Le groupe aéronautique européen Airbus a été placé vendredi sous le statut de témoin assisté à l'issue d'une audition par les juges d'instruction enquêtant sur l'affaire de corruption présumée du "Kazakhgate".
"Airbus a été placé sous le statut de témoin assisté dans le cadre d'une procédure en pleine coopération avec la justice française à la suite d'une audition d'un de ses représentants", a indiqué à l'AFP un porte-parole du groupe sans mentionner l'enquête.
Selon une source proche du dossier, Airbus était convoqué en vue de son placement sous ce statut, intermédiaire entre témoin et mis en examen, dans le cadre de l'enquête du "Kazakhgate" portant sur des soupçons de corruption en marge de contrats commerciaux conclus entre la France et le Kazakhstan sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Cette audition du groupe est intervenue "à la demande des juges d'instruction suite aux enquêtes internes que mène Airbus", a précisé le groupe. Airbus est sous le coup de plusieurs enquêtes anti-corruption en Europe et notamment d'une procédure franco-britannique portant sur des ventes
d'avions civils.
Face aux turbulences judiciaires, le groupe a engagé une opération mains propres en interne et manifesté sa volonté de coopérer.
Dans l'enquête du Kazakhgate, ouverte en mars 2013, notamment pour "corruption d'agents publics étrangers", les juges cherchent à établir si la signature des contrats a donné lieu à des versements de commissions illégales à des intermédiaires.
En octobre 2010, Paris et Astana avaient annoncé un accord pour la fourniture de 45 hélicoptères EC 145 fabriqués par Eurocopter, devenu Airbus
Helicopters, un centre de satellites d'Astrium (ex-EADS devenu Airbus group) et 295 locomotives Alstom. Montant total des contrats ensuite finalisés: environ deux milliards d'euros, selon des médias.
Selon Mediapart, lors d'une perquisition en février 2016 dans les locaux d'Airbus à Suresnes (Hauts-de-Seine), les enquêteurs avaient retrouvé la trace d'un versement suspect de 8,8 millions d'euros à une société liée à un partenaire d'affaires d'Airbus, dans le cadre d'une vente de satellites au Kazakhstan.
L'audition du groupe intervient après celles de son patron Tom Enders et de deux autres hauts responsables, entendus en octobre comme simple témoins par les policiers anticorruption (Oclciff).
En parallèle, l'affaire comporte un volet politique, le plus avancé à ce stade.
Les enquêteurs soupçonnent une équipe proche de l'Élysée de s'être activée pendant le mandat de M. Sarkozy pour influencer des responsables politiques en Belgique afin de faire passer une loi en faveur de Patokh Chodiev, un oligarque kazakh alors mêlé à une affaire de corruption en Belgique et proche du président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev, et de deux associés. A cette même époque, Paris voulait soigner ses relations avec Astana pour conclure des contrats commerciaux.
L'Elysée, comme l'avait admis Claude Guéant en 2017 devant une commission d'enquête parlementaire belge, était intervenu pour aider ce trio à constituer sa défense.
Mais l'ex-ministre, récemment placé en garde à vue dans ce dossier, a assuré que Paris n'avait pas tenté d'"infléchir la loi belge".
Cinq protagonistes ont été mis en examen, notamment pour corruption active d'agent public étranger, dont l'avocate française de Patokh Chodiev, Catherine Degoul, un ancien conseiller à l'Elysée, Jean-François Etienne des Rosaies, et l'ex-sénateur Aymeri de Montesquiou. L'ex-ministre belge Armand De Decker qui avait rejoint le pool d'avocats des Kazakhs a lui été inculpé pour "trafic d'influence" en Belgique.