèque comme nous l'avait pourtant indiqué Pierre Billard mi-novembre, mais en "numéraire, bon d'achat, chèque ou cartes cadeaux ou en objet matériel de cette valeur" :Enfin, les organisateurs promettaient que pour toute carte non trouvée par les joueurs, la valeur de 1000 euros serait remise à une association humanitaire. Là encore, les choses ont changé : on parle bien de don à une association caritative mais aussi de "toute autre utilisation".
"Toute autre utilisation" ? L'association caritative qu'avaient choisi à l'origine les organisateur était "ABC hôpital", un clown qui rend visite aux enfants hospitalisés.
L'association n'est évidemment pas en cause, mais il est intéressant de constater ce qu'écrit la MILIVUDES aux sujets des adeptes de la théorie des "enfants indigos" :
A la question "croyez-vous à la théorie des enfants indigos ?", Pierre Billard répond "non". "J'ai fabriqué des sites pour de la pâtisserie ou d'autres activités, comme de la voyance, mon nom apparaît partout".Ce mouvement a réussi à diffuser et à populariser ce concept ésotérique destiné à la prise en charge d’enfants malades ou tout simplement inadaptés
La société Speed-CashCache introuvable en France
Impossible de trouver la société, présentée sur le site du jeu comme une "start-up", dans les registres des tribunaux de commerce en France."Normal, explique Pierre Billard : nous l'avons immatriculé à l'étranger". Mais le porteur du jeu ne dira pas dans quel pays. Tout juste précise-t-il qu'"elle n'est pas enregistrée avec l'alphabet français".
Un nouveau mystère autour du lancement de ce jeu à Toulouse, qui n'en manque déjà pas.