La société de sécurité APS Sud a facturé plus de 260 000 euros à l'université Montpellier 3. Un ancien garde du corps de Macron y travaille. Le devis a été transmis à la direction de l'université par une responsable LREM. La société a obtenu le marché sans appel d'offres ni mise en concurrence.
L'histoire est révélée par nos confrères de Mediapart. L’entreprise de sécurité APS Sud a facturé plus de 260 000 euros à l’université Montpellier 3. Un ancien garde du corps de Macron travaille dans cette entreprise, dont le devis a été transmis à la direction de l’université par une responsable de LREM.
APS Sud a obtenu le marché sans appel d’offres ni mise en concurrence, alors qu’une autre entreprise était déjà sous contrat avec l’université.
Tensions extrêmes
L’entreprise APS Sud a commencé sa mission sur le campus de l'université Paul-Valéry le 13 avril, dans un contexte de forte tension sociale. Deux jours plus tôt, un groupe de manifestants opposés à la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (loi ORE) avait attaqué la salle des serveurs de l'université afin d’empêcher la tenue des examens en ligne. D'où la volonté de la présidence de l'établissement de multiplier les postes d’agents de sécurité présents sur le campus en grève. Mais, plutôt que de prendre des renforts chez Prosegur, le prestataire habituel de l’université, qui a remporté le marché de sécurisation de l’établissement, l'université s'est tournée vers une autre société de sécurité, APS Sud, une petite structure basée à Narbonne.Ancien garde du corps d'Emmanuel Macron
Moustapha Bouzbiba, le patron d’APS Sud, a su qu'il y avait des besoins à Montpellier. Il dit avoir contacté Kader Rahmouni, ancien garde du corps d’Emmanuel Marcon (présent avec Alexandre Benalla sur le site de l'usine Wirlpool ou lors du passage du candidat à la présidentielle à Albi).Après l'élection présidentielle, M. Rahmouni a travaillé pour la députée LREM de la 3e circonscription de l'Hérault, Coralie Dubost.
Devis transmis par une représentante de LREM
Le premier devis d'APS Sud a été transmis à la direction de l’université par Charlyne Péculier, représentante locale de LREM, référente pour la région Occitanie des Jeunes avec Macron, et collaboratrice de la députée Coralie Dubost.Le président de l’université, Patrick Gilli, a expliqué à Mediapart qu'APS Sud a été "sélectionnée pour ses compétences" et parce qu’elle était en capacité de répondre "aux besoins de renforts exceptionnels".
Facturée 17 300 euros, la première mission d’APS Sud, du 13 au 17 avril, a été la première d’une longue série. Selon les calculs de Mediapart, l’entreprise a touché plus de 260 000 euros depuis qu’elle a été recrutée par l’université Paul-Valéry : autour de 230 000 euros au printemps 2018, mais aussi 30 000 euros pour la mobilisation sociale de la rentrée. L'université n'a pas confirmé ces informations.
Sans appel d'offres
Selon les statuts de Paul-Valéry, le président n’a une délégation de signature que pour les prestations inférieures à 40 000 euros. Ce seuil passe à 500 000 euros pour les dépenses relevant des marchés publics. Mais les prestations d’APS Sud n’ont fait l’objet d’aucun marché. Son président a, pour cela, déclaré que l’université était en "situation d’urgence impérieuse" (en lien avec le saccage de la salle des serveurs).APS meilleure que Prosegur ?
Interrogé par Mediapart, Patrick Gilli répète cet argument. "Face à ce type de situation exceptionnelle, les dégradations et violences ayant atteint un niveau sans précédent, la société Proségur, détentrice du marché et présente depuis le début du conflit, n’a pu répondre aux multiples sollicitations dues aux blocages répétés compte tenu de la surface à maîtriser sur les campus route de Mende (10 hectares) et Saint-Charles".Proségur sécurise des aéroports, convoie des fonds, supervise des systèmes de télésurveillance et emploie quelque 5 500 collaborateurs dans plusieurs villes en France. Ses dirigeants n'auraient pas été sollicités pour des prestations complémentaires au printemps 2018.
La réponse de l'université
L'Université a publié une réponse à l'article, ce mardi après-midi. Dans le communiqué, le directeur de la communication rappelle que l'établissement a bien demandé à Proségur de "renforcer ses effectifs", mais que celle-ci n'a pas su répondre à cette demande. Le communiqué précise que la direction de Prosegur "n’a reçu aucun appel de la rédaction de Médiapart pour confirmer ce point". Proségur n'a pour l'instant pas encore répondu à notre demande de confirmation.Concernant les contrats avec APS passés sans appel d'offre : "cela s’est fait dans le strict respect de l’article 30 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016, au titre de l’urgence impérieuse, dont les conditions étaient pleinement remplies en l’espèce."
Une opération certes légale, mais là n'est pas l'objet de l'article de Médiapart. À ce propos, l’université répond "qu'elle a contractualisé avec des sociétés et en aucun cas avec un individu dont le contrat relève exclusivement de la responsabilité de son employeur".
Sur la question de nombre important de contrats suivant cette intervention précise, l'établissement précise : "Lorsque de nouvelles menaces de blocage se sont manifestées, ne sachant pas quelle serait l’ampleur des risques après une nouvelle occupation de l’amphi A le 3 octobre 2018, nous avons, de manière préventive, de nouveau fait appel à la société APS sud pour un soutien ponctuel."
Un étudiant dénonce une "police politique"
Alexis, étudiant et élu du CEVU (Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire) de l'université, a réagi aux éléments révélés par Mediapart.