Vendredi 4 mars, nous connaîtrons enfin les candidats en lice pour l’élection présidentielle, ceux ayant obtenu les 500 signatures d’élus. Mais pour beaucoup, le compte n’y est pas. Dans le Gard et dans l’Hérault, des élus tentent de trouver des solutions pour répondre à cette crise des parrainages.
A moins d’une semaine de la date butoir, la pression monte pour les candidats à l’élection présidentielle. D’ici le 4 mars prochain, chacun doit avoir obtenu 500 signatures de maires pour pouvoir se présenter au premier tour. Mais certains, ayant pourtant d’importantes intentions de vote dans les sondages, sont loin d’avoir les parrainages nécessaires. Il en manque par exemple une centaine à Marine Le Pen et Eric Zemmour.
Un vote des habitants organisé à Popian dans l’Hérault
Comme de nombreuses communes rurales, Popian, dans l'arrière-pays de l'Hérault, est dirigée par une équipe municipale sans étiquette partisane. La maire de ce village de 350 habitants avait donc décidé de ne parrainer personne. Mais face aux difficultés rencontrées par plusieurs candidats, elle fait finalement volte-face et demande l’avis de ses administrés en organisant un vote. “L’idée, c’est quand même de parrainer un candidat qui représente un pourcentage important des intentions de votes, c’est-à-dire des millions d'électeurs”, précise Marie-Agnès Sibertin-Blanc, la maire sans étiquette de Popian. “Mais par principe, ce n’est pas mon candidat, donc je laisse le choix aux habitants de Popian de le designer.”
Une initiative saluée par les habitants comme l’exprime l’un d’entre eux : “je trouve que c’est une très bonne initiative. La seule chose qui est un peu dommage c’est que ça aurait dû être fait plus tôt, de façon à donner l’idée à d’autres maires de faire la même chose, il faut espérer que certains copient cette initiative.”
La situation m’a semblé très très inquiétante. C’est un véritable danger démocratique.
Marie-Agnès Sibertin-Blanc, maire SE de Popian
Une liste de réserve de parrainages
A Marguerittes, près de Nîmes dans le Gard, le maire s'est lui aussi décidé à parrainer un candidat au dernier moment. Il s'est inscrit sur une liste d'élus prêts à donner leurs signatures à ceux qui en manquent. “Je me suis dit qu’il était de ma responsabilité de faire en sorte que la pluralité des idées soit présente le 10 avril pour le premier tour de l'élection présidentielle”, explique Rémi Nicolas, le maire sans étiquette de Marguerittes.
Pourtant au départ, lui non plus ne comptait pas donner sa signature à un candidat. C’est le premier mandat de ce maire, et c’est donc aussi la première fois qu’il se retrouve face à cette possibilité de donner son parrainage. “Le parrainage est souvent associé à un soutien mais moi je ne suis pas membre d’un parti politique”, analyse Rémi Nicolas. “Mon conseil municipal est constitué de citoyens de toutes tendances politiques, voire sans tendance politique donc je ne voulais pas associer d’étiquette politique à mon mandat.”
L’initiative de réserve de parrainage, imaginée par François Bayrou permet donc ce compromis. Rémi Nicolas ne sait pas à qui ira sa signature, cela dépendra des candidats en ayant besoin à la veille du 4 mars. “Je vais me retrouver à parrainer un candidat pour lequel je ne voterai pas”, précise le maire. “Mais il y a la posture du candidat dans l’isoloir qui s’exprime librement et en conscience, et il y a la posture de l’élu qui représente la République et qui doit permettre aux citoyens de s’exprimer, ce sont deux choix différent. L’un est personnel, l’autre est une position en responsabilité.”
Un système grippé depuis la publication des parrainages
Les parrainages sont désormais rendus publics, et les élus veulent à tout prix éviter des reproches et des tensions à cause de leur choix. C’est pour cette raison que la majorité des maires non encartés s’abstient de se positionner et que la réserve des signatures possibles a drastiquement diminué. “Cela s’explique aussi par le fait que les partis eux-mêmes ont beaucoup moins d’enracinement territorial”, analyse Emmanuel Négrier. Il est politologue et chercheur au CNRS. “La vie politique partisane a quasiment disparu des villages. D’un seul coup, donner à un candidat un parrainage, ça représente un décalage problématique, et ça devient d’un coup exorbitant quand il s’agit de parrainer un candidat qui sort du pacte républicain.”
Pour les électeurs, voir identifier leur maire à un candidat en particulier, peut passer facilement pour un ralliement à cette personne ou peut être instrumentalisé dans une lutte pour le pouvoir à l'échelle locale.
Emmanuel Négrier, politologue chercheur au CNRS
Un système à bout de souffle ?
“Le système des parrainages a atteint ses limites”, livre Marie-Agnès Sibertin-Blanc, la maire de Popian. “L’exercice de la libre expression populaire repose sur 40 000 élus et parmi eux, nombre sont encartés et ont des instructions de leur appareil politique donc seuls les maires des petites communes, qui ne sont pas encartés peuvent exercer librement ce parrainage.” Mais ces maires étant réticent à engager leur signature, les candidats n’appartenant pas à de grands partis politiques sont sanctionnés. La maire de Popian insiste donc sur la nécessité de changer de système, revenir à des parrainages anonymes par exemple, ou alors utiliser un groupe composé à la fois d’élus et de citoyens pour fournir ces signatures.
Pour le politologue Emmanuel Négrier, de nombreuses solutions sont possibles mais toutes ont leurs contraintes. “Nous avons déjà parlé de la réforme qui consiste à faire passer les parrainages depuis les élus vers la population entière", précise-t-il. "Mais cela entraîne des risques de dérives populistes encore plus accentuées. Il y a une deuxième possibilité, c’est de donner aux maires la possibilité de faire un vote à l'échelle municipale à ce sujet, que ce soit dans le conseil municipal ou dans la population entière. Le problème, c’est que les préfets, dans certains départements, ont interdit cette procédure.” Enfin, dernière possibilité émise par le politologue, celle du tirage au sort : donner aux élus la possibilité de tirer au sort entre les candidats, tout en excluant au préalable certains candidats en expliquant pourquoi. Mais cette solution a déjà été rejetée par le Conseil constitutionnel.
Pour le moment, seuls 25% des élus ont signé un parrainage, contre 35% en moyenne lors des précédentes élections présidentielles.