Le 24 et 25 septembre 2022 se tiendra le meeting aérien des Etoiles et des ailes à l'aéroport de Toulouse Francazal. Dans un contexte d'urgence écologique et de sobriété énergétique, la tenue de cet événement, populaire mais polluant, fait débat.
Un éclat de rire. "Moins qu'un A350 qui décolle de Blagnac et pas plus qu'un match du TFC." C'est la réponse du directeur des vols, Lionel Rey, à la question du calcul du bilan carbone de la tenue du meeting aérien à Toulouse, capitale de l'aéronautique et du spatial, le week-end du 24 et 25 septembre 2022.
La question est pourtant sérieuse. Au point qu'une étude stratégique et économique a été réalisée en 2021 par la Chaire Pégase pour le compte de France Spectacle Aérien et l’Aéro-Club de France. Dans ce rapport, la DGAC (Direction générale de l'aviation civile) a rendu ses analyses de l'impact environnemental des meetings aériens. Comme le rapporte le site aerobuzz, ses conclusions sont les suivantes :
Pour un meeting sur une journée, présentant une dizaine d’avions en vol et attirant 2.500 spectateurs venus en voitures (850 voitures particulières), le bilan carbone de la manifestation avoisine les 15 tonnes de CO2. Pour un meeting de deux jours avec 20 avions et 5.000 visiteurs (1.700 voitures), il atteint 65 tonnes de CO2. Partant d’un prix de 25 € la tonne de carbone, la compensation financière est de 375 € dans le premier cas et de 1.525 € dans le second.
Direction générale de l'aviation civileAerobuzz, décembre 2021
Un spectacle polluant : des œillères face à l'urgence ?
Au programme du meeting toulousain sur deux jours, douze heures de vol, une quarantaine d'appareils, et 40 000 visiteurs (soit environ 13 600 voitures). En reprenant les évaluations de la DGAC, le bilan carbone du meeting aérien des Etoiles et des ailes serait à minimum de 130 tonnes de CO2.
MS733, ATR 72-600, Airbus A321XLR... Parmi les avions présentés lors de l'événement, des mastodontes capables de couvrir des milliers de kilomètres de distance. D'après le rapport environnement de l'aviation européenne 2022, les vols long-courriers (d'une distance supérieure à 4 000 kilomètres) représentaient "environ 6% des départs et la moitié des émissions de CO2 et de NOX en 2019".
Selon le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), il est attendu en 2050 une réduction de 69% des émissions de CO2 pour atteindre 59 millions de tonnes. Est-ce suffisant ?
On ne peut plus faire fi de l'urgence. On l'a vu cet été avec la canicule et les projections du GIEC : c'est d'ici 2050 qu'il faut atteindre la neutralité carbone. Alors si on veut agir, on doit le faire aujourd'hui.
Thomas Karmann, co-président du Groupe des élus écologistes de Toulouse et Métropole
Les démonstrations de vol se dérouleront de 11h15 à 17h30 pendant les deux jours.
Sur Twitter, le collectif "Aéroport de Toulouse Stop Pollutions Aériennes", dont notre source est membre et souhaite conserver son anonymat, dénonce la tenue d'un tel événement.
Il n'est plus possible d'organiser et promouvoir l'organisation de meetings aériens : ce sont des gaz à effet de serre émis pour rien et ça ce n'est plus tolérable, à Francazal comme ailleurs. Pas facile tout ça pour des Toulousains, on a tous des copains qui bossent pour l'aéronautique. Ils ne sont pas joyeux eux non plus. Mais une chose est claire pour tous. Il faut arrêter car nous courons à la catastrophe.
Membre du collectif "Aéroport de Toulouse Stop Pollutions Aériennes"
"Les meetings aériens ont la cote auprès du public"
Après quatre ans d'absence la présidente de l'association Des Etoiles et des ailes, organisatrice de l'événement, a observé l'affluence des spectateurs aux meetings aériens depuis le début de l'année, précédant celui de Toulouse.
