Au mois d'octobre, Pia est contrôlée à l'aéroport Toulouse-Blagnac. Transgenre, on lui propose qu'elle soit fouillée par un homme pour le bas de son corps et par une femme pour le haut. Une humiliation pour celle qui espère contribuer à l'acceptation de la différence.
Au début du mois d'octobre, Pia se rend à l'aéroport de Toulouse Blagnac. Arrivée devant les portiques de sécurité, elle sonne. La situation peut arriver, mais quand on est une personne transgenre, les choses peuvent plus facilement devenir complexes.
Pour les agents de sécurité de l'aéroport ce jour-là, c'était probablement une première. "Mais les choses se sont mieux passées ensuite" assure le service de communication, "nous avons tenu compte des observations et remarques de cette personne pour améliorer nos procédures".
Mieux formés à l'étranger
Au moment où l'agente de sécurité s'apprête à commencer la palpation, Pia se dit qu'il serait opportun de lui signaler qu'elle est trans. "Pour éviter le malaise, parce que j'ai encore mes attributs masculins" nous confie-t-elle.La situation n'est pas nouvelle : Pia avait déjà sonné aux portiques de l'aéroport d'Amsterdam quelques temps plus tôt, probablement à cause de sa prothèse de hanche. Sauf qu'aux Pays-Bas, elle a pu choisir le genre de la personne qui allait la palper (une femme). "Au Canada par exemple, ça fait partie de la loi : on a le droit de choisir le genre de la personne qui nous palpe" précise Pia. En effet, d'après le Canadian Human Right, les protocoles assurent "le choix d’un membre du personnel de sexe masculin ou féminin en cas de fouilles par palpation, d’analyses d'urine ou de visionnement des caméras de surveillance". En France, c'est différent.
Bon, expérience horrible à la sécurité de @aeroport_tls !
— Pia (@Pia_Alea) October 7, 2020
J'ai prévenu l'agente de sécurité que je suis trans, pour lui éviter une surprise (J'avais sonné, probablement à cause de ma prothèse totale de hanche).
Méconnaissance française
Pia n'en veut à personne en particulier. "Ma démarche n'est pas une démarche de ressentiment mais plutôt de contribuer à l'acceptation de la différence" détaille-t-elle. Pia pointe du doigt une méconnaissance française. "Quand je lui ai dit que j'étais trans, l'agente n'a pas su quoi faire. Elle a d'abord appelé sa supérieur, qui a proposé que le haut de mon corps soit palpé par une femme, et le bas de mon corps par un homme" explique la toulousaine, qui refuse cette proposition.La police a alors été appelée en renfort. Deux agents sont alors arrivés à l'aéroport de Toulouse Blagnac. Pia assure que la policière a insisté pour qu'elle se déshabille dans une salle, devant eux "pour se moquer de moi, pour m'humilier, c'est certain" ressent la professeure.
"Culture du rejet de la différence"
A l'université où elle enseigne, l'annonce de la transition de Pia s'est très bien passée.A l'aéroport, la policière aurait demandé à Pia si ses seins étaient faux. Elle lui aurait également demandé de les lui montrer. "Avec le prétexte de vérifier si je ne porte pas d'arme" précise la femme de quarante-quatre ans. "Elle ne s'adressait à moi qu'au masculin, ce qui fait partie quand même des petites discriminations que l'on subit quotidiennement" ajoute-t-elle. Et de conclure : "Elle avait une façon de faire malsaine. J'étais troublée par la situation. C'était comme si elle me voyait comme un travesti : un homme habillé en femme. Les débuts de transition créent ce genre d'ambiguïtés."Mais la police, c'est pas pareil. C'est un problème systémique chez eux. La police n'est pas un exemple de tolérance. Ils ne sont évidemment pas tous affreux, mais ils ont quand même une forte culture du rejet de la différence. Tout ce qui est différent n'est pas normal pour eux.
La loi autour de la palpation
Pour Philippe Lavenu, secrétaire régional des policiers, "il n'existe pas vraiment de transphobie chez les policiers". Selon lui, cette situation relève en fait de la loi. "Une femme n'a pas le droit de palper les parties génitales d'un homme" explique-t-il. Sur le site service-public il est indiqué que la fouille et la palpation corporelle doivent être faite "par une personne de même sexe que la personne fouillée". Mais qu'est-ce qui définit le sexe d'une personne ? Pour le policier, c'est l'administration: "cette personne est un homme sur sa carte d'identité !"Pia précise que la période de transition est presque aussi longue que la période de changement de papiers d'identité. "Je suis en train de faire un dossier avec témoignages et attestations, puis j'aurai rendez-vous au tribunal" raconte-t-elle. Il faut également savoir que depuis 2016, d'après l'article 61-6 du code civil, "le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande (de changement de sexe sur sa carte d'identité, NDLR)".
Pour Pia, c'est l'ignorance du processus de transition qui engendre ce genre d'humiliations. Elle a finalement accepté la palpation par un homme, sans savoir à ce moment-là, qu'il existe un formulaire créé par Flag! : l'association LGBT+ des agents des ministères de l'Intérieur et de la justice, pompiers et policiers municipaux. Ce formulaire permet aux personnes trans de choisir le genre de la personne qui réalisera une palpation.
Pia aura mis une journée à se remettre de ce facheux évènement. Lorsqu'elle est retournée à l'aéroport quelques temps plus tard, elle n'a pas sonné et cela a donc évité toute mésaventure.Il n'y a pas de cours à proprement parlé sur la transphobie au sein de la police mais il s'agit de faire preuve de bon sens et d'humanité. Je comprends la difficulté à laquelle ont été confrontés mes collègues parce que techniquement c'est impossible qu'une femme palpe les parties génitales d'un homme. Il ne faut pas non plus oublier qu'au sein des notre profession aussi nous avons des personnes issues de la diversité quelle qu'elle soit. Et la période de transition est difficile à gérer pour tout le monde.