A l'issue de la première journée d'audience du troisième procès AZF devant la Cour d'appel de Paris, avocats de la défense comme des parties civiles se sont retrouvés pour dénoncer des conditions de déroulement du procès indignes d'une affaire hors-normes.
Tout avait (presque) bien commencé. Dès le premier jour d'une courte audience du troisième procès AZF mardi après-midi devant la Cour d'appel de Paris, avocats de la défense et des parties civiles ont poliment ferraillé sur des points de procédure ou l'ordre de passage des témoins et experts. Mais à la fin de l'audience, ils sont tous tombés d'accord sur un point : les mauvaises conditions dans lesquelles débute le procès.
"On n'est pas au karaoké"
Alors que la présidente allait libérer tout le monde et convoquer les parties à la deuxième séance prévue ce mercredi après-midi, c'est Maître Jacques Monferran, avocat toulousain membre de l'équipe des défenseurs des prévenus, qui s'emporte : "Madame la présidente, il n'y a pas assez de micros dans la salle. Un micro pour trois ou pour quatre, il faut que nous nous le passions pour parler, on n'est pas au karaoké".Il est immédiatement rejoint sur ce sujet par son confrère Maître Alain Lévy, avocat, lui, de parties civiles : "Les conditions sont inacceptables. Il manque des tables, des micros, les experts judiciaires n'ont même pas de tables pour s'installer. Cela peut avoir une incidence sur les débats et pose la questions des moyens de la justice".
Vous ne serez pas tous là tout le temps !
Réponse ferme de la présidente : les avocats ne seront pas tous là tous les jours ! "Je sais bien que les premiers jours il y a beaucoup d'avocats et de journalistes et puis au fil des audiences, vous êtes moins nombreux".
Un décalage avec les deux premiers procès
Il faut bien reconnaître que la justice a sans doute minimiser l'ampleur du procès. Contrairement aux deux premières éditions en 2009 et 2012 à Toulouse, salle Jean Mermoz, les conditions de déroulement de l'audience ne sont pas comparables. A Toulouse, toutes les parties (et même la presse) étaient confortablement installées. Tout le monde avait une table pour travailler et déposer ses dossiers ou son ordinateur.A Paris, certains avocats étaient mardi assis avec leurs dossiers sur les genoux ! La salle est prestigieuse : l'une des salles historiques du palais de justice de Paris. Mais sans doute peu adaptée à un procès avec 3000 parties civiles représentées.
"La justice a sous-estimé l'ampleur du procès, estime Maître Stella Bisseuil, avocate de l'association des familles endeuillées. On aurait pu installer une grande salle d'audience dans un des halls du palais, avec toutes les conditions techniques dues à une affaire de catastrophe collective comme celle-ci. Et ce n'est pas une question de moyens : à Toulouse, pour les deux premiers procès, la justice a montré qu'elle pouvait mettre les moyens".
Le respect que l'on doit aux victimes
Son collègue Maître Thierry Carrère poursuit : "Pour les victimes, c'est une triple catastrophe : industrielle le jour de l'explosion, judiciaire avec la cassation du deuxième procès et politique quand la garde des Sceaux Christiane Taubira a promis aux victimes que le procès pourrait se tenir à Toulouse avant de prendre la décision de regrouper les affaires collectives à Paris et Marseille ! Alors n'ajoutons pas, au nom du respect que l'on doit aux victimes, la tenue d'un procès dans un lieu qui n'est pas adapté à cela. La justice doit être exemplaire. Il faut faire des efforts".
La retransmission à Toulouse... catastrophique
S'ajoute à cette situation, les conditions dans lesquelles les parties civiles qui ne sont pas à Paris peuvent suivre le procès à Toulouse. Au premier jour, la retransmission sur écran au centre de congrès Pierre Baudis s'est révélée de très mauvaise qualité technique : problème d'image, problème de son (en raison du manque de micro dans la salle parisienne) et aussi de réalisation, les "spectateurs" ne voyant pas qui prend la parole.Des efforts promis par la Cour d'appel de Paris
En fin d'après-midi, la Cour d'appel de Paris a tenté de désamorcer la colère des avocats : d'autres micros vont être installés et peut-être des tables pour tous les avocats.Quant à la retransmission à Toulouse, au Palais de justice de Paris on se souvient de l'autre expérience de ce type, pour le procès de l'affaire des surirradiés de l'hôpital d'Epinal. L'audience avait alors été retransmise dans une salle du tribunal d'Epinal. Mais le nombre de parties civiles était bien moindre.