Le tableau attribué au Caravage et retrouvé dans un grenier à Toulouse a été présenté ce jeudi à Londres après deux ans de restauration. L'occasion pour un expert de défendre sa thèse : c'est bien l'oeuvre du grand maître italien. Elle sera mise aux enchères le 27 juin à Toulouse.
Le tableau retrouvé dans la sous-pente d'un grenier de Toulouse a bien été peint de la main du Caravage, dont il constitue une oeuvre "majeure".
L'expert français Eric Turquin s'est, à l'occasion de la présentation de la toile à la galerie Colnaghi à Londres, ce jeudi, montré formel, avant sa mise aux enchères à la Halle aux Grains de Toulouse le 27 juin à 18:00.
Les enchères démarreront à 30 millions d'euros
Les enchères de cette oeuvre, estimée à une valeur entre 100 et 150 millions d'euros, démarreront à 30 millions d'euros, a indiqué à France 3 Midi-Pyrénées le commissaire-priseur toulousain Maître Marc Labarbe dont l'office a ouvert ce jeudi un site consacré aux expertises et à la vente du tableau."Il y a des changements entre ce que nous voyons et ce que la radio nous indique, ce qui prouve que cette image est dans un processus de création, avec des changements, avec des variations. C'est la preuve que c'est un original. Un imitateur copie ce qu'il voit. Ici, il y a une création, il y a des variations", a notamment déclaré Eric Turquin.
"Nous savions qu'il y aurait des débats, nous savions que le Caravage est un artiste très difficile pour tous les historiens de l'art", a souligné l'expert. "Je ne voulais pas mettre ma réputation en péril. C'est pour ça qu'on a attendu deux ans" avant de le montrer, a-t-il ajouté.
"C'est un moment très important dans l'oeuvre du Caravage parce que c'est là qu'il quitte Rome et qu'il développe vraiment un nouveau style de peinture, plus sombre, plus noir, plus tragique, plus dramatique, le style qui nous plaît", souligne encore Eric Turquin.
L'huile de 144 sur 173 cm, qui aurait été peinte en 1607, avait été retrouvée en 2014 dans un grenier humide à Toulouse, où elle avait été apparemment oubliée pendant plus de cent ans.
La découverte avait été qualifiée de "très importante" par le ministère français de la Culture.
L'existence de cette toile avait été documentée dans une série d'échanges épistolaires impliquant des princes et collectionneurs d'art désireux de l'acquérir il y a quatre siècles.
Mais l'attribution de toiles au grand maître du clair-obscur, mort à l'âge de 38 ans en 1610 après une vie agitée, est ardue du fait qu'il ne signait pas ses oeuvres et qu'il a souvent été copié.
Une autre toile "Judith et Holopherne" du Caravage de 1598 existe déjà, très différente de la peinture toulousaine.
Une valeur estimée entre 100 et 160 millions d'euros
Un autre expert mondialement reconnu du maître italien dont il a organisé plusieurs rétrospectives, Nicola Spinosa, avait affirmé en 2016 y voir aussi "un Caravage authentique"."Il est d'une qualité exceptionnelle et correspond à la plus grande période du peintre, autour de 1605, moment où il parvient le mieux à traduire en peinture le drame des hommes", avait-il ajouté.
Une conviction toutefois tempérée par d'autres connaisseurs de l'oeuvre du peintre, dont certains attribuent le tableau à Louis Finson, peintre flamand (1580-1617), contemporain du Caravage et qui l'a souvent copié.
La toile ne rejoindra en tout cas pas les collections françaises. Après l'avoir classée trésor national, empêchant sa vente à l'étranger jusqu'en novembre 2018, l'Etat français a laissé s'écouler le délai de trente mois au cours duquel il pouvait l'acquérir. Les propriétaires ont donc fait une nouvelle demande d'obtention d'un certificat d'exportation, qui a été automatiquement accordé.
Le manque de certitude sur l'authenticité ou la valeur marchande élevée de la toile, alors que le budget des musées nationaux est réduit, peut avoir joué dans la décision de l'Etat de ne pas se porter acquéreur.
Cette valeur a été réévaluée jeudi de 100 à 160 millions d'euros après avoir été dans un premier temps estimée à 120 millions d'euros.
Après sa présentation à Londres, New-York et Paris, elle sera donc mise aux enchères le 27 juin à la Halle aux Grains de Toulouse. A 18:00 heures, le moment le plus plus propice aux ventes internationales, avec des acheteurs potentiels en ligne aux quatre coins de la planète.