Souvenez-vous, c’était il y a 20 ans, à Toulouse. Le 21 septembre 2001, l’explosion du hangar 221 de l’usine AZF fait 31 morts et des milliers de blessés. Quels souvenirs les habitants gardent-ils de cette catastrophe industrielle, la pire d’après-guerre ? Témoignages. #AnniversaireexplosionAZF
Ils sont ouvriers, professeurs, commerçants, à la retraite, médecins, pompiers, élus. De tous âges. Et surtout, Toulousains. Le 21 septembre 2001, à 10h17, ils ont vécu l'explosion du hangar 221 de l'usine AZF, la plus grande catastrophe industrielle en France depuis la seconde Guerre Mondiale. Ils ont été marqués, choqués, indemnes ou blessés, sinistrés ou dans le deuil. Vingt ans plus tard, nous sommes allés à leur rencontre. Pour recueillir leurs paroles et souvenirs.
"Une impression de chaos"
"A l'époque, j'étais rue Alsace-Lorraine, je travaillais dans un magasin de prêt-à-porter de luxe", se souvient Claudine, rencontrée place du Capitole. "Et j'ai été surprise par le bruit, le bruit énorme. Au-dessus de ma tête, d'abord, et dans mes pieds ensuite. Je me demandais ce qu'il se passait et puis, les vitres ont commencé à tomber. De part et d'autre de la rue. Le souffle est entré dans le magasin parce que ce jour-là, j'avais laissé la porte ouverte. Je pense que sinon, nous aurions été blessés car nous avions de grandes vitres de plain-pied.
De son magasin, Claudine a vu des gens courir partout dans la rue. L'affolement était général. "Nous n'avons pas entendu les sirènes de la mairie, donc on ne savait pas ce qu'il se passait. Des gens affolés sont venus dans le magasin parce que les téléphones ne marchaient plus, mais le mien non plus. J'ai consolé une dame qui faisait une crise de nerfs. Et puis on a vu des flots de voitures qui quittaient Toulouse. C'était une impression de chaos, vraiment".
Ce qui m'a beaucoup frappée, et je m'en souviendrais toujours, c'est que quinze jours après, des gens ont défilé dans les rues. Des gens qui avaient été blessés. Ce qui m'a frappée, c'est leur dignité. Voyez, j'en tremble encore quand je vous en parle...
"Comme si c'était hier"
René, lui, ne travaillait pas ce jour-là et s'apprêtait à faire ses courses dans une grande surface de l'agglomération de Toulouse. "Je m'en souviens comme si c'était hier", explique René. "C'était un vendredi à 10h15, je venais juste de pénétrer dans le centre commercial Carrefour de Portet-sur-Garonne. Quatre ou cinq minutes après, il y a eu la détonation. Le faux-plafond a commencé à s'effondrer, il y avait beaucoup de poussière. À ce moment-là, on ne cherche pas à comprendre."
C'était dix jours après les attentats de New-York alors on a laissé les caddies tels quels, et on est parti.
Je suis rentré chez moi, j'ai appelé mon épouse qui tenait un magasin dans le centre-ville. Et elle, elle avait eu un autre son de cloche. Elle avait entendu que c'était la Fnac qui avait explosé. Tout le monde pensait que ça avait explosé de partout. En fait, on ne savait pas grand-chose".
"On pensait plus à un attentat qu'à un accident"
"C'était le matin, en fin de matinée, de mémoire. J'étais au travail, en formation, dans une salle complètement fermée et tout à coup, on a entendu un grand boum" se souvient Marc-Eric. "Moi, j'ai tout de suite cru que c'était le crash d'un avion d'Airbus, proche de notre site. On est tous sortis sur le parvis du centre et là, on a commencé à voir de la fumée, on ne savait pas ce qu'il se passait. Tous les réseaux des téléphones portables étaient bloqués. On avait entendu dire qu'il y avait eu plusieurs explosions dans Toulouse, et on pensait plus à un attentat qu'à un accident industriel.
Tout le monde est parti chercher ses enfants à l'école parce qu'on était tous très inquiets. Et puis, on a su qu'il s'agissait d'AZF, on a vu les premières images..."
"C'était l'horreur, la guerre..."
"Ce matin-là, je ne travaillais pas", raconte Patricia, blessée aux oreilles par l'explosion de l'usine AZF. "Je devais amener mon fils aîné au CHU de Rangueil et le petit n'avait pas école. Donc, tous les trois, nous montons dans la voiture, nous partons et arrivés au rond-point de Tisseo, au feu rouge, une forte détonation, une forte explosion qui a écrasé la voiture sur nous. C'était horrible. La peur, immense..."
Mon fils aîné nous a tout de suite évacués de la voiture. J'ai pris mon blouson pour en couvrir mon petit, pour ne pas qu'il respire cette poudre qui envahissait tout. Il y avait des gens prostrés, en sang, par terre. C'était l'horreur, la guerre, un paysage horrible...
"On a commencé à courir route d'Espagne, je me suis trouvée mal, mon fils m'a ramassée... Je voyais tous ces jeunes de Galliéni prostrés devant leur lycée. C'était horrible, mais il fallait avancer malgré tout, car nous avions cette peur au ventre. Le sang nous dégoulinait de partout. En arrivant à l'école des Oustalous, mon fils a eu une montée d'adrénaline et il est allé évacuer tous les bouts de chou affolés. C'était la panique totale..."
Pour Patricia, il s'agit là de souvenirs qui resteront à vie gravés dans les mémoires. "De toutes façons, on ne peut pas oublier car, chaque jour, matin et soir, on fait le même geste. Mettre et enlever nos appareils auditifs..."
Retrouvez l'ensemble des témoignages recueillis pour la série 20 ans de l'explosion de l'usine AZF.