Depuis septembre, un arrêté impose le confinement des volailles pour lutter contre la grippe aviaire. Même si elles sont élevées en plein air. Craignant pour la fin de ce mode d'élevage et la suprématie de l'élevage industriel, des éleveurs ont manifesté jeudi 9 décembre à Toulouse.
Objectif : "sauver l'élevage de volailles en plein-air." Une soixantaine d'éleveurs ont répondu à l'appel à manifester de la Confédération paysanne, l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées et le collectif de Lescout, ce jeudi 9 décembre à Toulouse.
Dans les rangs de la manifestation, Sylvie Colas, porte-parole de la Confédération paysanne du Gers et référente grippe aviaire pour la confédération nationale. "On est là pour défendre l'élevage paysan plein air", déclare-t-elle, "contre ces modèles industriels qui se développent partout et qui continuent à faire le rouleau compresseur face à nos petits élevages".
Le cortège de la manifestation est arrivé vers midi devant la DRAAF (Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt). Une délégation a été reçue pat la directrice adjointe de la DRAAF, qui dit avoir entendu leurs revendications. Ce que les éleveurs exigent : "l'arrêt de la claustration obligatoire des volailles et une politique sanitaire adaptée à l’élevage paysan plein air", écrivent la Confédération paysanne et France Nature Environnement (FNE) Midi-Pyrénées dans un communiqué commun.
Éviter les clusters de grippe aviaire
C'est l'arrêté du 29 septembre 2021, relatif aux "mesures de biosécurité [...] dans le cadre de la prévention des maladies animales transmissibles aux animaux ou aux êtres humains"; qui fait grincer des dents les éleveurs de plein air. Il rend notamment obligatoire la mise à l'abri des volailles en période à risque de grippe aviaire.
Par cet arrêté, le gouvernement veut éviter le ravage de l'hiver dernier, lorsque la progression de l'influenza aviaire n'a pu être enrayée qu'au prix de l'abattage. Entre décembre 2020 et mai, près de 500 élevages avaient été contaminés et environ 3,5 millions de volailles, en priorité des canards, avaient dû être éliminés. Le Sud-Ouest avait durement été touché.
Déjà, les élevages en plein air avaient eu l'obligation de parquer leurs animaux dans des bâtiments. Mais des dérogations existaient, prévues par un arrêté de 2016 : les élevages de moins de 3 200 têtes n'étaient pas soumis à la claustration.
Confinement systématique pour tous les élevages
Or, l'arrêté du 29 septembre 2021 abroge celui de 2016. Désormais, lorsque la France se déclare en période de risque de grippe aviaire, tous les éleveurs, même plein air, doivent claustrer leurs volailles. Et, depuis le 4 novembre 2021, l'ensemble du territoire métropolitain est passé en risque grippe aviaire "élevé".
C'est là que le bât blesse.
"La nouvelle réglementation sur la grippe aviaire impose aux éleveurs·euses plein air d’enfermer leurs volailles une grande partie de l’année, en totale contradiction avec le sens de leur travail, le bien-être animal et l’accès à une alimentation locale et de qualité pour tous·tes", déplorent la Confédération paysanne et FNE Midi-Pyrénées.
Dans le Gers, par exemple, avec la levée tardive des restrictions en juin dernier, certains animaux n'ont pu sortir que quatre mois sur toute l'année 2021.
Le bâtiment, c'est de l'industrialisation et de la maltraitance sur les animaux.
Sylvie Colas, porte-parole de la Confédération paysanne du Gers et référente grippe aviaire
Plusieurs éleveurs alertent par ailleurs sur les longs mois de confinement de leurs volailles, qui n'ont pas l'habitude d'être enfermées. "Ça va être des poules qui vont se piquer entre elles et il va y avoir une chute de ponte. Donc, en terme de chiffre d'affaires, on ne va plus s'y retrouver", nous confiait le mois dernier David Desvernes, le secrétaire général de la Confédération paysanne du Gard
D'autant plus qu'"enfermer les volailles n'est pas la solution" pour lutter contre la grippe aviaire, affirme Sylvie Colas. Plusieurs foyers français du virus ont été détectés dans des élevages reproducteurs, "claustrés, au plus précis de la biosécurité". Et, pourtant, "la grippe aviaire est rentrée".
Le plein air contre la grippe aviaire
Elle accuse l'industrialisation des élevages qui "fragilise, transporte et concentre les animaux". Axelle Patoureau, éleveuse tarnaise aujourd'hui à la retraite, confirme : "À force de déplacer les animaux partout, on déplace les maladies".
"Cela fait trente ans que j'élève des volailles, de la naissance jusqu'à l'abattage, avec un respect des règles proportionnées à ma petite ferme", continue Sylvie Colas. "Je ne reçois pas d’autre animal vivant autre que mon poussin d’un jour. Je ne risque pas de propager la maladie." Pour elle, la seule solution est un retour aux dérogations pour les petits élevages.
Elle appelle à défendre le climat et l'agriculture de l'avenir, alors qu'à Lescout, dans le Tarn, l'extension d'un poulailler qui compte déjà plus de 200 000 poules pondeuses provoque depuis plusieurs mois la colère des habitants. Ces derniers, via le Collectif Lescout, sont venus grossir les rangs de la manifestation.
Sylvie Colas est catégorique : les nouvelles mesures gouvernementales de lutte contre la grippe aviaire "sont un prétexte pour casser notre modèle de production en plein air".
Le porte-parole de la Confédération paysanne nationale sera reçu par Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, la semaine prochaine.