Plusieurs étudiants de l'INSA Toulouse ont dénoncé dans un discours, la présence de plusieurs entreprises qu'ils jugent "non humanistes" et "écocides" lors du forum des entreprises de leur école, fin octobre 2023.
"Mobilisons-nous, bougeons-nous et renseignons-nous !" scande une élève de l'INSA sur une scène. Fin octobre dernier, l'Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Toulouse tenait son forum des entreprises. À cette occasion, le collectif d'étudiants INSA Toulouse en Lutte a pris la parole pour dénoncer la présence de certaines entreprises et démontrer leurs engagements environnementaux.
Une prise de parole qui s'inscrit dans un contexte particulier. Au printemps dernier, une dizaine d'étudiants d'AgroParisTech avaient eux aussi effectué un discours choc lors de leur remise de diplômes. Ils expliquaient refuser les métiers "destructeurs" pour l'environnement, pour lesquels ils avaient été formés. Ils encourageaient leurs camarades à se diriger vers d'autres voies.
Pour ces élèves : "des entreprises écocidaires qui ne respectent pas les droits du travail"
Le collectif d'étudiants INSA Toulouse en lutte s'est constitué pendant la réforme des retraites, "dans le but de rassembler tous les étudiants et personnels de l'école pour lutter contre tout système de domination, de classe à travers le capitalisme, ou à travers le patriarcat, le racisme etc...", détaille un étudiant du collectif contacté par France 3 Occitanie, qui a souhaité rester anonyme.
Aujourd'hui ce collectif compte entre 50 à 200 personnes en fonction des mobilisations. L'un des membres justifie cette prise de parole : "étant donné que notre école fait un peu la publicité d'entreprises écocidaires, qui ne respectent pas les droits humains et qui exploitent les travailleurs et travailleuses, ça nous a semblé important que notre lieu d'étude soit en cohérence avec nos objectifs politiques."
Parmi les entreprises invitées lors du forum des entreprises et épinglées par le collectif, il y a le groupe de BTP NGE, concessionnaire du projet de l'A69 entre Castres et Toulouse. Mais il y a aussi Airbus, Dassault, Air-France et Vinci... "Une liste non exhaustive", précise INSA Toulouse en lutte.
Il y a quelques mois le collectif a réussi à faire enlever une pancarte affichée sur la façade de l'école qui mentionnait le nom de certaines entreprises "qui s'engagent au côté de l'INSA". "Dès qu'on rentrait dans l'école, c'est ce qu'on voyait en premier : NGE, Total, Airbus, ça leur fait de la publicité à ces entreprises", raconte l'élève contacté par France 3.
Plusieurs actions avaient été menées par le collectif, des affiches collées au-dessus de la pancarte, avec des QR codes renvoyant à des articles de presse qui évoquaient les conditions de travail dans ces entreprises.
Politiser et rassembler
Le collectif pointe deux principaux objectifs à cette prise de parole et aux sit-in qu'ils ont effectués devant les stands des entreprises qu'ils dénoncent. Une manière de sensibiliser les étudiants sur le choix de l'entreprise dans laquelle ils vont travailler et d'envisager "une autre voie".
"On s'inscrit dans un contexte d'élèves ingénieurs qui refusent de s'insérer comme des rouages dans le système qu'on leur propose et qui essayent de le remettre en cause."
Eleve du collectif INSA Toulouse en lutte
L'autre but principal étant de "politiser les étudiants ingénieurs". "Leur faire savoir que s'ils cherchent des gens avec qui se regrouper pour défendre leurs intérêts il y a notre collectif, les choses changeront seulement s’il y a une action collective", affirme le membre du collectif.
INSA Toulouse en lutte affirme avoir eu beaucoup d'encouragements et de réactions positives de la part des étudiants, "même si certains ne comprenaient pas, mais on a pu discuter avec eux". Les entreprises présentes, ce jour-là, "pour la plupart, nous, on dit qu'on ne tapait pas sur les bonnes personnes et n'étaient pas d'accord avec nos actions".
L'administration a laissé un créneau au collectif pour qu'ils puissent s'exprimer au début du forum.
Une position "radicale et militante"
Bertrand Raquet, directeur de l'INSA contacté par France 3 Occitanie, est clair : "Je ne cautionne pas l'action de ces étudiants, ni sur le fond, ni sur la forme." Sur les 3300 étudiants de l'INSA, il considère ce petit groupe minoritaire, dont les propos expriment "une position radicale et militante, qui empêche de construire un dialogue."
Le président du groupe INSA déplore cette intervention, et affirme que l'école encourage les futurs ingénieurs à "affronter la complexité de la transition socio-écologique". En s'appuyant sur le travail du Shift Project, "nous avons changé tous les programmes il y a trois ans en prenant en compte les enjeux de la transition écologique, explique Bertrand Raquet. Nous souhaitons que nos futurs ingénieurs travaillent en conscience".
#ClimatSupINSA @groupeinsa et @theShiftPR0JECT s'associent pour intégrer la problématique #climat #énergie dans la formation de 17 000 élèves ingénieurs.
— Groupe INSA (@groupeinsa) September 11, 2020
Pour en savoir + ⏩ https://t.co/E98bE6whYd#changementclimatique #Transformation #formation pic.twitter.com/fdZlbTMJxM
"On vit une époque où nous avons de véritables leviers d'opportunités pour faire bouger les lignes et provoquer des transformations de l'intérieur", estime le directeur, avant d'ajouter "ce n'est pas l'INSA qui est en lutte mais ce petit collectif d'étudiants." Le groupe a entrepris des démarches pour protéger la marque et empêcher INSA en lutte de conserver son nom.