Une ligne téléphonique à destination des personnes sexuellement attirées par les enfants vient d'être mise en place. Ce numéro (0 806 23 10 63) doit permettre d'orienter les pédophiles vers des soins. Un homme a accepté d'en parler. Voici son témoignage.
Le dispositif a été baptisé STOP pour Service Téléphonique d’Orientation et de Prévention. Il s'agit d'une ligne d'écoute téléphonique (0 806 23 10 63) destinée à orienter vers des soins les pédophiles. D'abord utilisé à titre expérimental pendant un an dans quelques départements ce service vient d'être généralisé à l’ensemble du territoire national.
Il y a un an Eliot*, 35 ans, a trouvé le courage de composer ce numéro.
"Lorsque j’étais vraiment à bout, que je ne trouvais plus la force de lutter tout seul, j’ai fait cette démarche en dernier recours d’aller déposer cette souffrance, cette lutte intérieure qu’est ma pédophilie. Pour surtout ne pas franchir la ligne rouge et de nouveau avancer."
Ce numéro, il explique l’avoir vu sur internet. Il l’avait mis dans un coin. "Parce que c’est difficile de décrocher son téléphone et de dire que l’on présente une attirance pour les enfants. Même quand je le formule, là, c’est difficile à accepter", dit-il avec la voix tremblante. Savoir qu'il y avait des personnes prêtes à l'écouter lui a donné le courage de le faire.
"Ils m’ont répondu qu’ils étaient là pour m’aider, qu’il ne fallait pas que je sois inquiet et que l’on allait trouver une orientation pour me prendre en charge le plus rapidement possible, ce qui a été fait."
En un an, pendant cette expérimentation, la plateforme téléphonique a reçu un peu plus de 1 000 appels de 340 personnes, essentiellement des hommes âgés de 19 à 75 ans.
"Je me suis senti écouté" dit Eliot, "ils ont répondu de la meilleure manière possible à mon appel à l'aide. C'était l’an dernier, j’en avais jamais parlé avant. Quand on lutte, seul avec ça, au bout d’un moment cela finit par céder. C'est trop lourd à porter, on ne peut pas se soigner tout seul. Donc ma parole s’est déliée et j’ai ouvert toutes les portes que j’ai trouvées, sur le plan associatif aussi ou dans mon entourage personnel pour ne plus être seul avec ça."
Sans cette aide, oui il reconnait qu'il aurait pu passer à l’acte.
J’étais arrivé au bout en terme de souffrance. Toutes les barrières que j’avais mises en place étaient en train de tomber et je sentais que j’allais potentiellement devenir peut être dangereux dans un contexte donné. C'était, soit je passais à l’acte, soit je me détruisais et je me suis dit : il y a peut être une troisième solution c’est d’en parler.
Avait-il déjà essayé d’en parler à un médecin ou un proche ? Non il n'avait jamais eu le courage, il avait peur du rejet, d’être stigmatisé, d’être rattaché à un criminel.
"On fait vite l’amalgame, en se disant que quelqu’un qui présente une attirance pour les enfants est forcément un prédateur ce qui est loin d’être le cas. La réalité, c’est que beaucoup de personnes conscientisent leur attirance pour les enfants. Et en fait, ils en souffrent. Ils ont envie d’en parler mais ils n’ont pas d’espace pour le faire et c’est là que c’est dangereux."
Aujourd’hui, grâce à sa prise en charge par un psychiatre, Eliot sait qu'il n'est plus tout seul et qu'il peut appeler à l'aide. L'enjeu pour lui, explique-t-il, c’est d'apprendre à vivre avec ce qu'il ressent sans que cela présente un danger pour les enfants ou pour lui-même.
*Eliot est un prénom d'emprunt.
En images le reportage de Stéphanie Bousquet et Eliot Sentenac