Témoignage. "Une injustice et une torture qu'il ne supportait plus" : suicide d'un jeune migrant détenu en Italie, sa famille dénonce

Publié le Mis à jour le Écrit par Aude Henry

Ousmane Sylla, un jeune Guinéen de 22 ans s'est pendu, le 4 février 2024, dans un centre de rétention en Italie. Une enquête est ouverte pour incitation au suicide. Installé en Occitanie, le grand frère de la victime dénonce les conditions réservées aux étrangers en attente d'une expulsion dans ces centres italiens. Témoignage.

Ousmane Sylla, 22 ans, s'est pendu dans le centre de séjour pour les rapatriements de Ponte Galeria, au sud-ouest de Rome, en Italie, le 4 février 2024. Un suicide qui n'en est pas un, selon son grand frère qui vit en Occitanie.

"J'ai toujours du mal à réaliser. Moi, mon but, c'est que ça soit médiatisé le plus possible. Pour que tout le monde sache ce qui se passe dans ces centres. Et que d'autres familles n'aient pas à subir la même chose à l'avenir", nous dit-il d'emblée.

Ce qu'ils appellent un suicide, nous ne sommes pas d'accord.

Djibril, grand frère d'Ousmane, mort dans un centre de rétention en Italie

Ousmane est mort dans l'un des dix centres italiens où sont placés les étrangers en situation irrégulière dans l'attente de leur expulsion. Des centres gérés par des prestataires privés.

Selon plusieurs médias italiens, le 6 octobre 2023, Ousmane avait interrompu une séance du conseil municipal de Cassino pour protester contre les conditions d'accueil dans un centre pour mineurs. Le jeune Guinéen se dit déjà victime de violences. Huit jours plus tard, il sera envoyé dans un premier centre de rétention.

Sa détresse inscrite avec des mégots sur les murs

"Si je meurs, j’aimerais qu’on envoie mon corps en Afrique, ma mère en sera contente. Les militaires italiens ne connaissent rien sauf l’argent. L’Afrique me manque beaucoup et ma mère aussi, elle ne doit pas pleurer pour moi. Paix à mon âme, que je repose en paix", a inscrit le jeune migrant guinéen sur les murs du centre où il venait récemment d'être transféré, rapporte le journal Le Monde.

Djibril a appris que son petit frère a gardé des mégots de cigarette pour écrire ce message sur les murs.

Des messages de détresse pour dire qu'il n'en pouvait plus. Pour dénoncer une forme d'injustice et de torture qu'il ne pouvait plus supporter.

Djibril, grand frère d'Ousmane, mort dans un centre de rétention en Italie

Ousmane avait pour projet de rejoindre son grand-frère. Mais il a été intercepté à la frontière entre l'Italie et la France. "Cela faisait cinq à six mois qu'il avait reçu une obligation de quitter le territoire. Mais il n'a pas été expulsé et a été placé en détention depuis quatre mois", nous explique Djibril. Ousmane a été détenu dans ces centres "où on leur bloque tout contact avec le monde extérieur."
Depuis, Djibril a appris qu'en Italie, il est possible d'être gardé en détention pendant 18 mois "Mais pour quel crime ?", s'insurge-t-il encore.

"On leur donne des médocs"

La famille d'Ousmane a engagé un avocat en Italie où une enquête a été ouverte pour incitation au suicide. Djibril avoue éprouver aujourd'hui une forme de colère qu'il "essaye de canaliser pour y voir clair". Car depuis le décès de son frère, il a obtenu des témoignages sur ce qui se passe dans ces centres italiens.

Ceux qui osent réclamer leurs droits, qui se révoltent, on leur donne des médocs.

Djibril, grand frère d'Ousmane, mort dans un centre de rétention en Italie

Ces médicaments devraient être réservés aux personnes qui ont des antécédents psychiatriques. "On a plusieurs témoignages comme quoi les personnes sont vraiment maltraitées dans ce centre, ajoute encore Djibril. Connaissant mon petit frère, je suis persuadé qu'il avait un mental solide pour résister face à ces gens-là. Et si vraiment, il s'est suicidé, c'est qu'il y avait une vraie cause à cela.

L'usage de médicaments à des fins de contrôle des détenus a été établi dans ces centres italiens. "Les détenus qui ne sont pas révoltés, sont comateux à cause des psychotropes qui leur sont administrés pour les rendre inoffensifs", a déclaré au journal Le Monde, Ricardo Magi, un parlementaire italien.

"Un trou noir du droit, un enfer à tous points de vue"

"Ces lieux sont un trou noir du droit, un enfer à tous points de vue", déclarait Riccardo Magi, dans une vidéo enregistrée aux portes de ce centre de rétention de Ponte Galeria où des incidents ont éclaté après la mort du jeune Ousmane.

"J'invite le président Meloni et le ministre Piantedosi à venir ici pour voir ce que j'ai vu en parlant aux autres prisonniers ce matin. Ces lieux doivent être fermés", milite également le secrétaire général du parti libéral Piu Europa.

Djibril, lui, espère pouvoir rapidement se rendre en Italie, pour suivre de près le déroulé de l'enquête, et notamment l'autopsie de son petit frère.  La famille réclame la vérité, et entend se battre pour que ses pratiques honteuses et humiliantes cessent en Italie.

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