Un jugement trop clément pour les victimes. Nadine Oliveira avait été jugée à Marseille pour blessures et homicides involontaires. Six enfants de 11 à 13 ans avaient été tués dans la collision entre un TER et un car scolaire le 14 décembre 2017 dans les Pyrénées-Orientales. La conductrice va faire appel.
Ce vendredi 18 novembre à 14 heures, les juges du tribunal correctionnel de Marseille ont rendu leur délibéré pour l'accident de car de Millas. Nadine Oliveira, reconnue coupable des faits de blessures et homicides involontaires "dans leur intégralité", est condamnée à 5 ans de prison dont 4 avec sursis.
Sous bracelet électronique
Une peine qu'elle purgera à domicile sous bracelet électronique. Elle est assortie de l'annulation des permis de conduire pendant 5 ans et de l'interdiction d'exercer toute fonction dans le domaine des transports "tant elle a fait preuve de désinvolture". Une peine en tous point conforme aux réquisitions du parquet.
Dimension punitive
Cette année ferme a été décidée par la présidente du tribunal "pour tenir compte de la dimension punitive" que doit comporter la peine face aux "conséquences irréversibles" des faits, a expliqué la magistrate, dans la salle des procès hors normes du tribunal judiciaire de Marseille, seule ville avec Paris à accueillir un pôle spécialisé dans les accidents collectifs.
La quinquagénaire était au volant du car scolaire percuté par un TER sur un passage à niveau à Millas dans les Pyrénées-Orientales, le 14 décembre 2017. Six enfants avaient été tués, 17 autres grièvement blessés.
Absents
Le délibéré a été rendu en l'absence de la prévenue. Hospitalisée en psychiatrie, après s'être effondrée à la barre le 22 septembre, au quatrième jour de son procès, elle n'était plus réapparue depuis.
Une absence qui avait découragé plusieurs familles de victimes de se rendre à Marseille pour suivre le jugement. Trois seulement ont fait le déplacement dont le père d'Ophélia Mathieu, décédée, Sylvain Sede, le père d'Enzo blessé et Iness El Oiazzani, blessée et sa mère Samira. Un délibéré auquel d'autres victimes ont en revanche assisté en direct de Perpignan où il a été retransmis comme l'ensemble du procès.
Un "désastre" pour les victimes
Pour Nacera Bresteau, la maman d'Elona, blessée dans l'accident, ce jugement "est un désastre".
J'attendais une peine de prison ferme, sans cette peine il n'y aura pas de réparation.
Nacera BresteauMère d'Elona, blessée dans l'accident
L'annonce de la culpabilité a été accueillie dans un silence total, mais des soupirs de protestation se sont fait entendre à l'annonce de l'aménagement de détention à domicile de la conductrice.
Une soixantaine de parties civiles (victimes directes et familles) étaient présentes dans la salle de retransmission du palais de justice de Perpignan.
Fabien Bourgeonnier, père de Loïc, petit garçon décédé s'est dit satisfait que le tribunal ait suivi les réquisitions du parquet sur l'interdiction définitive de conduire des transports en commun.
Je suis content qu'elle ne puisse plus conduire, au moins, elle ne mettra plus d'autres enfants en situation d'insécurité.
Fabien BourgeonnierPère de Loïc, décédé
Ainsi a réagi le père de la victime également président de l'association "A la Mémoire de nos anges", qui oeuvre pour l'aide aux victimes d’Accidents collectifs et l'amélioration de leur prise en charge.
Un soulagement de courte durée. Moins d'une heure après le jugement, les avocats de Nadine Oliveira, dénonçant "des méthodes de république bananière", ont annoncé qu'ils faisaient appel du jugement.
Un an ferme requis
Cinq ans d'emprisonnement dont quatre avec sursis probatoire avaient été requis par le procureur de la république, Michel Sastre. Selon lui, cet accident était consécutif à l'inattention et à l'imprudence de la conductrice. Le magistrat chargé de l'accusation avait d'ailleurs écarté "la fatalité" dans cette tragédie jugée par le tribunal judiciaire de Marseille, l'une des deux villes avec Paris à avoir un pôle spécialisé dans les accidents collectifs.
Appel
Nadine Oliveira a toujours maintenu que les barrières étaient levées au moment du terrible accident malgré les nombreux témoignages et les expertises qui affirmaient le contraire. Ses avocats avaient plaidé la relaxe. Ils ont immédiatement décidé de faire appel.
"On a un peu l'impression que nous ne sommes pas tout à fait dans un état de droit", a fustigé l'un des avocats de la prévenue, Me Louis Fagniez, mettant en cause l'impartialité du tribunal, notamment dans la désignation des experts ferroviaires.
Ecrit avec Laure Laure Galy, Marine Lesprit et l'AFP.