20 ans après la mort de Canelle, la population d'ours dans les Pyrénées se porte bien. Du moins en terme quantitatif. 83 individus en 2023 selon un rapport annuel du réseau Ours brun qui assure un suivi de l'espèce dans les Pyrénées françaises. Pourtant une association alerte sur un danger qui menace selon elle la survie de l'espèce. La consanguinité.
Il y a 20 ans, le 1er novembre 2004 disparaissait Canelle. La dernière ourse de souche pyrénéenne tuée par un chasseur dans la vallée d'Aspe. Naturalisée, elle est aujourd'hui visible au Museum d'histoire naturelle de Toulouse.
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L'association Pays de l'ours-Adet, milite pour que cet ours brun ne devienne pas un vestige d'une population disparue dans les Pyrénées. Pourtant selon une étude menée par l'association à partir de travaux de l'Office français de biodiversité une lourde menace pèse sur la survie à long terme de l'espèce.
Un taux de consanguinité élevé
Une inquiétude qui peut surprendre alors que selon un rapport du réseau ours brun, la population d'ours se porte bien dans les Pyrénnées avec 83 individus recensés en 2023. Un long chemin de réintroduction de l'espèce entamé en 1996 avec un premier lâcher d'ours suivi de 10 autres par la suite.
Mais selon l'association Pays de l'ours-Adet la population est en danger. Alain Reynes, son directeur met en garde. "Tout le monde regarde la courbe démographique. Mais cela ne suffit pas à pouvoir dire que tout va bien ! C'est vrai que d'un point de vue quantitatif, la situation s'améliore. Mais d'un point de vue qualitatif cela se dégrade".
L'association a travaillé sur un arbre généalogique qui a mis en évidence que 90% des ours sont les descendants de deux femelles : Mellba et Hvala. Le taux de consanguinité de la population est évalué à 15 à 20 %.
"Les 20% seront dépassés d'ici 2031. Nous avons travaillé à partir d'études de l'OFB de 2019 que nous avons complétées. Pyros qui a disparu en 2013 a été l'unique reproducteur en tant que mâle dominant. Puis ses fils. Les deux autres mâles réintroduits qui apportaient un patrimoine génétique nouveau ont disparu et leur descendance aussi. Dans une population sauvage en bonne santé, le taux de consanguinité se situe entre 0 et 5%. Il y a un déni face à cela. Le problème est occulté, n'est pas traité".
De nouveaux lâchers d'ours ?
Pour Alain Reynes à long terme cela pourrait entraîner la disparition de l'ours dans les Pyrénées. " Si les individus se reproduisent entre eux, la consanguinité entraîne une sensibilité face aux maladies, des malformations, une baisse des performances de reproductions, du nombre de petits par portée. Et aujourd'hui il n'y a pas de scénario possible de recul du problème sans réintroduire de nouveaux ours", estime Alain Reynes.
Une annonce, une proposition qui fait bondir le monde agricole dans un secteur où nombre d'éleveurs dénoncent une cohabitation impossible avec l'ours.
"La douleur et les difficultés des éleveurs"
Philippe Lacube, le président de la chambre d'agriculture de l'Ariège, n'y va pas par quatre chemins. "C'est quand même fort de café de parler de nouveaux lâchers d'ours alors qu'il y en a une centaine aujourd'hui dans nos montagnes, alors que la population ne cesse de croître. On ne peut pas ignorer la douleur et les difficultés des éleveurs. Si quiconque prenait cette décision je peux vous garantir que la montagne serait en feu et d'autant plus dans ce contexte de révolte agricole! ", nous confie-t-il.
Pour ce responsable agricole, le prix à payer par les éleveurs et les populations de la montagne est bien trop lourd. "95% des ours sont concentrés en Ariège et dans le Couserans. Il y a des secteurs entiers d'estives que les éleveurs ont abandonné. Des secteurs trop éloignés des lieux où l'on peut regrouper les brebis. Et ça devient des friches! Et puis, c'est sûr que des ours il y a en a un certain nombre qui n'ont pas été typés génétiquement et dont on ignore l'existence".
Difficile donc d'éviter la polémique lorsqu'on parle de l'ours des Pyrénées. "Le débat aujourd'hui n'est pas pour ou contre l'ours. Mais il y a une obligation légale de réintroduction de l'espèce dans les Pyrénées. Plus on attend sans réagir, plus les lâchers devront être importants. Si on ne fait rien, 40 ans de travail n'auront servi à rien", avertit Alain Reynes.
L'association Pays de l'ours-Adet souhaite alerter et admet que son étude n'a pas été validée par l'OFB mais "pas contredite non plus".