Oui dans le quartier des Izards il y a eu quatre fusillades en moins d'un mois. Et non, le quartier ne se résume pas à ça. D'ailleurs, il est impossible d'en faire une généralité. Aux Izards à Toulouse, chacun son expérience, chacun son point de vue, comme en témoignent ces habitants et commerçants.
En moins de 20 minutes deux voitures de police font leur apparition dans le quartier toulousain des Izards. Un calme règne dans les rues presque vides. Les habitants sont probablement au travail. Le bruit des engins de chantier fait office de fond sonore. Ici, les constructions sont nombreuses. Futurs bureaux par-ci, futures résidences privées par-là. Aux Izards, logements privés neufs et cité HLM se côtoient. Ils sont même en face les uns des autres. Peut-être que certains sont passés à côté de cette information parce que finalement, peu de Toulousains se rendent dans ce quartier. Probablement parce qu'il n'y a pas grand-chose à y faire. Les passants habitent ou travaillent ici.
Ce quartier toulousain est connu pour des faits divers. C'est aussi l'endroit où a grandi le terroriste Mohamed Merah. Et dernièrement, il y a eu quatre fusillades (dont deux mortelles) en moins d'un mois, à la suite du démantèlement, en juin, d'un réseau de stupéfiants. Au premier abord, commerçants et habitants refusent de répondre aux journalistes. Cependant cette fois-ci il n'est pas question de revenir sur les tragiques derniers événements. Alors certains finissent par raconter leur vie ici, l'ambiance aux Izards. Tous ne voient évidemment pas les choses de la même façon. En revanche, tout le monde est d'accord sur un point : interdiction de citer leurs prénoms, encore moins leurs noms, pas même leur fonction.
Même si on dit du bien du quartier, ça pourrait être mal pris. On ne sait jamais ce qu'il peut se passer ensuite.
"Les gens sont vraiment très respectueux"
C'est une affirmation qui revient souvent. "Ici, les gens sont vraiment très respectueux". Une partie des commerçants et habitants s'accordent à décrire un quartier solidaire, agréable au quotidien. Certains citent en exemple "la chorba des Izards" : pendant le mois du ramadan, des associations et habitants s'étaient organisés pour préparer et distribuer des repas gratuitement aux plus démunis.D'autres évoquent des associations de quartier justement, comme "Izards attitude", qui propose des sorties et un soutien des familles "dans leur rôle éducatif". L'association entend "créer du lien social" avec notamment "des animations intergénérationnelles et interculturelles". C'est ainsi que se décrit "Izard attitude" sur sa page Facebook. Ce jour-là, au lendemain d'une énième fusillade, les locaux de l'association sont fermés. Les femmes qui tiennent les rênes d'"Izards attitude" refusent de communiquer. La dernière fois que nous les avons rencontrées, elles nous racontaient leur ras-le-bol. "Le quartier c'est pas que les faits divers" nous avaient-elles confiées.
"C'est un quartier qui a besoin d'aide"
Les Izards comptent au moins une association donc, tous citent la même ce jour-là. "Si, il y a une salle de musculation et une salle de boxe". Côté activités, deux riverains attablés sur une place du quartier peinent à se souvenir des loisirs proposés aux Izards.Même son de cloche du côté d'une commerçante. Elle estime que la drogue est un fléau aux Izards. "Les gens n'ont pas envie de venir ici. Je perds beaucoup de clients" s'inquiète-t-elle. Et d'ajouter : "ceux qui viennent, c'est souvent les personnes qui ne sont pas au courant des faits divers". Pour elle, les Toulousains ont surtout beaucoup de préjugés.Quand j'étais jeune, on faisait de la spéléologie, on partait en vacances avec le centre, on faisait vraiment plein d'activités, qui n'existent plus aujourd'hui. Et c'est dommage. Il faudrait plus d'activités comme avant pour que les jeunes puissent tuer le temps et faire moins de conneries.
Originaire d'un pays étranger, la Toulousaine dénonce les armes qui circulent dans ce quartier. "Des gens se promènent avec des kalachnikovs en pleine rue, en France, c'est quand même pas normal et ça fait peur à tout le monde. C'est pas parce que c'est un quartier défavorisé qu'il faut le laisser tomber. Il y a des femmes, des enfants, des familles ; toute une population qui mérite d'être respectée et protégée" explique-t-elle. La commerçante conclut : "c'est quand même un quartier agréable, animé, rigolo ... on s'y attache".Certains jeunes sont très agréables. Je les reçois volontiers. En dépit de la drogue et des règlements de compte, je me sens respectée ici. Ça me fait mal ce que je vois. Je ne sais pas comment certains jeunes en sont arrivés là, je ne sais pas ce que la vie leur a donné mais une chose est sûre : il faudrait faire quelque chose pour les aider.
Provocations psychologique et physique
Aux Izards, la majorité des habitants et commerçants s'accordent à affirmer que le quartier est dominé par la drogue. Evidemment ici, tout n'est pas rose. Pour un résident, c'est même tout noir. Arrivé d'un pays étranger il y a quelques années, il raconte les persécutions qu'il subit.Pour lui, impossible de communiquer avec les autres riverains : "on ne pense pas la même chose, on ne peut pas se comprendre." Un peu plus loin, en plein milieu du quartier, un potager plus ou moins entretenu traduit l'entente entre certains, qui s'occupent de cette parcelle de verdures à tour de rôle.Quand je suis arrivé, des dealers m'ont demandé de travailler avec eux en cachant leur drogue chez moi. J'ai refusé. Depuis je subis des provocations, des violences psychologiques et physiques. Ils m'ont frappé parfois. Il n'y a rien de positif dans ce quartier. Je n'attends qu'une chose, c'est de pouvoir partir d'ici.