"Il y a un peuple qui est là, il faut l'entendre" : 2 ans après, les Gilets Jaunes toujours mobilisés en Haute-Garonne

Deux ans jour pour jour après son lancement, que reste-t-il du mouvement des Gilets Jaunes ? Rencontre avec des Gilets jaunes de la première heure dans le Lauragais.

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"On n'a rien inventé. Simplement, on était hors-cadre. Les syndicats nous ont couru après, les politiques nous ont couru après. On a dit il y a un peuple qui existe, qui est là et il faut l'entendre."  Installé dans le Lauragais, à une quarantaine de kilomètres de Toulouse, Gabriel fait partie des Gilets jaunes de la première heure. Il a pris part dès les premières manifestations, il y a deux ans tout juste, à ce mouvement social inédit qui a surpris par son ampleur et sa longévité. Et au moment de l'anniversaire de cette mobilisation, il porte toujours son gilet. Comme ses amis Annie et André, rencontrés sur les ronds-points. Quel regard portent-ils aujourd'hui sur les Gilets Jaunes ? Ont-il le sentiment d'avoir été entendus ? Que reste-t-il de leur mouvement ? Et comment voient-ils la suite ?

Le sentiment d'une famille

Ce qui a été vécu a été tellement beau. Je pense que tout le monde l'a au fond de soi.

Gabriel

Ce que Gabriel, Annie et André disent avoir trouvé dans le mouvement, c'est avant tout "une solidarité".
"La galère on savait déjà qu'elle était là" dit Annie. Avec son mari, elle est d'abord allée manifester près de l'autoroute, à Mongiscard (31) puis sur un rond-point de Villefranche-de-Lauragais. Ils ont aussi pris part à bon nombre de manifestations du samedi, dans les rues de Toulouse.
Ce mouvement, "c'est une famille" explique Gabriel. "C'est une famille avec ses engueulades par moments et aussi avec des bons moments. On est encore là aujourd'hui et après ce qu'on a vécu, on ne peut pas s'arrêter là".
"Cela nous a apporté de la solidarité" renchérit André. "On se soutient. Si quelqu'un est en difficulté, on est prêt à l'aider" Il n'ignore pas, cependant, que le mouvement est aussi extrêmement clivant et dit avoir souvent essuyé des insultes, en tant que gilet jaune. "Au niveau national, il y a une grosse division. Beaucoup sont pour, beaucoup sont contre les Gilets jaunes."

La répression policière

Le problème, estiment-ils tous, c'est la répression policière et les violences qui ont émayé les manifestations. "Au début, il y avait du monde" dit Annie, "la répression était moindre. C'est après que ça a commencé avec les lacrymos, les répressions".

Je n'arrive pas à comprendre qu'on n'ait pas le droit, sur la voie publique, d'exprimer ce qui ne va pas.

Annie

Le nouveau confinement, les attestations de sortie et la peur d'une amende ont dissuadé Annie et André de se rendre au centre ville de Villefranche où une poignée d'irréductibles a décidé de se réunir ce lundi 16 novembre, pour célébrer avec un jour d'avance le début de leur engagement dans le mouvement. Parmi eux, ce jeune homme qui préfère rester anonyme, fait part de sa tristesse. "On pense à tous nos camarades qui ont perdu un oeil ou perdu une main, avec tous ces regrets de voir un mouvement qui était pacifiste au départ et qui finalement a été radicalisé par des forces de police radicalisées qui ont fait mal tourner les choses."

Cela a été dur de voir un mouvement citoyen, des familles, des enfants, des parents, manifester pour mieux vivre, pour garantir nos droits sociaux, pour conserver les services publics se voir finalement écraser par les matraques de la police. 

Des regrets aussi sur le bilan du mouvement

Pour lui, les gilets jaunes " ce sont un peu les canaris de la mine. Ils ont essuyé le libéralisme pendant des années et des années."
 

On s'est levé contre une taxe sur le carburant mais bien vite, on s'est aperçu que ça allait servir à financer le CICE. Les gens allaient travailler et n'arrivaient même pas à finir leur mois et à remplir leur frigo. Ils en avaient ras la casquette. On a réussi à faire reculer cette mesure mais finalement, on n'a pas gagné grand chose car derrière était venue la question du référendum d'initiative citoyenne et malheureusement, ça n'a pas été entendu par le gouvernement. Sans parler de la fin des privilèges de tout le personnel politique qui existent encore sans qu'on puisse, nous les citoyens, les contrôler.

Un gilet jaune rencontré à Villefranche-de-Lauragais

"On ne lâche rien"

Pourtant dit-il, "le mouvement continue. Entre nous, on s'aide. Il est possible qu'émerge autre chose, peut-être plus avec un gilet jaune et peut-être aussi avec un autre niveau de violence." A ses côtés, Philippe estime lui que le combat se joue déjà sous une nouvelle forme. "C'est une guerre numérique, ça se passe sur les réseaux sociaux" dit-il. "On ne peut plus le faire vivre physiquement à cause de la répression, des amendes, de la matraque, en quelque sorte."
André, lui, est prêt à repartir manifester. "On ne lâche toujours rien" dit-il. "Si le confinement et la crise sanitaire s'arrêtent, c'est sûr qu'on part à la manif. On continue à demander plus d'égalité pour tout le monde, que tout le monde puisse vivre honnêtement sans avoir besoin d'aide". 
"Cela peut redémarrer" estime aussi Gabriel. "Ce n'est pas ce que je souhaite, que ça redémarre en plus gros mais pour moi c'est une nécessité. A un moment donné, il faut qu'ils nous entendent."

Voir ici le reportage de Marie Martin et Thierry Villéger :

Un réseau susceptible de se remobiliser

Deux chercheuses leur donnent raison à tous. Magali Della Sudda, chargée de recherche au CNRS et Emmanuelle Reungoat, maîtresse de conférence en sciences politiques à l'université de Montpellier, ont étudié le mouvement des "Gilets jaunes". Elles estiment que si la mobilisation a d'abord "réenchanté l'action collective", elle a aussi forgé des "réseaux politiques forts, susceptibles de se remobiliser".
"Ce n'est pas forcément dans les institutions que les Gilets jaunes se projettent mais dans des réalisations communes" explique Magali Della Sudda. "Certains demandent toujours le référendum d'initiative citoyenne (RIC), d'autres se sont désengagés mais restent investis sur les réseaux sociaux. C'est un classique de la sociologie des mobilisations : elles naissent, entrent en veille voire déclinent. Les personnes font autre chose mais ces réseaux sont dormants, on ne peut pas prévoir sous quelle forme mais sans trop se tromper, on peut prédire que ces réseaux se réactiveront."

 
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