Affaire Laporte-Altrad : le procès de 5 piliers du rugby français accusés de corruption et trafic d'influence s'ouvre à Paris

Ils sont cinq prévenus attendus dans le box des accusés, ce mercredi, au tribunal correctionnel de Paris. Bernard Laporte, Mohed Altrad, Serge Simon, Claude Atcher et Benoît Rover. Ils vont comparaître jusqu'au 22 septembre pour soupçons de corruption et trafic d'influence dans une affaire qui remonte à 5 ans.

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L'enquête a été ouverte en 2017 pour examiner notamment les liens entre Bernard Laporte, patron de la Fédération française de rugby et Mohed Altrad, président du MHR, le club de rugby de Montpellier et homme d'affaires dans le BTP.
Depuis, le Parquet national financier s'est appuyé sur un rapport de la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) pour traduire les 5 accusés en justice.

En 76 pages, les policiers détaillent les conditions d'attribution du sponsoring du maillot du XV de France, au groupe Altrad, le contrat d'image signé entre les deux hommes et les appels de Bernard Laporte à Jean-Daniel Simonet, le président de la commission d'appel de la FFR.

Afin de pouvoir accéder au dossier et participer aux débats, la Fédération française de Rugby s'est constituée partie civile.

L'enquête du PNF

Selon l'enquête du Parquet national financier (PNF), Bernard Laporte, ancien secrétaire d'Etat aux Sports de Nicolas Sarkozy (2007-2009) s'est notamment rendu coupable de "prise illégale d'intérêt", "corruption passive" et "trafic d'influence passif" au bénéfice principal de Mohed Altrad. Leurs liens d'amitié et d'affaires forment le coeur du dossier.

En février 2017, les deux hommes signent un contrat d'un an aux termes duquel Bernard Laporte, président de la FFR depuis décembre 2016, accepte de participer à des séminaires pour le groupe Altrad et lui cède son droit à l'image. Le tout en contrepartie d'une rétribution de 180.000 euros. Bernard Laporte finira par renoncer à ce contrat avec le groupe Altrad.

Problème, selon l'accusation, si cette somme est bien versée dès 2017, le contrat ne sera jamais exécuté.
Parallèlement, pendant cette période, le patron du rugby français intervient plusieurs fois en soutien du dirigeant du MHR, alimentant des soupçons de favoritisme dont la justice a été saisie fin 2017, sur signalement du ministère des Sports.

En mars 2017, Bernard Laporte signe ainsi, au nom de la FFR, sans aviser sa division marketing, un contrat de partenariat de 1,8 million d'euros qui fait de Mohed Altrad le premier sponsor maillot de l'histoire du XV de France. Le nom du groupe basé à Montpellier y figure encore aujourd'hui en vertu d'un autre contrat de 35 millions d'euros, conclu en janvier 2018, également sous les auspices de Bernard Laporte. Le PNF y voit la marque d'une corruption.

D'autres "interventions" de Bernard Laporte surprennent les enquêteurs. En juin 2017, il prend contact avec la commission fédérale de discipline qui a infligé en appel au MHR, une amende de 70.000 euros et ordonné la suspension de son stade pour un match. Après ce coup de téléphone, la sanction sera ramenée à 20.000 euros pour le club de son ami Altrad.
En mars 2017, Bernard Laporte et sa fédération s'opposent également à la décision de la Ligue nationale de rugby (LNR) de reporter deux matches du Top 14, dont l'un devait être disputé par Montpellier, un report auquel Mohedd Altrad était notoirement opposé.

Les 2 hommes feront l'objet de gardes à vue et de perquisitions.

Le procès de la "légalité"

Saisi, le Conseil d'Etat donnera raison à la Ligue de rugby en mettant en doute "la légalité" de la décision de la FFR. Derrière toutes ces interventions, le PNF décèle des renvois d'ascenseur illicites quand la défense de Bernard Laporte dénonce de "faux liens de causalité" et rappelle qu'il a renoncé à son contrat avec Mohed Altrad à l'été 2017, après les premières révélations dans la presse.

Le procès se penchera également sur les liens de Claude Atcher avec la FFR entre 2017 et 2018, quand sa société Sport XV se voit confier quatre missions, en lien principalement avec la candidature française à la Coupe du monde 2023.
Selon l'accusation, l'une de ces missions (des conseils de gouvernance évalués à 21.000 euros) n'a jamais été réalisée, ce qui n'empêchera pas Bernard Laporte de signer un avenant octroyant à Sport XV une prime de 30.000 euros.
Au total, le préjudice pour la FFR sera évalué par les enquêteurs à 80.400 euros.

Depuis 2017, cette enquête à tiroirs a secoué le monde du rugby et fragilisé Bernard Laporte, sans l'empêcher toutefois d'être réélu à la tête de la Fédération de rugby fin 2020.

Il est serein. Il a l'état d'esprit d'un compétiteur.

Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, avocat de Bernard Laporte.

AFP

Des piliers du rugby à la barre

Qui sont les cinq hommes qui vont comparaitre devant le tribunal correctionnel de Paris jusqu'au 22 septembre ?

Bernard Laporte, 58 ans, l'ancien sélectionneur du XV tricolore de 2000 à 2007 et actuel président de la FFR, tentera de contrer l'accusation qui fait de lui la pierre angulaire d'un système de favoritisme impliquant l'homme d'affaires multimilliardaire et président septuagénaire du Montpellier Hérault Rugby, Mohed Altrad et Claude Atcher, 66 ans, récemment suspendu de ses fonctions de directeur général de la Coupe du monde 2023.

Le vice-président de la Fédération Serge Simon (55 ans) figure également parmi les cinq prévenus avec Benoît Rover, 43 ans, associé et bras droit de Claude Atcher, depuis 20 ans, au sein de la société "Sport XV".

"Les griefs faits à Bernard Laporte sont parfaitement artificiels, notamment parce que les actes accomplis l'ont tous été dans l'intérêt de la fédération", a assuré à l'AFP son avocat, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, il y a quelques jours.

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