L’été dernier a été marqué par un épisode de canicule sur l’ensemble du territoire national. Pendant des semaines, l’ASN a permis aux centrales nucléaires de contourner les limitations de températures pour continuer à fonctionner. Un rapport montre que cette situation a conduit à la contamination de la Garonne sur une centaine de kilomètres.
Le 13 juillet 2022, l’Hexagone traverse un énième épisode caniculaire. Selon les informations de Météo France, le mercure affiche à cette époque plus de 40°C en moyenne. Cette situation va durer pendant plus de quatorze jours d’affilée au niveau national.
Des records de chaleur sont même battus localement à Toulouse, Nîmes ou encore Sète. Cet épisode “se classe au 3e rang des canicules les plus intenses que la France ait connu (derrière juillet 2019 et août 2003), et au 6e rang des plus sévères", indique Météo France.
Une dérogation pour plusieurs centrales
Dans tout le pays, les compteurs sont au rouge. Et précisément dans les centrales nucléaires, où les températures très élevées inquiètent les autorités. C’est dans ce contexte que l’autorité de la sûreté nucléaire prend la décision de modifier temporairement toutes les “prescriptions applicables aux rejets liquides de trois centrales nucléaires pour permettre d’assurer la sécurité du réseau électrique”. Notamment parce que “le respect des valeurs limites sur la température des rejets liquides pourrait impliquer la réduction de la puissance ou l’arrêt de la production électrique de plusieurs réacteurs”.
Dans le détail, les centrales nucléaires de Blayais, Golfech et Saint-Alban ont été autorisées à contourner les restrictions et limites imposées sur la température de rejet des eaux de refroidissement dans le milieu naturel. Alors que la limite légale était fixée à 28°C, les sites sont désormais autorisés à rejeter une eau qui peut atteindre jusqu’à 30°C.
Un rapport indépendant a été mené par un collectif basé en Haute-Garonne qui demande la sortie du nucléaire. Il est notamment composé de la CRIIRAD, la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité, l'association Stop Golfech, le réseau “Sortir du nucléaire” ainsi que les Amis de la Terre Midi-Pyrénées.
Une contamination radioactive chronique
Selon les éléments rapportés par le collectif, et rendus publics jeudi 9 février 2023, ces dérogations ont un impact sur l'ensemble de l’écosystème aquatique de la Garonne. Pour arriver à ces conclusions, des prélèvements ont eu lieu à plusieurs endroits où le fleuve passe. Ces échantillons ont été confiés au laboratoire de la CRIIRAD. D’après le rapport, “ils montrent une contamination chronique de la flore aquatique par des substances radioactives rejetées en Garonne par la centrale nucléaire de Golfech”.
Concrètement, “l’analyse des plantes aquatiques de la Garonne prélevées les 7 juin et 29 août 2022 confirme la contamination chronique et persistante du milieu naturel en aval de Golfech, en particulier par le tritium et le carbone 14”, dénonce le rapport.
“L’activité en tritium des plantes prélevées en août est en effet 4 fois supérieure à celle des plantes prélevées en juin”, indique le rapport, qui précise même que “l’activité en carbone 14 a augmenté de 40% entre les 2 prélèvements”. Comme le rappellent les opposants au nucléaire, “le tritium et le carbone 14 sont respectivement des isotopes radioactifs de l’hydrogène et du carbone”.
Un risque sanitaire
En plus de présenter des conclusions scientifiques, ce rapport évalue aussi les risques sanitaires que cette situation fait courir à la population installée sur les rives de la Garonne. “Dans le cas de Golfech, l’impact est d’autant plus préoccupant que les eaux potables de dizaines de communes, dont celle d’Agen, sont puisées directement dans la Garonne en aval des rejets de la centrale”.
La possibilité d’une contamination de la population est également évoquée. “Comme toute la matière vivante est constituée d’atomes d’hydrogène et de carbone, une partie du tritium et du carbone 14 rejetés dans l’environnement se retrouvera in fine dans les cellules des organismes vivants y compris dans l’ADN, créant à la longue une irradiation interne qui augmente les risques de cancer (entre autres)”, assure le rapport.
Par le passé, une étude similaire avait déjà été menée par la CRIIRAD dans la région de Golfech. Elle couvrait la période de janvier 2016 à septembre 2021. Selon les résultats avancés par le rapport, la contamination des eaux potables par le tritium concernait une trentaine de communes de la région. Elles étaient réparties sur l’ensemble du territoire, “jusqu’à une cinquantaine de kilomètres en aval de Golfech”, maintenaient les auteurs du rapport, assurant que “l’impact est également détectable jusqu’à une centaine de kilomètres”.