La famille du militant basque de l’ETA Jon Anza fait appel et cherche la vérité

Après 3 ans d’instruction, la juge toulousaine a classé sans suite l’affaire Jon Anza fin juin 2013. La famille du militant basque, mort dans des circonstances troubles à Toulouse en 2009, a fait appel de cette décision et exige toute la transparence. Ils étaient à Toulouse ce mercredi.

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En début d’après-midi, ce mercredi, au local de la Ligue des Droits de l’Homme de Toulouse, une conférence de presse était organisée par la famille de l’ex militant basque Jon Anza en compagnie de leur avocat maître Julien Brel et du président de la ligue des Droits de l'Homme de Toulouse, maître Pascal Nakache. Ils s’interrogent sur le fond de l’affaire et évoque "un simulacre d'enquête" classée sans suite par la juge d'instruction à Toulouse. Le 28 juin dernier, en effet, suivant les réquisitions du Parquet, la juge d'instruction toulousaine, après 3 ans d'enquête, a estimé que la mort de Jon Anza qui souffrait d'un cancer "n'a rien à voir avec une opération illégale de contre-terrorisme mais est la conséquence de son état de santé". Mort naturelle ou affaire politique ? La question reste en suspens pour la famille et la ligue des Droits de l'Homme...

Un dossier intrigant avec plusieurs zones d'ombre 


Dans l'agenda 2009 / 2010 de ce militant basque répertorié comme tel par les services de police français et espagnols puisqu'il avait purgé plus de vingt ans de prison en Espagne dans les années 80 avant de s'installer en France en 2005, subsiste des pages vides. Accompagnée par deux autres femmes de la famille, Maïxo Pascassio compagne de Jon Anza, venue spécialement d'Urugne à Toulouse mercredi, a expliqué :

"On attend des réponses de la justice française et on a strictement rien. Dans quelles circonstances est-il mort ? On a besoin de savoir pourquoi il y a eu des dysfonctionnements depuis le début de l'enquête. On veut que lumière soit faite pour faire notre deuil."







En 12 jours, qu’est-il arrivé à Jon Anza entre le 18 avril 2009, date où il est aperçu pour la dernière fois en gare de Bayonne et le 30 avril 2009, où l’homme est transporté inconscient par les pompiers de Toulouse au CHU de Purpan ? 

En 10 mois, pourquoi malgré plusieurs signalements simultanés de l’hôpital de Toulouse et de la famille à Bayonne, aucun lien n’est fait entre cet homme non identifié et les services des disparitions inquiétantes ? Les polices françaises et espagnoles ne suivent-elles pas de près les membres présumés de l’ETA ?

Maïxo Pascassio ajoute : "Jon pourrait être mort de ne pas avoir pris son traitement mais il reste une inconnue entre ces 12 jours entre Bayonne et Toulouse où on a aucune trace de lui." Le collectif Jon Anza a saisi les ministères de la justice français et espagnols successifs depuis 2010 et jamais aucune réponse ne leur est parvenue. "Nous apprenions certains éléments d'enquête par la presse espagnole (...) Notre espoir est né quand le juge d'instruction a été nommé, maintenant il est vain."

"Un simulacre d'enquête", selon la famille et son avocat

Pour Maître Julien Brel, leur avocat toulousain, ses clients ne peuvent se satisfaire de l'ordonnance de clôture. "La procureure de Bayonne avait indiqué que les dysfonctionnements dans ce dossier étaient des facteurs de soupçons et d'interrogations. Ces trois années d'instruction n'auront pas apporté grand chose de plus à la famille. La recherche de la vérité est difficile sur un corps ayant séjourné 10 mois à la morgue. Quand l'autopsie a été demandée, le corps du défunt était en mauvais état et les analyses toxiques sur les cheveux n'étaient pas réalisables, ni les analyses de présence de toxines."  
Au moment de son hospitalisation à Purpan en mai 2009, des analyses de sang de Jon Anza avait révélées la présence de calmants, d'après l'avocat. "Dix mois après, il n'y a pas de réponse médicale dans le dossier", conclut-il. "Le personnel de l'hôpital Purpan a été diligent", signalant dès le début la présence de cet homme à l'identité inconnu afin que des recherches soient entreprises. Maître Brel poursuit : "Aucun acte d'enquête n'a été établi à Toulouse, après cette disparition, aucun avis de recherche n'a été publié dans aucun journal. J'ai demandé au juge d'instruction l'audition du capitaine de police de Bayonne, Mr Aycobérry et j'ai essuyé un refus. J'ai fait une requête auprès du Procureur de la République de Toulouse en charge des affaires civiles et ma demande a été refusée".

Deux dossiers d'instruction sur Jon Anza étaient ouverts 

  • Suite à des perquisitions, la juge anti-terroriste Levert, a ouvert une instruction sur le militant basque proche de l'ETA, le 26 mars 2003. Ses empreintes seront retrouvées en 2008 dans une cache à Saint-Pée-sur-Nivelle (64).
  • Le 18 mars 2010, le parquet de Bayonne confie à la juge d'instruction de Toulouse Myriam Viargues, l'enquête sur la mort de Jon Anza.
Maître Brel a fait une demande pour que la jonction de ces deux dossiers soit faite et que les familles aient accès à des informations complémentaires, sans succès. "La justice française a aussi rejeté un complément d'information sur ces armes de gardes espagnols retrouvés dans un hôtel toulousain" (quotidien espagnol "El Mundo" 15 mars 2010) au moment où Jon Anza devait remettre une importante somme d'argent à un membre présumé de l'ETA à Toulouse et lorsque sa famille a perdu sa trace au printemps 2009. Toujours selon le conseil de la famille, "On a privilégié la mort naturelle sans écarter toutes les hypothèses. A ma connaissance, que l'organisation séparatiste basque ETA fasse un communiqué, le 18 mai 2009, pour indiquer la disparition d'un de ses membres étaient une première dans l'histoire de ce groupe".

