Deuxième et dernière journée de réquisitions, dans le 3ème procès AZF. En ligne de mire : l'industriel, ses fautes, sa responsabilité...
Mercredi déjà, l'avocat général Stéphane Chassard l'avait dit rapidement : tout nous ramène au hangar 221, le reste n'est rien.
La première journée des réquisitions ayant eu pour tâche d'écarter définitivement toutes les autres hypothèses, nous voici au coeur du dossier, au coeur de l'instruction, au coeur de l'accusation : l'accident chimique et donc, par conséquent, la responsabilité de l'industriel.
L'avocat général Jean-Christophe Crocq s'adresse directement à la présidente : "On ne répare pas les corps comme on répare un appartement mais on peut rendre justice aux victimes. Il faut rétablir le lien entre les prévenus enfermés dans une stratégie de défense bruyante orchestrée par Total et la communauté qu'ils ont blessée".
L'avocat général est très clair : il se donne pour mission de lever le "doute déraisonnable" qui a saisi le tribunal correctionnel de Toulouse en 2009 (le tribunal a relaxé les prévenus, faute de preuve matérielle, et ce, malgré un argumentaire très sévère pour les prévenus, NDLR).
Pas question, donc, selon Jean-Christophe Crocq, de faiblir. La défense a assez dit, selon lui, que l'affaire était tordue, vrillée. L'avocat général en est d'accord, les raisons ne sont sans doute pas les mêmes pour lui que pour les prévenus mais il a confiance et le dit à la cour : "Vous serez bon forgeron, nous n'en doutons pas".
Grande Paroisse et l'usine AZF avaient, règlementairement, obligation de prévention des risques. Un arrêté préfectoral en date du 18 octobre 2000 interdisait absolument la contamination du nitrate d'ammonium. La condition de pureté du produit n'a pas été respectée. Premier feu rouge franchi par l'industriel, indique l'avocat général. La défense a souvent dit que l'arrêté était caduque, au vu des évolutions technologiques. La preuve que non, oppose l'avocat général, il y a eu l'explosion du hangar 221. "La contestation des prescriptions de cet arrêté-type est un criant aveu de faiblesse de la part de l'industriel".
"Il n'y a pas de hasard juridique, comme le dit la défense", poursuit Jean-Christophe Crocq, "il y a des normes, il faut les respecter, c'est un sujet grave".
Les installations devaient être construites, exploitées et entretenues en vue d'éviter les accidents majeurs. "Nous demandons la reconnaissance de faute lourde, c'est tout votre pouvoir, et c'est tout votre devoir", conclut sur ce point l'avocat général, toujours s'adressant à la cour d'appel de Paris.
Le doute raisonnable a ses limites, au-delà, il devient déraisonnable, poursuit Jean-Christophe Crocq. L'avocat général s'interroge : "Comment expliquer la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel de Toulouse ? Alors qu'il y a, en premier lieu, infraction au code du travail ? Alors qu'il y a dissimulation de preuves ?
Nous avons un devoir de justice, pour rétablir les victimes dans leurs droits. La vérité est réclamée par les parties, y compris les prévenus qui, la main sur le coeur et les larmes aux yeux, viennent nous dire qu'ils ne savent toujours pas ce qui s'est passé. Il y a eu maltraitance juridique de ce dossier..."