Mis en cause pour un prêche jugé antisémite, Mohamed Tataï, imam de la Grande Mosquée de Toulouse, a répondu pour la première fois à une interview accordée à France 3 ce mercredi.
Silencieux depuis l'ouverture d'une enquête par le parquet de Toulouse pour savoir si des propos qu'il a tenus pendant un prêche sont susceptibles d'être une incitation à la haine, l'imam de la Grande Mosquée Al Nour de Toulouse, située dans le quartier d'Empalot, a accepté de répondre aux questions de France 3.
"Une traduction quelque peu altérée et prise hors de son contexte"
Dans cette interview (making of : il répond en arabe aux questions posées en Français par notre journaliste et la traduction est assurée par l'un de ses collaborateurs mais il a tout de même accepté de s'exprimer en partie en Français), Mohamed Tataï exprime ses regrets auprès de la communauté juive. Surtout, il indique que son prêche de décembre 2017 a été mal interprété et décontextualisé. Que la phrase en cause a été extraite d'un discours plus long.La traduction d'arabe en anglais indiquait :
Les Juifs se cacheront derrière les rochers et les arbres et les rochers et les arbres diront : "Ô musulman, Ô serviteur d’Allah, il y a un juif qui se cache derrière moi, viens le tuer
Or selon lui, cette citation du Hadit signifie au contraire que le jour dernier, la fin du monde n'arrive que si les musulmans tuent les juifs.
EN VIDEO / les explications de Mohamed Tataï :Le prophète nous dit justement qu'il ne faut pas en arriver là, il nous prévient de ne pas faire ces actes, afin de ne pas précipiter la fin du monde" explique Mohamed Tataï.
Depuis l'ouverture de l'enquête par le parquet de Toulouse le 29 juin, Mohamed Tataï est sous le feu des projecteurs. C'est le maire LR de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, qui a signalé au préfet la vidéo en cause, datant de décembre 2017, dans laquelle l'imam cite, en arabe, un texte où il est question de tuer les juifs. Le préfet a ensuite saisi le parquet de Toulouse.
Soutenu par la Mosquée de Paris
Lundi, l'imam toulousain a été reçu par la Mosquée de Paris qui dans la foulée a publié un communiqué dans lequel Mohamed Tataï s'excuse, notamment auprès de la communauté juive, non pas d'avoir prononcé ce texte mais de l'interprétation décontextualisée qui en a été faite. Ce mercredi, il a renouvelé ses excuses auprès de la communauté juive, en s'exprimant en français devant la caméra de France 3 :
Dans le même temps, la Mosquée de Paris, à laquelle il est rattaché, lui demandait de continuer sa mission à Toulouse. Des explications qui n'ont pas satisfait.
Le maire de Toulouse demande des explications
Selon nos informations, le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, a adressé un courrier à Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris, dans lequel il lui demande de clarifier sa position et notamment de confirmer que les propos incriminés ont bien été prononcés par l'imam toulousain.Le poids de l'Algérie
Quant aux autorités françaises, elles restent pour l'instant silencieuse. Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur et en charge des cultes, n'a pas réagi. La justice elle aurait évoqué une durée d'un mois pour obtenir une traduction officielle du prêche en français par un interprète assermenté.Pour certains, les liens très étroits entre Mohamed Tataï et l'Algérie expliqueraient le silence de la France dans ce domaine. Certains veulent éviter la réaction précipitée qui pourrait tourner au rétropédalage à l'issue de l'enquête judiciaire.
Et puis, il y a aussi son profil : jusqu'ici éloigné du radicalisme qui a violemment touché d'autres lieux de cultes musulmans à Toulouse. Mohamed Tataï faisait remarquer récemment dans un interview à La Dépêche du Midi, que "depuis trente ans que nous sommes présents dans le quartier nous n'avons jamais eu connaissance d'un fidèle qui ait mal tourné".