La convention citoyenne sur la fin de vie a débuté le vendredi 9 décembre. Certains professionnels de santé craignent une volonté de l’exécutif de légaliser l’euthanasie. Témoignage d'un médecin du service soins palliatifs de l'hopital Ducuing à Toulouse (Haute-Garonne).
Quelques temps après son accession à la présidence de la République en 2017, Emmanuel Macron a défendu un plan de développement des soins palliatifs en France. Réélu pour un second mandat courant 2022, le chef de l’exécutif vient de lancer une convention citoyenne dédiée à la question de la fin de vie en France, à l'initiative du Cese, le conseil économique, social et environnemental.
Pendant quatre mois, et jusqu’à la fin du mois de mars, 180 personnes tirées au sort vont discuter, réfléchir, se pencher sur la prise en charge des patients en fin de vie en France. Elles ont été accueillies par la Première ministre Elisabeth Borne. À l’issue de leurs travaux, leurs conclusions seront présentées au gouvernement.
Un débat « déconnecté du terrain »
En Occitanie, la constitution d’une telle convention citoyenne fait réagir. "Ce débat me parait déconnecté du terrain", estime Jean Fontant. Ce médecin généraliste spécialisé en soins palliatifs travaille à l’hôpital Joseph Ducuing de Toulouse (Haute-Garonne). Dans ce service de l'établissement de santé, on compte dix lits. Jean Fontant défend un accompagnement personnalisé des malades hospitalisés en unités de soins palliatifs. "On n’a pas vocation à accompagner toutes les fins de vie. On accompagne les fins de vie les plus complexes", rappelle le médecin. En clair, dans les unités de soins palliatifs, on ne trouve que des patients atteints de maladies graves ou incurables. Mais tous ne sont pas destinés à y rester pour mourir.
Je ne me vois pas soigner une personne et ensuite aller donner la mort dans une autre chambre.
Jean Fontant, médecin généraliste en unité de soins palliatifs à Toulouse
Le 13 septembre 2022, le comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un avis sur la fin de vie, qui ouvre la voie à « une aide active à mourir ». Une position à laquelle s’oppose fermement Jean Fontant. "Je ne me vois pas soigner une personne et ensuite aller donner la mort dans une autre chambre", assure le médecin.
"Médecins, infirmiers, psychologue, aides-soignants… On travaille en équipe pour prendre en charge les patients. Toute cette souffrance nous demande beaucoup d’énergie. Toute l’énergie qu’on dépense elle est faite pour soigner, pas pour donner la mort", défend-t-il.
"L’acharnement thérapeutique est un scandale"
En France, la loi dite "Claeys-Leonetti" de 2016 ouvre de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Elle autorise, uniquement dans certains cas et après une concertation collégiale une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Selon la loi, ce cas de figue ne peut s'appliquer uniquement lorsqu’un malade n’a plus aucune de chances de survie.
L’équipe médicale du service de soins palliatifs de l'hôpital Ducuing s’attelle à réduire les souffrances que ressentent les malades. "Mais je vous mentirai si je vous disais qu’on arrive à totalement la supprimer. C’est impossible", reconnait Jean Fontant. « La réalité de la mort, elle est là. La souffrance des familles, l’inconnu de l’après… Cette souffrance, on ne peut pas la retirer totalement ».
Dans son viseur, la question de l’acharnement thérapeutique. "Il provoque beaucoup de souffrances. C’est un scandale. Il y a encore énormément de patients qui bénéficient de soins dont ils n’ont plus vraiment envie. Il doit être stoppé. Il faut qu’on progresse sur la culture palliative", défend le médecin.
Plus de moyens pour mieux prendre en charge la douleur
Selon ce professionnel de santé, cette situation est surtout liée au fait qu’il n’y a pas de assez d’unités de soins palliatifs dans les départements. "À Toulouse, on a 10 lits de soins palliatifs. Il y en a dix autres à Purpan. Ça en fait 20 pour tout Toulouse et je dirai même pour tout le département. Pour moi, l’urgence elle est de mieux développer les soins palliatifs."
Selon un rapport du Sénat sur les soins palliatifs de septembre 2021, la France compte 164 unités de soins palliatifs. Au total, 7.498 lits identifiés en soins palliatifs (LISP) sont actuellement recensés sur l’ensemble du territoire.
D’après les chiffres communiqués par le gouvernement, le nombre d'USP a été multiplié par trois en vingt ans. Celui des équipes mobiles de soins palliatifs par cinq.