Témoignage. "J'ai pris l'amour de la nourriture en remplacement de l’amour de ma mère" : le quotidien éprouvant de Muriel, 150 kg

Publié le Mis à jour le Écrit par Delphine Aldebert et Angélique Le Bouter

Muriel Bismuth est malade de son addiction à la nourriture. Elle nous confie ses problèmes de santé et les difficultés qu'elle rencontre dans sa vie quotidienne. Aller au cinéma, au restaurant ou chez le médecin est devenu, petit à petit, une épreuve. (1ère publication le 4 mars 2023 à l'occasion de la journée mondiale contre l'obésité).

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Trois fois par semaine, Muriel se rend dans un centre de sport adapté où elle pratique des séances d’aquagym prescrites par ordonnance aux personnes souffrant de problème de poids. C'est là-bas, dans ce bassin où elle fait de l'exercice "pour [s]on bien-être personnel" et pour compenser d'éventuels "débordements alimentaires" qu'une équipe de France 3 Occitanie a interviewé cette ancienne magistrate de 58 ans qui souffre d'obésité morbide. 

Rapport à la nourriture

Quand on lui parle de son rapport à la nourriture, Muriel avoue que c'est "compliqué". "Je ne fais pas à manger. C'est l'auxiliaire de vie qui me fait à manger parce que c'est trop compliqué la nourriture."

Il y a une période où la nourriture, c'était comme un compagnon. La solitude faisait que je rentrais dans une bulle et la seule personne que j'autorisais à rentrer dans cette bulle, c'était la nourriture.

Muriel, 58 ans

"Ma mère ne m'aime pas, à quoi ça sert d'être jolie ?"

Ces troubles alimentaires, Muriel les lie à sa relation avec sa mère qui, dit elle, ne l'a pas désirée. "Ça a commencé à la naissance : une maman qui ne s’est pas mariée par amour. Elle a eu un premier mari qui est décédé et il lui est resté ses cinq enfants de un an à 13 ans. Donc quand elle a rencontré mon père qui était un ami, elle s'est mariée avec lui pour les enfants mais pas par amour."

Malheureusement, elle est tombée enceinte de moi. Elle avait 49 ans. Donc elle n’avait pas du tout envie d'avoir une grossesse et ses enfants l'ont très mal pris.

Un manque d'amour et un sentiment de rejet que Muriel a compensé avec de la nourriture. "Ma mère ne m'aime pas donc à quoi ça sert d'être une enfant jolie ? À quoi ça sert parce que de toute façon, elle ne m’aime pas, mes frères ne m’acceptent pas. J'étais déjà un rejet de la société donc je leur ai donné raison."

Échapper au regard des autres

Manger et voir son corps se transformer a été pour la cinquantenaire une façon d'échapper au regard des autres. "Ça voulait dire que j'étais ronde, explique-t-elle. Ainsi, les autres personnes me trouveraient moins attirante." Au-delà du regard, c'était échapper aussi à tout contact physique. "Je partais avec un handicap parce que je ne voulais pas qu'on me touche. Donc prendre du poids, c'était aussi ne pas être touchée."

Si Muriel est isolée, elle n'est pas seule pour autant. L’obésité a doublé en France depuis 1997, passant d’environ 9% de Français à 17% en 25 ans. Un Français sur six est touché. L’obésité cause de nombreuses maladies, mais aussi des problèmes psychologiques et sociaux. Elle est également responsable d’une diminution de la qualité de vie des personnes qui en souffrent, comme Muriel. 

"On finit par se retrouver seule"

Ces difficultés familiales ont entraîné l'obésité morbide qui, à son tour, est la cause de bien des problèmes au quotidien. "Il y a très peu de temps, j'ai été voir une gynécologue, elle m'a dit qu'elle ne pouvait pas m’ausculter parce que j'étais trop grosse pour sa table d'auscultation donc j'ai payé mais je n’ai pas été auscultée. Quand je vais au cinéma, on va me dire de prendre plutôt un strapontin, ça coûte moins cher que les sièges. Si je veux manger dans un restaurant, il faut que je m'assure que les sièges soient bien pour personne en obésité morbide et je peux vous donner plein d'exemples."

J'ai été voir une gynécologue, elle m'a dit qu'elle ne pouvait pas m’ausculter parce que j'étais trop grosse pour sa table d'auscultation donc j'ai payé mais je n’ai pas été auscultée.

Par conséquent, "on va de moins en moins au restaurant. Les amis, on fait vite le tour de la question parce qu'ils ont envie de sortir etc. On leur refuse une fois, deux fois, trois fois parce que c'est compliqué de marcher parce que c'est compliqué de les suivre etc. Et on finit par se retrouver seule et toujours avec son obésité." Un inévitable repli sur soi. 

Mais ce repli, Muriel ne l'accepte plus. Psychologues, diététiciens, séances de sport... Elle se donne aujourd'hui les moyens de vaincre sa maladie et dire à adieu à son obésité grâce à un programme en lien avec le service de chirurgie digestive du CHU de Montpellier. A la rentrée, l'Héraultaise subira une opération. La "sleeve" consiste à ôter une partie de l'estomac d'un patient en surpoids. "Je sais que ça ne va pas résoudre tout parce que, en amont, il faut que je soigne cette addiction [à la nourriture, ndlr] pour ne pas retomber dedans après (...) Sinon, j'aurai subi une opération pour rien."

Sur six générations de personnes en obésité dans ma famille, je pourrais être la dernière.

"C'est une aide mais à voir beaucoup de personnes qui l'ont eue, si on veut lui donner toutes les chances de réussir, il y a plein de choses à faire avant. Et après. Et surtout après. Mais avant aussi et là pour l'instant, je n’ai pas fini de faire toute cette préparation. Donc il faut que je travaille dessus." L'opération est prévue en septembre. D'ici là, Muriel doit encore maigrir pour atteindre tous ses objectifs. 

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