On s'est demandé si on allait être boudé par le public par rapport à la question environnementale. Mais quand vous voyez la patrouille Alpha Jet et les avions de voltige de la Marche verte ravir le public... Trouvez-moi un meeting qui n'a uniquement que des avions électriques pour le spectacle; moi, je n'en connais pas.
Catherine Gay, présidente de l'association Des Etoiles et des Ailes
La présidente affirme être consciente de la nécessité des enjeux environnementaux.
On a prévu un avion et un hélicoptère électriques. Si on avait pu faire plus, on l'aurait fait. Dans le cadre de ce meeting, on a prévu des contenants recyclables sur la restauration, des brigades vertes, un tri de déchets et des voitures hybrides et électriques.
Catherine Gay, présidente de l'association Des Etoiles et des Ailes
Des mises en place "dans la mesure du possible", qui font sourire les militants écologistes.
"100% de carburants durables d’ici 2030"
Le GIEC a indiqué dans son sixième rapport daté de 2022 que "des réductions immédiates, rapides et à grande échelle des émissions de gaz à effet de serre sont nécessaires pour limiter le réchauffement à 1,5°C et que le secteur aérien en est encore aux prémices de son adaptation à l’augmentation des risques climatiques".
A ce jour, l'urgence climatique est telle qu'il est absolument nécessaire de réduire toutes nos émissions de gaz à effet de serre. Partout. Dans la mesure où, hélas, n'existent pas de solutions pour décarboner immédiatement ou même à moyen terme l'aviation, ne nous reste qu'une solution : une diminution drastique du trafic aérien mondial.
Membre du collectif "Aéroport de Toulouse Stop Pollutions Aériennes"
Parmi les pistes d'adaptations, la création et l'utilisation de carburants dits durables, "aujourd'hui soumis à un taux de mélange maximal avec le kérosène de 50% (selon la filière de production), mais les constructeurs et organismes de normalisation envisagent de permettre des vols utilisant jusque 100% de carburants durables d’ici 2030", est-il indiqué dans le rapport environnement de l'aviation européenne 2022.
D'autant que l'impact sur le dérèglement climatique de l'avion ne se limite pas aux émissions de CO2. En effet, il faut aussi considérer les effets "non CO2", à savoir notamment les nuisances sonores que provoquent de tels événements.
Vers un forum de la transition écologique ?
Les futures éditions de ce meeting aérien seront-elles converties en forum où pédagogie et sensibilisation à l'empreinte carbone règneraient ? C'est en tout cas ce à quoi aspire Thomas Karmann, co-président du Groupe des élus écologistes de Toulouse et Métropole, qui souhaiterait participer à l'élaboration d'un tel projet.
Thomas Karmann ainsi que son groupe s'interrogent également sur la méthode de financement de cet événement établie par la Métropole.
Dépenser 40 000 euros en échange de 30 places VIP à priori destinées aux élus, ce n'est pas pour nous une bonne gestion de l'argent public, quand en parallèle les subventions pour les associations dans le cadre du Plan de prévention des déchets ont baissé 30 000 euros. C'est incompréhensible, c'est du gaspillage.
Thomas Karmann, co-président du Groupe des élus écologistes de Toulouse et Métropole
Un sentiment partagé par Maxime Le Texier, co-président du Groupe Alternative Municipaliste Citoyenne : "Ce salon aérien est un rendez-vous historique de passionnés. Il n'empêche pas de questionner deux éléments en pleine semaine européenne du développement durable : la place de l'avion dans une société durable et l'orientation des subventions publiques".
Dans son rapport, évoqué plus haut, la Chaire Pégase estime : "Particulièrement vulnérables et dépendants des subventions publiques et privées, les meetings aériens sont de plus en plus menacés par les collectivités locales et les problématiques environnementales. Sans réelle prise de conscience de la gravité de la situation, de nombreux meetings aériens pourraient être amenés à disparaître, ne laissant de la place qu’à quelques meetings ayant évolué pour prendre en compte ces problématiques nouvelles." Il n'est pas certain que tous les organisateurs du meeting aérien des Etoiles et des ailes aient pris en compte l'avertissement.