Jérôme Dantin a vu son fils de 17 ans, Mathias, s'effondrer à quelques mètres de lui lors d'un plaquage de rugby aux conséquences désastreuses. Mathias est tétraplégique suite à cet accident qui s'est déroulé à Tarbes (Hautes-Pyrénées) le 14 décembre dernier.
Mathias Dantin, 17 ans, disputait un match scolaire en décembre 2022 à Tarbes dans les Hautes-Pyrénées lorsqu'il a été plaqué et écrasé sous le poids de son adversaire qui a perdu l'équilibre. L'adolescent ne sentait plus son corps. Il est tétraplégique. Son père a accepté de revenir sur ces évènements, notamment pour remercier toutes les personnes qui se sont mobilisées et se mobilise aujourd'hui pour son fils. Entretien réalisé par Florent Motey.
France 3 : Que s'est-il passé le 14 décembre dernier pendant ce match ?
Jérôme Dantin : Mon fils a fait un match correct, il a bien joué. À la dernière minute du match, alors qu'ils avaient gagné le tournoi, le ballon est arrivé à 10 mètres de moi le long de la touche. Mon fils est arrivé pour ramasser le ballon et a vu arriver un jeune qui lui aussi venait pour ça. Mon fils, étant arrivé le premier, a pris le ballon et l'autre a voulu le plaquer. Mathias a lâché le ballon.
Le souci, c'est que ce jeune a pris les jambes de mon fils, les a soulevées et a fait 2-3 pas vers la touche. Il a perdu le contrôle. Il a fait tomber Mathias mais il ne l'a pas lâché. Le poids l'a entraîné. Il s'est écrasé sur mon fils et les cervicales ont pris. J'ai compris tout de suite, je suis allé vers mon fils en l'appelant : Mathias, Mathias... Et lui a dit tout de suite : ça a craqué, je ne sens plus mon corps, appelle les pompiers ! Un secouriste de montagne que je remercie énormément, mon fils tout comme moi, a pris les choses en main et fait le relais avec les pompiers.
France 3 : Vous avez compris tout de suite que c'était grave...
Jérôme Dantin : Quand j'ai vu le geste, j'ai senti la douleur. Mais quand je suis arrivé sur lui, je n'ai pas voulu le croire. Je lui prenais les jambes en disant tu me sens ? Je lui prenais les bras : tu me sens ? Lui avait compris. Pour moi, mon fils, il était mort. Même si il me parlait, il était mort. C'est ce que j'ai ressenti. Quand ma femme est arrivée en courant, ils lui avaient mis une couverture sur son corps, elle a cru de loin qu'il était mort.
France 3 : Le match a lieu dans le cadre de l'UNSS ?
Jérôme Dantin : Oui. Il était capitaine. En plus comme c'est un gosse qui est meneur dans ce qu'il entreprend, sa prof l'avait pris comme capitaine. C'est lui qui dirigeait l'équipe. Comme il adorait le rugby, qu'il est dans le milieu du rugby, elle s'appuyait sur lui. Ils avaient fait un tournoi dans lequel il n'avait pas pu jouer parce qu'il était blessé et c'était lui qui avait été pris comme coach. C'est un meneur, il se faisait plaisir en jouant ce rôle.
France 3 : comment vous vivez les choses aujourd'hui ?
Jérôme Dantin : C'est le ressenti de l'impact. Mathias a fait une commotion l'année dernière lors d'un plaquage. Il avait mal plaqué et il s'était pris le genou dans la tête. J'ai eu la même réaction. J'étais dans les tribunes, je suis venu le voir. Il voulait re-rentrer et moi je ne voulais pas. Mais il est re-rentré et ça s'est bien passé. C'est la réaction d 'un père envers son fils.
J'ai tous les sentiments qui passent quand je le regarde : de joie, de fierté, de peur parce que dans un match de rugby, on sait que ça peut être un combat. Mais c'est toujours dans la régularité, le respect... Là, pour moi, le plaquage n'a pas été régulier et n'a pas été respecté, c'est tout. C'est ce que j'en ressens et ce que j'ai vu.
France 3 : l'élan de solidarité qu'on a pu constater vous touche ?
Jérôme Dantin : Les premiers jours je ne comprenais pas parce que de la part des proches, c'est normal, on connaissait Mathias, sa gentillesse, son dévouement... On est triste pour lui et pour nous. Mais tout ce dévouement j'ai été surpris, je ne comprenais pas, je me disais qu'est-ce qu'on a de plus.
Aujourd'hui j'en suis fier pour lui. On veut comme tout parent, on veut que nos enfants soient les meilleurs. On est très simple, on travaille très simplement comme tout le monde. On n'a pas besoin d'être sous les projecteurs. Mais là, je suis fier maintenant oui, parce que Mathias, en a besoin. Parce que Mathias, il souffre. Parce que c'était un gosse athlétique et là de se voir comme ça, depuis 3 semaines dans un lit, il a l'impression de ne plus pouvoir faire grand chose. Alors là oui, je suis fier parce que ça lui fait du bien, ça nous fait du bien. Et les deux années qu'on a passé avec le Covid, moi qui travaille dans le commerce, j'ai vu les gens devenir individualistes, aigris. Mais je me rends compte qu'il suffit qu'il se passe quelque chose et les gens peuvent redevenir aimants, des humains quoi...