VIDEO. "Il y a un regain de violence car l'institution est violente" les professeurs victimes d'agressions dans des établissements sous tension

Les agressions des élèves sur les professeurs sont-elles de plus en plus fortes depuis quelques années ? L'isolement des jeunes au milieu de classes surchargées et la difficulté des enseignants, démunis face à une tâche trop lourde, semblent favoriser un climat de tensions difficiles à apaiser.

Dimanche 17 décembre 2023, une vidéo est postée sur X (anciennement Twitter). On peut y voir un élève et un professeur se battre. Les faits remontent au 17 mai 2023, dans un lycée de Muret, près de Toulouse (Haute-Garonne). L'adolescent de 16 ans a fait irruption en pleine salle de classe pour agresser violemment son professeur, à cause de mauvaises notes qu'il aurait reçu.  

Depuis quelques mois, les violences des élèves contre leurs professeurs semblent se multiplier. Mardi 19 décembre 2023, dans un collège des Yvelines, un élève a tenté d'empoisonner une professeure d'arts plastiques en lui faisant boire du détergent. Cette dernière a été hospitalisée. Au mois de mars 2023, dans le Lot, un collégien en classe de 6ème a agressé sexuellement sa professeure. 

Des classes surchargées 

"On ne le vit pas bien", avoue Pierre Priouret, secrétaire académique du SNES-FSU Toulouse. La situation est très tendue avec les élèves." Comment expliquer de telles tensions ? "Les classes sont trop chargées. Si un élève est en difficulté, on a plus de mal à le repérer. Et à force d'être perdu dans leur apprentissage, certains le vivent comme une situation de violence", explique-t-il. 

Les enseignants observent également un manque criant de personnel pour mieux encadrer et accompagner les jeunes. Des infirmières scolaires et des psychologues notamment. Dans certains établissements, il y a parfois un CPE (conseiller principal d'éducation) pour 800 élèves. "Les professeurs qui se font agresser prennent pour tout un système qui n’a pas su prendre en charge les jeunes", insiste le professeur. 

Le stress et l'isolement 

Avec la réforme du bac, les élèves ont été répartis dans des troncs communs et le groupe de classe n'existe plus. Les horaires sont en décalé, la pause du midi n'est pas la même pour tout le monde et cette configuration isole les élèves et les professeurs. "On a plus le temps de discuter entre enseignants de la situation des élèves, affirme Pierre Priouret, et sans esprit de classe, les jeunes ont encore plus de mal à se confier." 

À cela s'ajoute "la pression" du contrôle continu. "On leur demande d'être tout de suite performants. Les professeurs se retrouvent en position d'évaluateur et non d'accompagnant, ce qui tend les relations." 

"On est démuni" 

Dans ce contexte fragile, "on a du mal à détecter les problèmes de jeunes, familiaux ou de harcèlement par exemple, qui peuvent mener vers le passage à l'acte. Un acte irrationnel, mais qui est souvent la goutte d'eau qui fait déborder le vase, se désole Pierre Priouret. "On est démuni car ce n'est pas notre mission de prendre en charge ces jeunes. On est maltraitants involontairement."

Selon l'enseignant, le corps professoral ne se sent pas assez soutenu par sa hiérarchie. Il parle même d'une forme de déni institutionnel. "Il y a très certainement un regain dans l'expression violente mais parce que l’institution est violente. Les élèves intériorisent une forme de violence symbolique", conclut-il. "Mais nous ne sommes pas des punching-balls." 

Plus de prudence 

Dans un entretien donné à nos confrères de l'AFP, le sociologue Benjamin Moignard, professeur à l'université de Cergy et spécialiste du climat scolaire, relativise ce climat de tension. Il assure que, depuis les années 2000, les violences envers les enseignants sont plutôt stables, voire même se réduisent. Il précise tout de même que les établissements en grande difficulté restent "confrontés à des formes de ségrégation très fortes et à des rotations d'équipes très importantes. Pour eux, c'est plus dur aujourd'hui qu'il y a 20 ans." 

Les agressions mortelles de Samuel Paty et Dominique Bernard ont fait bouger les lignes. Le sociologue souligne le fait que le traumatisme de ces épisodes donne une sensibilité nouvelle aux professeurs. "Ils se sentent menacés. Ils sont alors plus prudents sur certains événements qui, auparavant, pouvaient paraître sans conséquence." Benjamin Moignard assure que l'action publique face aux violences à l'école ne peut pas se contenter de mesures qui visent seulement cette violence. "Les moyens humains sont indispensables, en particulier dans les établissements les plus ségrégués, mais aussi des aménagements nécessaires au travail collectif".

Nous nous sommes questionnés sur le nombre d'agressions qui avait eu lieu ces dernières années dans la région. Selon le syndicaliste Pierre Priouret, le rectorat possède ces chiffres. Nous avons contacté l'académie de Toulouse, qui nous a assuré que des chiffres au niveau local n'existaient pas. 

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