Meurtre de Patricia Bouchon : l'avocat de l'accusé dénonce avant l'audience "la construction de ce coupable est factice"

Le procès en appel de Laurent Dejean s’ouvre ce lundi devant la cour d’assises d’Albi. Il est accusé du meurtre de Patricia Bouchon en mars 2011. Lors de l’audience en première instance à Toulouse, il a été condamné à 20 ans de réclusion. Son avocat va plaider l'acquittement.

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Patricia Bouchon avait disparu en février 2011, lors d'un footing autour de chez elle à Bouloc (Haute-Garonne) un peu avant cinq heures du matin. Son corps avait été retrouvé 42 jours plus tard à une dizaine de kilomètres de son domicile. Un témoin affirmait avoir croisé la joggeuse ce jour-là puis quelques minutes plus tard, une Clio sur la chaussée tout feux éteints avec un homme au volant.
Un portrait robot avait notamment mis les enquêteurs sur la piste d'un suspect. Après quatre ans d'enquête, Laurent Dejean avait été mis en examen. Un plaquiste aujourd'hui âgé de 42 ans.

Lors de son procès en 2019, l’avocat général de la cour d’assises de Toulouse avait, à la surprise générale, demandé l'acquittement de Laurent Dejean. Mais les jurés l'ont condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Il a fait appel. D'où ce nouveau procès à Albi.

Entretien avec son avocat, maître Karim Chebbani.

France 3 Occitanie - Quelle est la particularité de cette affaire ?

Maître Karim Chebbani : C’est une configuration très particulière car deux avocats généraux se sont succédés. Le premier pour dire qu’il n’y avait pas lieu à un débat devant une cour d’assises, le second qui, après étude du dossier, a dit que l’on ne pouvait pas condamner et qu’il fallait acquitter. Parce qu’il n’y a pas de preuve.

Ce monsieur est depuis six ans en prison. On est dans une situation extraordinaire dans la mesure où la défense et l’accusation étaient d’accord pour dire qu’il fallait appliquer la loi strictement et ne pas condamner et pourtant la cour d’assises de Toulouse a condamné. Si on veut la qualifier, sans emphase, c’est une erreur judiciaire. Au sens technique du terme. La loi a été violée dans le sens où il y avait un doute colossal, il n’y avait pas de preuve mais la cour d’assises a quand même condamné. Et cela, la loi ne le permet pas. C’est ce qui fonde l’appel et bien évidemment nous allons soutenir l’acquittement.

Pourquoi les jurés l'ont condamné, selon vous, si l’avocat général avait demandé l’acquittement ?

Maître Karim Chebbani : Un procès d’assises se compose de beaucoup d’éléments. On souhaiterait que l’élément rationnel soit prépondérant mais il y a un rapport émotionnel, l’empathie que l’on a ou pas pour les parties au procès. Ce sont des troubles énormes pour les jurés d’assises de participer à une affaire comme celle-là. Les décisions de ce type, on peut difficilement les expliquer.

Il y a malgré tout des indices importants ?

Maître Karim Chebbani : Les indices c’est quelque chose qui vous met sur une piste. Il y a un fossé moral et juridique entre ce qui relève de la suspicion et ce qui relève de la culpabilité. La difficulté, c’est que pour passer au stade de la culpabilité on ne peut pas se contenter de la suspicion.

Et la Clio aperçue par un témoin le matin de la disparition de Patricia Bouchon et qui pourrait être la voiture de Laurent Dejean ?

Maître Karim Chebbani : Le témoin n’a pas vu la Clio de Monsieur Dejean, il a vu une Clio gris anthracite et c’est un véhicule de grande série. On va chercher à faire un lien déterminant avec ce témoin mais c’est une aberration ! Ce témoin a été hésitant, il a changé trois ou quatre fois de version. Il n’a pas reconnu Laurent Dejean la première fois et il a fini par dire qu’il le reconnaissait et qu’il en était sûr quasiment à 90 %.

Votre client aussi a hésité ; il avait dit qu’il n’avait pas de Clio…

Maître Karim Chebbani : Mon client, c’est un majeur protégé sous curatelle d’Etat renforcée. C’est une personne vulnérable. Il a des pathologies psychiatriques. Mettez-vous à la place d’une personne entendue comme suspect par des policiers. Vous avez une voiture qui n’est pas référencée, qui n’a pas de carte grise, pas d’assurance. Et dans la discussion, vous comprenez que la reconnaissance de ce véhicule vous désigne comme le meurtrier. Il a eu peur. Tout est fait pour rattacher Laurent Dejean à ce crime mais de façon artificielle et j’espère que le procès d’assises permettra de voir que la construction de ce coupable a été factice.

Dans quel état d’esprit est-il à quelques jours de l’ouverture du procès en appel ?

Maître Karim Chebbani : Il mesure l’enjeu. Il a beaucoup d’espoir mais c’est une personne vulnérable et j’insiste sur ce point. Ce monsieur s’est retrouvé aux Assises, il a compris le rôle des uns et des autres. Il a entendu l’avocat général requérir l’acquittement et il ressort de là avec une condamnation à 20 ans de prison. Donc, il est plein d’espoir pour l’appel mais il est troublé par ce qui s’est passé.

Il a affirmé de façon systématique être innocent. Le problème c’est que l’on attend de lui une vérité. Je comprends la position des parties civiles. Ce sont des gens qui ont vécu un drame. On leur a dit après des années d’enquête : on tient le coupable ! Comment, psychologiquement, leur demander aujourd’hui d’être dans le rationnel et d’accepter l’idée que ce n’est peut-être pas lui le coupable ? Eux, n’en démordront pas et je ne leur en fais pas le grief parce que je pense qu’il faut les comprendre. Mais, il n’y a pas de mobile et pas de preuve. Il y a eu une scène de violence, il y a de l’ADN mais ce n’est pas celui de Laurent Dejean et on vient vous dire que ce n’est pas déterminant.

Mais qu’est ce qui est déterminant ? Les hypothèses ou les choses matériellement vérifiables ? Je pense qu’il faut demander aux jurés de la cour d’assises de statuer sur des choses certaines. Même si un trouble pourrait être généré pour les parties civiles de leur dire aujourd’hui que ce monsieur n’est probablement pas le meurtrier.

Il faut en rester sur l’application de la loi. Et c’est l’acquittement dans cette affaire.

Retrouvez le témoignage de la fille de Patricia Bouchon, Carlyne, ce lundi, jour de l'ouverture du procès du meurtrier présumé de sa mère.

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