En 2022, EDF a dû demander l'application d'un régime dérogatoire pour "situations exceptionnelles" afin de maintenir en fonctionnement cinq centrales dont Golfech (Tarn-et-Garonne). EDF a engagé des discussions sur ce sujet avec l'ASN. Objectif : modifier les arrêtés encadrant les rejets d'effluents des centrales.
L'année dernière, EDF a sollicité des dérogations pour "situations exceptionnelles" compte tenu de la canicule afin de permettre le refroidissement des réacteurs nucléaires de cinq centrales : Saint-Alban (Isère), Tricastin (Drôme), Bugey (Ain), Blayais (Gironde) et Golfech (Tarn-et-Garonne). En effet, les centrales pompent l'eau pour le refroidissement des réacteurs, avant de la rejeter. Pour Golfech, c'est la Garonne qui est mise à contribution. Trois ans plus tôt, toujours en raison de la canicule, le CNPE avait même été dans l'obligation de stopper sa production.
En août 2022, des réacteurs ont même été contraints d'abaisser leur production en raison des températures élevées des cours d'eau utilisés pour leur refroidissement. Le réchauffement étant désormais inéluctable, EDF estime qu'il va être de plus en plus difficile de respecter les limites de température à l'aval des rejets des centrales nucléaires dans les fleuves et rivières.
Plus de plafond maximum
La suppression de cette limite pour certaines centrales constitue "l'orientation principale" des modifications réglementaires demandées par EDF, a expliqué Cécile Laugier, directrice environnement et prospective de la direction de la production nucléaire de l'électricien à nos confrères d'Actu-environnement.com. EDF a fait appel à l'ASN, l'Autorité de sûreté nucléaire, pour "réinterroger le cadre réglementaire".
L'entreprise veut que soient prises en compte les évolutions des températures des fleuves et des régimes hydrologiques. Elle compte demander une révision des textes pour les centrales les plus exposées dont Golfech fait partie. D'après Cécile Laugier, il arrive que l'eau puisée en amont soit très proche ou dépasse la limite imposée pour le rejet, ce qui rend impossible son respect. L'entreprise défend donc une suppression de ce plafond pour les centrales équipées de tours aéroréfrigérantes.
Pause sur l'environnement
Il n'y a pas encore eu de demande officielle, mais les discussions vont bon train. "On essaie de faire remonter dans la file les dossiers prioritaires concernant les cinq centrales qui ont fait l'objet d'arrêtés dérogatoires", explique Cécile Laugier.
Si EDF estime qu'il n'y a pas d'impact lié à cet assouplissement des normes, les opposants au nucléaire, eux, affirment le contraire. "Ils ne veulent pas procéder par dérogation, ils vont faire changer la loi. Je suis convaincu que ça se fera, déplore Marc Saint-Aroman de la commission énergie des Amis de la Terre. Emmanuel Macron a été clair : il a dit qu'il fallait faire la pause sur les données environnementales pour faire fonctionner l'industrie".
"On avait fait des relevés en temps normal. Il y a déjà des poissons de taille plus petite en aval. Donc si on élève les températures,ce sera encore pire. Ce qu'il faut savoir aussi, c'est qu'ils prennent la température amont dans le canal de la Garonne, un bras qui est une chaufferette l'été. C'est ce qui va à l'usine électrique. Ils ne la prennent pas sur le bras naturel de la Garonne. Cela leur permet déjà de tricher, de relever de 2 à 3 degrés la température amont. C'est un cas unique en France".
"Conséquences désastreuses sur la faune et la flore"
Pour Marc Saint-Aroman, EDF va reproduire ce qui avait été fait en 2006. "L'entreprise ne prendra pas la température maximum. Si l'eau est à 30°, ils prendront une valeur delta sur 24h. Ils ne mesurent plus, ils calculent. Ils diront "on peut monter de 2° par rapport à ce qu'on constate", donc la limite ne sera plus à 30°. On ira au-delà et cela va avoir des conséquences désastreuses sur la faune et la flore. Avant on ne dépassait pas 30° mais maintenant ils font une moyenne avec les températures de nuit".
Pour le militant, on s'entête dans le nucléaire au mépris de la protection de l'environnement. "On reste sur des épaves. C'est des réacteurs en fin de vie, on court à la catastrophe. Ils changent juste des parties. Le reste est laissé en l'état alors que tous les réacteurs vieillissent. C'est particulièrement inquiétant. Là, en plus, on va changer la réglementation pour l'adapter aux souhaits d'EDF. Sur le plan environnemental, c'est terrible".
La surveillance du peuplement piscicole devrait permettre d'évaluer les conséquences de l'élévation des températures en aval des centrales. A l'heure où l'on évoque un réchauffement à 4°...