Une semaine après la violente agression subie par une joggeuse dans un parc de Toulouse (Haute-Garonne), le SDF qui a fait fuir l'auteur des coups livre son témoignage pour France 3 Occitanie. Son intervention, qu'il considère normale, pourrait lui permettre de retrouver un logement grâce à l'aide de policiers.
Il a sauvé la vie d'une jeune joggeuse avec un énorme sang froid, mais c'est tout en pudeur qu'il accepte d'en parler. Serge a 58 ans, il est sans-abri depuis plusieurs années à Toulouse (Haute-Garonne). Depuis un an et demi, il vit dans sa tente aux jardins du Barry au sein du quartier de la Cartoucherie. On le rencontre à quelques centaines de mètres de là, dans une boulangerie où il passe ses après-midi.
Je veux l'attraper, mais il prend son sac et a le temps de se sauver"
Mardi 2 janvier, il est le premier à intervenir lorsqu'une jeune femme se fait violemment agresser physiquement et sexuellement par un homme en début d'après-midi. Armé d'un couteau, cet individu en situation irrégulière, avec une obligation de quitter le territoire, la menace et tente de la violer au fin fond de ces jardins. Serge comprend rapidement que quelque chose de grave se produit.
Tentative de viol sur une joggeuse dans un parc de Toulouse https://t.co/Qwa0elSaMD pic.twitter.com/p4BdsxkGDi
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"J'entends cette dame qui crie et je m'approche. Je la vois couchée avec un visage en sang, la lèvre explosée, avec un gars sur elle. Il y avait du sang au sol" décrit-il.
L'agresseur l'aperçoit rapidement. "Il s'éloigne de trois, quatre mètres. La victime a le temps de se lever, elle était dans un sale état" reprend ce sans-abri aux origines siciliennes. "Je veux attraper l'agresseur mais il prend son sac et a le temps de se sauver."
"La fierté, je n'en ai pas"
La jeune femme, traumatisée, reste sur place avec Serge. "Elle pleure et je sais qu'avec le choc, rien ne peut calmer sa douleur" reconnaît-il. Les secours et la police arrivent, et Serge leur raconte ce qu'il a vu. Malgré cet acte qui a fait fuir l'individu finalement arrêté 24 heures plus tard à Marseille (Bouches-du-Rhône), Serge ne s'en gargarise pas. "La fierté, je n'en ai pas, ça n'existe pas" lâche-t-il avec modestie.
Il tente de violer une joggeuse pour finalement se rendre aux forces de l'ordre 24 heures plus tard https://t.co/tcJ6xViGbW pic.twitter.com/oCB6xQRTw0
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Un sentiment qui s'explique sûrement par un parcours de vie difficile, avec notamment "une tragédie personnelle et familiale" au début des années 2000 "qui l'empêche" d'être mobile. "Je n'ai pas pu remonter une pente qui était trop glissante pour moi" estime-t-il aujourd'hui.
Après des études en Grande-Bretagne, il enchaîne plusieurs boulots dans différents secteurs comme l'administration, l'Éducation Nationale ou l'informatique. Marié puis divorcé, il est père de trois enfants "qui ont la vingtaine aujourd'hui". Il a appris la mort de sa mère il y a quelques semaines, "sans savoir qu'elle était malade".
"Je me suis mis à un endroit où l'on ne me voit pas"
Sa santé ne l'aide pas non plus, avec un cancer de la thyroïde à 28 ans et des gros soucis aux os. "Je ne me plains pas : quand je suis malade, j'attends que ça passe" encaisse-t-il.
Aujourd'hui, ce SDF préfère vivre à l'abri des regards sans exposer son visage. "Je me suis débrouillé pour avoir des hébergements, je donnais des coups de main à droite à gauche. Je me suis mis à un endroit où l'on ne me voit pas. On ne sait pas que j'existe, c'est ma nature car je ne vois plus ce que j'ai à apporter à cette société" juge-t-il. Son quotidien est simple. "Je viens ici (dans la boulangerie), je prends mon café. Je me laisse porter par le temps. Je lave mon linge, je trouve à manger" liste-t-il.
Son comportement salvateur le 2 janvier pourrait lui permettre de profiter d'un meilleur confort. Un syndicat de police, dont certains membres sont intervenus lors de l'agression, souhaite lui prêter main forte et l'accompagner pour qu'il trouve un logement. Certains officiers sont même passés à la boulangerie pour le revoir et en discuter avec lui.
"Ils ont vu que ma situation n'était pas terrible. Je leur ai dit que j'étais d'accord pour me faire aider" indique Serge. Il attend désormais des nouvelles de leur part, même s'il tiendra toujours à conserver sa discrétion.