Témoignage. Réforme en médecine : “On se surnomme la promo crash-test" des étudiants dénoncent pression et stress injustes

Publié le Écrit par Lily Allais

Du 16 au 17 janvier a lieu la session de rattrapage des EDN, un examen permettant l’accès à l’internat de médecine. Une première après la réforme des études de médecine. La situation provoque stress et découragement chez les étudiants concernés, les poussant parfois au pire. Témoignage.

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“Je vis ce rattrapage comme une injustice”, Adrien* est étudiant en 6e année de médecine. En octobre dernier, il passe les EDN, un examen destiné à contrôler ses connaissances théoriques afin d'accéder à l'internat. Pour valider, chaque étudiant en médecine doit obtenir minimum 14 sur 20. Il le manque de peu. “Je n’ai eu que 13,8”, admet-il. “Je comprends qu’il y ait un couperet mais c’est dur. Je ne suis pas plus bête qu’un autre mais je dois réussir les rattrapages sinon je serai exclu de médecine.”

Pourtant, Adrien avait réussi son examen blanc et s’était pleinement investi dans la préparation de ces EDN. “J’essaie de me remettre à mon bureau et de travailler mais j’ai déjà tellement donné, je suis en saturation”, confie l’étudiant en médecine. “C’est épuisant, surtout pour notre santé mentale déjà mise à mal.”

Changement des règles du jeu

Les études de médecines sont reconnues comme les plus éprouvantes. À la fatigue, s’ajoutent le stress et la pression constante. Seuls les meilleurs deviendront médecin et aucune erreur n’est permise.

À ce parcours du combattant, se sont ajoutés de nombreux changements dans le programme. Un vaste chantier est en cours pour faire évoluer les études de médecines depuis 2016. Mais depuis le vote de la réforme, les arrêtés sortent au compte-goutte et laissent étudiants et personnels de l’université dans l’expectative.

Les étudiants ont appris qu’ils avaient 8 mois de moins pour réviser. Ça a engendré beaucoup de stress et une pression supplémentaire.”

Nicolas Lunel, étudiant en 5e année et élu étudiant à l’université de médecine de Toulouse.

Les nouvelles règles du jeu sortent alors que ces étudiants sont déjà en 4e année, et elles ne sont plus du tout les mêmes. “L’examen a été décalé au début de la 6e année, au mois d’octobre alors qu’il était en juin précédemment” indique Nicolas Lunel, étudiant en 5e année et élu étudiant à l’université de médecine de Toulouse. “Les étudiants ont donc appris qu’ils avaient 8 mois de moins pour réviser. Ça a engendré beaucoup de stress et une pression supplémentaire.” D’autant plus que, contrairement à ce qui avait été annoncé, le programme n’a pas été revu à la baisse.

Autre changement de règle : auparavant, la note obtenue donnait un classement. Les moins bien notés héritaient des spécialités les moins attractives ou les moins exigeantes. Désormais, le 14 sur 20 aux EDN est indispensable pour devenir médecin.

Une préparation disparate selon les universités

Face à des arrêtés sortant tardivement et au fur et à mesure, les universités peinent à s’adapter et à proposer un programme adéquat pour préparer leurs étudiants. “Ça a entraîné de nombreux problèmes”, relate Nicolas Lunel. “Les universités ont eu du retard ou certains ont mis en place des choses mais on dut rétropédaler car l’arrêté sorti n’était pas le même que celui annoncé. C’est vraiment dommage, car c’est une bonne réforme sur le papier mais elle a handicapé les étudiants avec tout le retard qu’elle a pris.”

Résultat, les universités n’ont pas toutes pu s’adapter et préparer correctement leurs étudiants. Toulouse est vue comme privilégiée. L’université de médecine était actrice de la réforme et a pu anticiper ces changements. Ses résultats le prouvent : seuls 6,6% de ses étudiants de 6e année sont aux rattrapages. C’est la moitié de la moyenne nationale, jusqu’à 40% des étudiants seraient aux rattrapages dans certaines universités.

La “promo crash-test”

Autant d’éléments qui ont sérieusement perturbé la préparation de ces étudiants en médecine. “On se surnomme la promo crash-test entre nous”, indique Adrien. “Nous ne savons jamais ce qui va se passer pour la suite. Et ça continue : nous devons passer la pratique en juin mais personne n’a d’informations.” Car à cette réforme s'ajoute un nouvel examen au mois de juin : les ECOS, des épreuves pratiques. Une solution plus juste, jugent les étudiants, et qui permet de sélectionner des bons médecins et pas seulement des “bêtes à concours”.

Beaucoup d’amis ont préféré redoubler l’an dernier par peur de se retrouver dans cette promotion crash-test

Adrien*, étudiante en médecine

Mais en attendant, ces étudiants en 6e année de médecine se vivent comme étant une promotion sacrifiée. “Beaucoup d’amis ont préféré redoubler l’an dernier par peur de se retrouver dans cette promotion crash-test”, raconte Adrien. “Cette année, en France, il y a 1300 étudiants en moins que l’an passé alors que le numerus clausus a augmenté. C’est parce que ces étudiants ne veulent pas être sacrifiés par la mise en place de cette réforme. Ils attendent l’an prochain.”

8 400 étudiants sont actuellement en 6e année de médecine, contre 9 700 l’an dernier.

Des effets délétères sur la santé mentale

“Ce doute est total et permanent. Il génère un stress énorme sur des étudiants qui en subissent déjà un maximum”, analyse l’étudiant en médecine. “C’est pour ça que certains comme moi craquent.” Trop d’incertitudes. Trop de pression et de fatigue. Le jeune homme a dû être interné en psychiatrie pendant 3 semaines. Burn-out. Et des envies suicidaires.

Cette situation extrême n’est pourtant pas rare chez les étudiants en médecine. “Sur mes 5 amis de promotion, 2 ont fait un séjour en hôpital psychiatrique au cours de leurs études et 2 autres ont développé des troubles alimentaires.” Chaque année entre 10 et 20 internes en médecine se donnent la mort. 23% déclarent avoir eu des idées suicidaires.

À lire aussi : Le corps de l'étudiante en 4e de médecine, d'origine réunionnaise, a été retrouvé

Malgré tout, Adrien a réussi à reprendre ses études et à travailler. Il n’a pu arriver confiant aux EDN. Mardi 16 janvier, il se présentera aux rattrapages avec la volonté de franchir cette barre du 14 sur 20. Son rêve : devenir médecin généraliste à la campagne.

*Son prénom a été modifié.

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