Entre Banyuls-sur-Mer et Cerbère, un incendie a ravagé 1 000 hectares de dimanche à lundi. Dans le vignoble, les vignes ont agi comme des coupe-feux. La disparition de certaines parcelles qui ne sont plus entretenues inquiète les viticulteurs.
L'incendie qui a éclaté dimanche 16 avril sur les hauteurs de Cerbère, dans les Pyrénées-Orientales, a été maîtrisé relativement rapidement grâce à un important déploiement de pompiers. Malheureusement, avant d'être contrôlées, les flammes ont brûlé plus de 1 000 hectares de la montagne.
Vu du ciel, c'est presque un damier de vert et de noir : les vignes dessinent la limite de l'incendie, limite très nette entre le coteau du vignoble travaillé et celui qui ne l'est pas.
Comme si les flammes avaient épargné des parcelles entières. Mais cette clémence n'est pas le fruit du hasard : c'est le rôle de la vigne qui est fondamental.
Une vigne coupe-feu
Au pied des vignes, on trouve de la pierre, de la terre mais pas d'herbe ni de broussaille. Alors le feu n'a aucune prise et de cette façon, il se retrouve naturellement stoppé.
"Le rôle du coupe-feu est très important, si et seulement si il y a beaucoup de vignes", explique Romuald Peronne, le président du cru Banyuls-Collioure.
Pourtant, aujourd'hui, entre Banyuls-sur-Mer et Cerbère, le vignoble n'est plus assez grand, ni assez entretenu : il perd chaque année 5 à 10% de sa surface.
Sur les 1 000 hectares qui ont brûlé, au moins les 3/4 étaient des anciennes vignes. Si les vignes avaient encore été présentes sur ces hectares là, vous pouvez être sûr que l'incendie n'aurait pas eu lieu, ou du moins à moindre mesure.
Romuald Peronne - Président du cru Banyuls-Collioure
Alors la question qui se pose, c'est : l'incendie aurait-il pu être moindre si le vignoble était mieux entretenu ?
En tout cas, c'est l'avis des viticulteurs qui rappellent le rôle coupe-feu des vignes, comme l'illustre le paysage strié de vert et de noir à cause du feu.
300 euros par hectare
Les vignes qui avaient été financées il y a 30 ans pour servir de coupe-feu ne sont aujourd'hui plus entretenues.
En effet, cet entretien représente un coût très lourd à porter pour les viticulteurs. Or, comme l'explique la conseillère viticulture GDA Cru Banyuls et Albères, les subventions actuelles, 300 euros par hectare, ne sont pas adaptées à la réalité du cru Banyuls-Collioure où les côteaux sont entretenus sans machine.
Aussi, cela devient très compliqué de reprendre des vignes à l'heure actuelle et d'essayer de les remettre en état.
Un désherbage chimique sur le cru coûte entre 300 et 400 euros, les alternatives aux herbicides coûtent entre 5 à 10 fois plus cher, et les coûts d'aménagement sont aussi très importants et très élevés : c'est deux fois plus qu'en plaine.
Claire Pou Conseillère viticulture GDA Cru Banyuls et Albères
Sauver le vignoble
Malgré tout, les viticulteurs tentent de sauver le vignoble.
C'est le cas de Jean-Pierre Centene, président de la cave L'Étoile qui a racheté des anciennes parcelles coupe-feu grâce à des investisseurs privés. Si cette aide est efficace pour acheter, elle n'aide pas à l'entretien des vignes.
"Pour l'intérêt général, il faudrait accepter que ces parcelles coupe-feu puissent être soutenues à l'aide de subventions, ce qui permettrait de continuer à les exploiter", indique Jean-Pierre Centene.
À terme, d'autres solutions pourraient être envisagées pour entretenir les coteaux, telles que l'élevage ou le brûlage préventif.
Ecrit avec Marie Boscher.