"Un milant basque, connu des autorités, ne fait l'objet d'aucune surveillance, c'est une fable" : maître Julien Brel, avocat de le famille.


Un "traitement inégalitaire et inéquitable" selon la ligue des Droits de l'Homme

"Lorsqu'une personne disparaît dans les rues de Toulouse, on la cherche", a exposé maître Pascal Nakache, président de la section toulousaine de la ligue des Droits de l'Homme. Il a fait référence à l'affaire Suzanne Viguier. "Le fait d'être ou d'avoir été un membre de l'ETA ne justifie pas que toutes les investigations ne soient pas faites sur les circonstances de son décès. Il y a trop de zones d'ombres et de suspicions. Sans parti pris de mort naturelle ou d'assassinat, on le cherche partout sauf là où il est. Donc l'instruction devait être menée de la façon la plus irréprochable possible afin que tous les doutes soient levés. Trois ans après l'ouverture tardive de l'instruction, des questions restent sans réponse. C'est inéquitable, insupportable, inégalitaire. La Ligue des Droits de l'Homme demande à la justice qu'elle fasse son travail et la manifestation de la vérité".

Si l'appel n'aboutit pas, la famille pourrait se pourvoir en cassation. La réponse de la chambre d'instruction de la cour d'appel devrait tomber d'ici fin 2013.

Voyez le reportage d'Anouchka Flieller et Olivier Denoun :


L'historique de l'affaire Jon Anza
18 avril 2009 : Jon Anza est vu pour la dernière fois vivant en gare de Bayonne
29 avril 2009 : Jon Anza est retrouvé inconscient boulevard de Strasbourg à Toulouse. Non identifié il est accueilli à Purpan.
30 avril 2009 : Un signalement est fait aux services de police par l’hôpital
04 mai 2009 : Un second signalement est effectué auprès du procureur de la république
07 mai 2009 : Autre signalement à auprès de l’office central chargé des disparitions inquiétantes. L’existence du billet Bayonne/ Toulouse est mentionnée.
11 mai 2009 : Jon Anza décède et son corps est entreposé à la morgue de Purpan
15 mai 2009 : La famille de Jon Anza saisie la police judiciaire française suite à la disparition de Jon Anza. Le parquet de Bayonne prend l’affaire en charge.
16 mai 2009 : Sa disparition est rendue publique par sa compagne
18 mai 2009 Communiqué de l’ETA expliquant que Jon Anza fait partie de son organisation, qu’il était porteur d’une grosse somme d’argent et qu’il n’est jamais arrivé à son lieu de rendez-vous.
20 mai 2009 : 4 gardes civils espagnols qui se trouvaient à Toulouse quittent précipitamment leur chambre de l’hôtel Adagio. Ils ont oublié deux armes de service sur place. L’affaire sera révélé par « El Mundo » le 15 mars 2010
L’hôpital Purpan est interrogé sur la possible présence de Jon Anza dans ses murs. Pas de traces
02 octobre 2009 : Le journal Basque Gara écrit que Jon Anza a été intercepté en France par une équipe de la police espagnole qui l’a interrogé. Il serait mort durant l’interrogatoire.
Début février 2010 : Un juge d’instruction est saisi en Espagne
17 février 2010 : Le parquet de Bayonne est officiellement prévenu de la disparition des armes des gardes civils
11 mars 2010 : Le corps de Jon Anza est enfin identifié.
15 mars 2010 : Autopsie du corps de Jon Anza
« El Mundo » révèle le départ précipité des gardes civils espagnols le 18 mai 2009
18 mars 2010 : Le dossier est transféré du parquet de Bayonne à celui de Toulouse où le corps a été retrouvé.
23 juillet 2010 : Le corps de Jon Anza est rendu à sa famille à Ciboure
02 novembre 2011 : Sa famille et de nombreuses associations se réunissent pour demander que toute la lumière soit faite. Une manifestation réunissant plusieurs dizaines de personnes sous le drapeau basque a lieu à Ciboure .
avril 2012 : Le collectif Jon Anza réclame une enquête parlementaire.
30 mai 2012 : Deux mois après l'ouverture de l'enquête a Toulouse, la famille de Jon Anza est reçue à Toulouse par la juge d’instruction en charge de l’affaire, Myriam Viargues. La magistrate devrait communiquer à la famille l’état d’avancée de l’enquête. Ce sera la première fois depuis trois ans qu’un membre de l’institution judiciaire reçoit la famille pour faire le point sur une enquête qui jusque-là semblait au point mort.
28 juin 2013 : La juge d'instruction toulousaine s'est prononcée à la fin juin pour le classement sans suite de l'enquête sur les circonstances mystérieuses de la mort du militant de l'ETA Jon Anza.
17 juillet 2013 : Conférence de presse de la famille de Jon Anza en compagnie des avocats au siège de Toulouse de la ligue des Droits de l’Homme.
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